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0300216/06/1947POITIERS

LE CONGRÈS DE L’UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS

Dégage la leçon des évènements récents et appelle ses adhérents à la vigilance.

M. Vigier est élu secrétaire général de l’Union départementale

Comme toute manifestation bien démocratique, le congrès de l’Union départementale des syndicats CGT, qui a tenu ses assises à la Maison du peuple à Poitiers, prévu pour 9 heures, débute à 10. Si bien que ce retard amène tout au début de la séance une controverse, Vigier-Souchaud sur l’ordre du jour à suivre et c’est le dernier qui l’emporte après un vote à mains levées.

Au bureau on reconnaît MM. Delamare, du bureau confédéral ; Hardoux, de l’UD d’Indre-et-Loire et des membres du bureau de l’UD de la Vienne.

M. Commelin présente le rapport moral

C’est à M. Commelin, secrétaire de l’UD, qu’échoit la tâche de présenter le rapport moral de l’année écoulée.

Après avoir présenté ses souhaits aux délégués et à M. Delamarre, délégué de la CGT, M. Commelin dresse un rapide tableau des faits sociaux et économiques qui ont secoué le pays depuis le dernier congrès. Certains de ces évènements ont permis de donner des avantages moraux et matériels substantiels à la classe ouvrière. Par contre, d’autres sont loin d’avoir donné satisfaction, même partielle, aux revendications présentées. « La bataille que nous engageons, poursuit M. Commelin, pour conclure les conventions collectives nationales, permettra-t-elle d’obtenir des avantages qui combleront ce décalage ? ».

Les effectifs

Lors du dernier congrès, l’UD comprenait 118 syndicats. Aujourd’hui, après l’effort réalisé au cours de 1946, c’est 143 syndicats que compte l’UD. Parmi les 25 nouveaux syndicats, une bonne partie est représentée par l’agriculture.

La grave question des salaires et traitements

C’est ensuite cette importante question qui retient longuement l’attention de M. Commelin.

« Il n’est pas douteux que l’aménagement des salaires consécutifs à l’arrêté du 26 juillet 1946, poursuit-il, apportait un avantage appréciable. Mais entre le 1er juillet et le 31 décembre, les prix de détails augmentaient de 50 pour 100 et le bocage des prix fut ce que vous savez, c’est-à-dire une pure dérision ».

La question des salaires restait donc entièrement posée et le secrétaire de l’UD rappelle les batailles menées par la CGT, sur le plan national et départemental, au cours de ces derniers mois.

Quelques mots encore sur la zone des salaires, sur laquelle les efforts n’ont pas été couronnés de succès malgré plusieurs interventions.

Aussi, « est-il souhaitable que l’intervention des conventions collectives viennent corriger cet état de choses ».

De la question des salaires découle celle de la lutte contre la vie chère et le respect des prix.

M. Commelin n’hésite pas à blâmer l’attitude d’un grand nombre de syndicats qui ne s’intéressent pas suffisamment à ces questions et qui n’épaulent pas toujours comme il faudrait l’action menée par l’UD.

Conventions collectives et Sécurité sociale

Reste à parler des Conventions collectives, de la Sécurité sociale et des Allocations familiales.

Les conventions collectives, M. Commelin n’en touchera que quelques mots laissant au délégué fédéral Delamare le soin d’en parler plus longuement dans son exposé.

Pour les élections à la Sécurité sociale et aux Allocations familiales, M. Commelin tire les conclusions. Il n’apporte pas, à notre sens, toute la lumière sur la confection des listes, ce qui aurait pu éviter, à la suite, diverses interventions prolongeant la discussion sur le rapport.

Conclusions

M. Commelin tire les conclusions qui s’imposent à la fin de son rapport. Il déplore de n’avoir pu mieux faire ; la tâche écrasante qu’assume un secrétaire d’UD ne lui permet pas de s’intéresser pleinement à tous les problèmes, surtout à un moment particulièrement difficile où se multiplient les conflits sociaux.

« Il faut, une fois encore, que nous nous retrouvions plus unis et mieux armés pour les luttes de demain ».

Les interventions

On s’attend à des contre-attaques. Les deux thèses qui, dès le début se sont heurtées à propos de l’ordre du jour, vont à nouveau s’affronter.

C’est M. Bessard, du syndicat des cheminots qui lancent les premières flèches : « Pouvons-nous être satisfaits, dit-il ? Non ». Et il reproche avec virulence certain flottement dans le secrétariat de l’UD et les cheminots n’approuverons pas le rapport moral. Il aborde, comme tous le feront, l’importante question des Comités d’entreprise pas assez soutenus, mal dirigés et surtout mal conseillés.

