CGT

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Tout trafic de voyageurs est interrompu.

Le transport du ravitaillement est assuré.

L’ordre de grève est parvenu dans les premières heures de la matinée de samedi à Poitiers et a été appliqué aussitôt sans incident.

Les trains de voyageurs au départ et à l’arrivée de Poitiers ont été stoppés, les guichets de distribution des billets fermés.

Le train Drapeau qui avait quitté la gare de Bordeaux-St Jean à 8 h. 05 est arrivé à 10 h. 47 à Poitiers.

La locomotive a aussitôt été décrochée et le train stoppé en gare.

Les voyageurs en transit en provenance des destinations : Bordeaux, Limoges, La Rochelle ont été acheminés soit sur leur gare de destination, soit rapatriés sur leur gare de départ par des trains de messagerie mais aucun billet n’a été délivré au départ de Poitiers.

Le trafic messagerie continue à être assuré normalement mais seulement pour le ravitaillement.

De nombreux voyageurs mais pas de train

L’heure matinale – 6 heures – à laquelle l’ordre de grève fut donné pour la région sud-ouest, n’avait pas permis aux journaux du matin dont toutes les éditions étaient alors tirées, d’annoncer la suspension du trafic voyageurs. Mieux même, ils titraient : « Pas de suspension du trafic dans la région sud-ouest ». Aussi, de nombreux voyageurs se présentèrent-ils toute la matinée aux guichets de la gare qu’avec stupeur ils trouvèrent fermés. Cela n’alla pas sans récrimination comme bien l’on pense mais aucun incident ne fut à déplorer.

Le service de renseignements et les contrôleurs eurent fort à faire pour répondre aux nombreuses questions dont ils furent assaillis. Dans le courant de la matinée, on apprit que le train Drapeau avait quitté Bordeaux normalement et n’avait pas été arrêté à Angoulême. Allait-il en être de même à Poitiers ? Beaucoup l’espéraient. Ils en furent pour leurs frais car aucun billet ne fut distribué et le train fut stoppé en gare.

Les cheminots se sont réunis samedi

Samedi après-midi les cadres et les cheminots ont tenu une réunion sur le quai de la gare.

M. Vigier, secrétaire du syndicat des cheminots, dans un long exposé fit l’historique de la question des salaires. Il montra combien la situation des employés et agents de la SNCF est critique. « Il n’y a pas de chef d’orchestre clandestin à notre mouvement, affirma t-il avec force, notre chef d’orchestre, c’est la misère ».

A l’issue de la réunion, l’ordre du jour suivant fut adopté par acclamation :
« Les cheminots de Poitiers, prenant leurs responsabilités face à la carence du gouvernement refusant de leur accorder leurs légitimes revendications, ont cessé le travail le 7 juin, à 6 heures.
« Ils réclament avec force la solution de toutes les revendications déposées par leur Fédération, à savoir :
   1) L’application de la grille de coefficients ;
   2) La revalorisation des salaires ;
   3) Reclassement de la fonction ;
Ils prennent l’engagement formel de continuer l’action avec calme et discipline, unis derrière leur puissante fédération jusqu’à l’aboutissement complet de leurs justes revendications ».

Une délégation est reçue à la Préfecture

Une délégation composée de MM. Robineau, secrétaire administratif ; Bessard, secrétaire-adjoint ; Chapeau, trésorier ; Chuat et Boutin, du syndicat des Cadres, se rendit à la Préfecture pour remettre l’ordre du jour à M. Le Préfet.

A 16 h. 50 la délégation fut reçue par M. Ravail.

Les cheminots renouvelèrent au représentant du gouvernement leurs revendications et lui donnèrent l’assurance que le ravitaillement serait assuré.

Nous continuerons le mouvement jusqu’à l’aboutissement de nos revendications

Dimanche soir le Comité de grève de la gare de Poitiers qui siège en permanence dans le local du syndicat à la gare, nous a transmis le communiqué suivant :
« Les cheminots continuent avec calme et discipline le mouvement de grève jusqu’à l’aboutissement de leurs justes revendications.
Ils mettent en garde le public contre les bruits tendancieux qui laissent croire que les cheminots sont grassement payés.
Un cheminot de début ne gagne que 4.230 frs, plus 1.020 frs d’indemnité de résidence.
Un chef de gare de 5^e classe, 6.502 frs.
Un sous-chef de gare principal, à l’échelle 12, 9.204 frs plus 1.020 frs d’indemnité de résidence.
Avec ces chiffres qui sont exacts et qui peuvent être vérifiés, l’opinion publique pourra comprendre la justesse de nos revendications.
Certains indiquent que les cheminots veulent affamer le pays.
Nous déclarons que tous ces bruits sont dénués de tout fondement. Le ravitaillement est toujours acheminé par les cheminots conscients de leur devoir comme ils l’étaient sous l’occupation.

Nous portons à la connaissance des expéditeurs de viandes, de légumes et denrées alimentaires, que des wagons sont toujours à leur disposition pour assurer le ravitaillement des villes.

Le Comité de grève lance un appel pressant à la population afin que le calme soit maintenu dans l’intérêt de la collectivité toute entière.

Les voyageurs en transit ne sont plus admis

Si samedi plusieurs trains ont été formés pour acheminer les voyageurs en transit c’est ceux possédant déjà leurs billets et les cheminots des différents dépôts. Il n’en est plus de même dimanche. C’est ainsi que de nombreux voyageurs, des mécaniciens et 21 employés des wagons-lits se trouvent actuellement bloqués à Poitiers et dans l’impossibilité de rejoindre leur domicile. La situation de ces personnes dont certaines, parmi les cheminots, ne possèdent pas de linge de rechange et que peu d’argent liquide, risquent si la grève se prolonge et si les pouvoirs publics ne prennent pas des mesures pour leur rapatriement, de devenir des plus critiques.

L’acheminement du courrier sera assuré

Malgré la grève des chemins de fer, les PTT achemineront le courrier. Des voitures postales assureront la liaison aux heures habituelles des trains. Pour notre département peu de retards sont à craindre dans l’acheminement. Ils seront vraisemblablement plus importants sur les grandes distances. Cependant l’administration des PTT, malgré la lourde tâche qui lui incombe, mettra tout en œuvre pour les réduire au minimum.

Les cheminots tiennent leurs promesses

Les cheminots avaient promis d’assurer le ravitaillement. Ils ont tenu parole c’est ainsi, qu’entre autres, le train 5573 est parti samedi matin prendre livraison d’un chargement de blé américain.