C’est au tour de M. Denis, du syndicat de la Reconstruction. Le délégué élève le débat au-dessus des contingences habituelles. Il se penche particulièrement sur la question des prix et des salaires. Il apporte à l’appui d’une argumentation nourrie, des chiffres. Le premier, il rappellera les fautes commises pour les élections à la Sécurité sociale. Il brosse ensuite un rapide tableau de l’état actuel de la reconstruction dans le département, où l’on ne possède plus que pour un mois de crédit.

Sera-ce le chômage ?

Deux questions précises sont posées par M. Thibault du syndicat des établissements militaires de Poitiers : aux élections à la Sécurité sociale ? Comment a fonctionné la commission des prix ?

M. Commelin y répondra.

On attend la mise au point de M. Souchaud. Elle ne se fait pas attendre.

Bien sûr il va défendre le rapport moral et répondra aux critiques en rappelant les tâches écrasantes qu’assaillent à notre époque un secrétaire d’UD.

Il apporte d’ailleurs fort judicieusement des éclaircissements sur la confection des listes à la Sécurité sociale.

« Nous sommes de ceux, dit-il, qui sont partisans de l’unité syndicale », et, à une question posée par M. Guerineau il est amené à parler des Comités d’entreprise et répète les constations de M. Thibeault.

M. Fournier se plaint qu’on ne tienne pas suffisamment compte de l’avis du syndiqué.

Il fallait bien que M. Vigier répondit. Il faut d’ailleurs constater que la joute oratoire à laquelle se livre MM. Souchaud et Vigier est restée jusqu’à maintenant fort courtoise et que le débat qu’ils animent y gagne en clarté et en compréhension.

M. Vigier dégage sa responsabilité quant au rapport moral et en indique les raisons.

Il fait bien et chaque délégué saura à quoi s’en tenir.

Le syndicat des PTT, par M. Radisson, émet son avis surtout sur la création d’une commission féminine.

M. Babin répond à M. Fournier et les syndicats de Châtelleraut avaient mandaté M. Foucault pour présenter certaines objections au rapport. Il en relève fort courtoisement les faiblesses et constate que les syndicats ne trouvent pas tout l’appui désirable auprès du secrétariat de l’UD.

M. Commelin répond aux questions et aux critiques formulées contre lui. On constate des faiblesses. Il le concède. Mais ce n’est pas une sinécure d’assurer une telle mission pour la première année, parmi tous les conflits qui assaillent la classe ouvrière.

On procède alors au vote sur le rapport moral pendant que s’ouvre un nouveau débat sur la modification aux statuts.

Les modifications aux statuts

Deux orateurs en présence. Les deux mêmes. : MM. Souchaud et Vigier.

Deux articles surtout permettent aux orateurs d’exposer leur point de vue. L’un concerne l’élection du bureau (article 6).

M. Souchaud préconise que cette élection soit faite par le congrès et M. Vigier par la Commission exécutive élue par le congrès.

Le second article (article 13) visé porte sur la représentation des délégués au congrès et par incidence, sur l’élection à la CE.

M. Souchaud est partisan d’une représentation par tranche d’adhérents et M. Vigier voudrait que chaque délégué représente autant de voix que son syndicat comporte de cotisants.

L’une et l’autre thèse sont naturellement présentées avec arguments à l’appui.

Qui l’emportera ?

Les congressistes vont trancher le débat non sans que successivement MM. Foucault, Austrui soient intervenus dans le débat, paraissant désavouer, l’un et l’autre, l’opinion de M. Souchaud.

Le rapport financier

Avant d’aborder le rapport financier, M. Vigier demande que M. Souchaud présente ce rapport puisqu’en fait c’est lui qui l’a dressé, le trésorier, M. Pothet, n’ayant pu le faire.

La situation financière est extrêmement favorable. Au 31 décembre 1946, les recettes s’étaient élevées à 836.616 fr 35 et les dépenses à 508.555 fr 30.

M. Doucelin, au nom de la commission de contrôle, fait état du parfait état de la trésorerie.

Une discussion s’élève au sujet du prix du timbre syndical et de la ristourne ce qui n’empêche pas le rapport d’être approuvé à l’unanimité.

Élection de la Commission exécutive

L’élection à la CE présente aujourd’hui un grand intérêt car si la thèse de M. Vigier prévaut sur celle de M. Souchaud, celle de la CE sera appelée à élire le bureau de l’UD.

Avant de passer au vote, M. Laprelle s’élève vigoureusement contre l’évictoin des adhérents de l’UGFF, puisque les noms proposés : Mme Rivereau, MM. Bisserier et Stator, n’ont pas été retenus.

M. Denis réfute les arguments de M. Laprelle et fait appel à la raison, tandis que M. Vigier donne les éclaircissements qu’il croit devoir donner.

Les élus à la Commission exécutive

Sont élus : MM. Vigier Louis, 12.710 ; Gibouin Maurice, 12.526 ; Robinet Alfred, 7.308 ; Souchaud Henri, 12.100 ; Ardouin André, 7.521 ; Babin Clovis, 11.439 ; Gond Camille, 7.888 ; Foucault Pierre, 11.510 ; Lairé André, 7.288 ; Delhoume Roger,11.311 ; Robineau Pierre, 10.608 ; Auriault Henri, 10.609 ; Boudoux Louis, 7.725 ; Bernard Louis, 9.052 ; Mlle Fraudeau, 3.330 ; Mansious Romain, 7.778 ; Maury André, 8.897 ; Petit Alphonse, 5.990 ; Radisson, 9.000 ; Thibault André, 8.116 ; Vriet Gaston, 8.638.

Les tâches d’avenir de l’UD

C’est M. Commelin qui présente le rapport.

Il aborde successivement la question de la zone des salaires, des Comités d’entreprise, des primes à la production.

M. Baudoux, du syndicat de Chasseneuil, s’insurge contre le maintien des zones de salaires, se prononce pour l’extension rapide des comité d’entreprise.

M. Jean apporte le point de vue du syndicat de l’enseignement technique pour lequel il demande l’appui efficace de la CGT. M. Jean donne d’excellents renseignements et dépose une motion demandant notamment le vote rapide du projet de loi sur l’apprentissage.

M. Laisne de Chauvigny, s’attache à démontrer que l’UD doit efficacement appuyer les Comités d’entreprise pour aider les travailleurs.

M. Pouilloux jette un cri d’alarme sur l’école laïque.

M. Foucault aborde les problèmes de l’avenir avec son fougueux tempérament.

M. Souchaud donne des précisions sur la création d’une Association familiale dont les statuts ont été déposés et insiste pour qu’elle devienne viable.

M. Viaud, au nom des syndicats agricoles, regrette, malgré la création de 18 nouveaux syndicats, que le nombre de syndiqués ne s’élève qu’à 500 sur 15.000 ouvriers salariés dans l’agriculture. Il indique les causes de la carence du recrutement et réclame le soutien de l’UD.

M. Bosco, de Châtellerault, déclare que les cadres de l’industrie privée départementale ont l’intention de se grouper en cartel.

M. Mardoux, de l’UD de l’Indre et Loire, apporte le salut des syndiqués du département voisin et lance un appel à l’union.

La motion Vigier l’emporte

Rapport moral : Thèse Vigier : Pour : 6.412 ; contre 5.766 ; thèse Souchaud : Pour : 239 ; contre 141.

Modification aux statuts : Thèse Vigier : article 6, 230 ; article 14, 220. Thèse Souchaud : article 6, 111 ; article 13, 118.

C’est donc la CE qui élira le bureau de l’UD.

L’exposé de M. Delamare

Le délégué du bureau confédéral va apporter de claires précisions sur deux questions importantes qui ont tout particulièrement retenu l’attention des congressistes au cours de la journée.

Zones d’abattement. Problème qui ne peut pas trouver une solution sur le plan national.

L’UD de la Seine-et-Oise a trouvé la solution en provoquant une réunion à la Préfecture, des maires, des commerçants, des industriels et des représentants syndicaux. Cette assemblée a trouvé un accord.

Est-on armé pour posséder un salaire national ? Non !

« Nous devons, par des actions, amener l’amenuisement des marges d’abattement ».

« C’est une utopie de croire que nous pouvons, dans les circonstances présentes, pouvoir appliquer un barème national ».

Salaires et prix sont liés

M. Delamarre rapporte alors les contact établis avec la DGA qui avait procuré tout son appui pour stabiliser les prix et amener une meilleure distribution.

On connaît le résultat.

Le mal, où se trouve-t-il ?

« Il y a 400.000 commerçants nouveaux alors qu’il y a moins de marchandises à distribuer ».

Le mal des « queues de hausse » est aussi évoqué. Aussi M. Delamarre s’élève contre l’action menée par … le maintien de la France dans un « dirigisme bien dirigé » comme il nous faut exporter pour avoir des devises.

« Le salaire nominal n’est plus la mesure de capacité d’achat ».

« Il nous faut trouver un autre moyen. On a tenté deux baisses successives de 5 pour 100, vouées à l’échec depuis lors, et pourtant la CGT avait donné son appui total à ces initiatives en multipliant les commissions d’assainissement ».

Pour accroître le pouvoir d’achat des masses, la CGT a alors préconisé l’emploi de primes à la production.

M. Delamarre aborde ensuite la série de conflits sociaux qui ont éclaté depuis la grève des usines Renault jusqu’à celle récente des cheminots.

Il en rapporte rapidement l’évolution et les transactions qui ont suivi pour arriver à l’accord.

Mais une question se pose ; « Qui a canalisé le mécontentement justifié des travailleurs ? ».

« Ce sont les détracteurs des nationalisations ».

De tels faits doivent attirer la vigilance et attention des travailleurs.

Que doit-faire ? Choisir un système économique viable. Et nous pouvons trouver des éléments de base dans les plans appliqués en URSS et en Angleterre pour faire échec aux trusts, aux commerçants véreux, aux trafiquants et aux collaborateurs blanchis.

Pour trouver le moyen de combattre le « cercle infernal » qui nous englobe, « il est nécessaire que la CGT reste unie, meilleure garantie de sa puissance ».

Conventions collectives

Point crucial et indispensable à trouver une résolution.

« En luttant pour l’obtention de ces conventions, nous aurons réalisé la plus belle union des travailleurs et le renforcement de leur position ».

Les difficultés s’amoncellent. Et pourtant la loi est établie depuis six mois, mais aucune convention n’a été signée pour cause de freinage occulte des gros patrons.

M. Delamarre termine en lançant un vibrant appel au travail pour que triomphe la fière devise « bien être et liberté ».

La « Marseillaise retentit et M. Commelin remercie M. Delamarre pour son brillant exposé. Une minute de silence est observée à la mémoire des militants de la CGT morts sous l’occupation.

Composition du bureau :

Secrétaire général : M. Vigier, élu à l’unanimité
Secrétaires : MM. Thibault, Robinet, Mlle Fraudeau.
Trésorier : M. Souchaud, pressenti, réserve sa réponse qu’il donnera dans un mois.
Trésorier-adjoint : M. Babin

Avant la clôture M. Vigier remercie les congressistes au nom du nouveau bureau et fait le bilan des tâches à entreprendre par tous les travailleurs unis au sein de la CGT.

Les résolutions

Diverses résolutions émanant du syndicat de l’enseignement technique, de l’enseignement, en faveur d’une action énergique pour soutenir l’école laïque, et du congrès sont lues par M. Commelin.

Voici l’essentiel de la résolution finale du congrès :
Celui-ci demande la mise au travail de tous les oisifs.

S’élève avec énergie contre les atteintes aux droits syndicaux, notamment en ce qui concerne l’application immédiate du statut de la fonction publique, votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale.

Demande l’amélioration du ravitaillement par une collecte mieux organisée et la réorganisation complète des services du ravitaillement et de la répartition et par une lutte efficace du marché noir.
Se prononce pour une défense énergique des nationalisations et leur perfectionnement par l’établissement d’un statut d’entreprise nationalisée.

Demande une défense énergique dans tous les domaines de la laïcité.

Insiste pour obtenir une politique de réparation qui, plus particulièrement, fera attribuer du charbon allemand, produit indispensable au relèvement de la France.

Demande la mise en application des principes inscrits dans la constitution concernant l’Union Française.

Il salue les hommes tombés pour assurer le maintien de la France dans ses territoires et réclame une politique d’amitié avec les peuples de l’Union Française les libérant de l’emprise du colonialisme et des trusts.

Salue le peuple de Grèce et de l’Espagne républicaine qui luttent pour leur liberté et demande le renforcement des liens de tous les travailleurs du monde sous l’égide de la FSM, seul moyen d’assurer une paix définitive.

Les congressistes s’engagent à militer au sein des syndicats, des Unions locales et départementale et d’intensifier leurs efforts en vue de recruter de nouveaux adhérents afin de renforcer la puissance de notre grande CGT.

 

le 23/11/2020 à 16:32

Source : Le Libre Poitou

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