« Retour

0312409/12/1947POITIERS

UNE PROTESTATION DES SECTIONS SYNDICALES DU LYCÉE DE GARÇONS (CGT - CFTC)

On nous communique :
« Les membres du personnel enseignant du Lycée de Poitiers, membres d’un corps officiellement chargé de l’instruction générale et de l’instruction civique des enfants de la République, ayant pris connaissance de la circulaire du Président du Conseil des Ministres, transmises par le Préfet de la Vienne à l’Inspecteur d’Académie en date du 1er décembre 1947, et l’ayant jugée irrecevable dans son fond et infamante dans sa forme.
« Estiment qu’il est vraiment déraisonnable d’invoquer dans le préambule d’une circulaire « l’esprit des dispositions du statut des fonctionnaires » quand, non content d’en violer la lettre, on s’apprête à piétiner la Constitution même.
« Pensent en effet que menacer de « suspension immédiate » tout fonctionnaire coupable de « cessation volontaire » de travail (paragraphe 2) c’est offenser sans équivoque le droit de grève reconnu à tous les travailleurs par la Constitution.
« Protestent contre l’interdiction faite aux syndicats de tenir des réunions dans les locaux de l’administration sans autorisation préalable.
« Rappellent que les « actes de sabotage caractérisés » visés au paragraphe 1 de la circulaire sont depuis longtemps le fait d’une administration des finances qui, dédaigneuse des valeurs spirituelles et ignorante des réalités modernes, s’acharne à ruiner l’Éducation nationale, ravale la France au dernier rang des nations civilisées, et compromet pour longtemps le relèvement du pays.
« Sont heureux cependant de constater, alors qu’ils croyaient l’Éducation nationale définitivement méprisée, son reclassement différé, son rôle sous-estimé, que les pouvoirs publics jugent les fonctionnaires de l’Enseignement aussi utiles, ou aussi dangereux, selon l’occasion, que les « cyclistes, les plantons, les chauffeurs, les pompiers et les concierges » (paragraphe 3).
« Se demandent « en tout état de cause » à la lecture du paragraphe 2 de la circulaire si riche de menaces, si les « agents désireux d’assurer leur travail », prévus par le paragraphe 5 pour remplacer dans les locaux administratifs, évacués au préalable, les « grévistes éventuels » ne seraient pas des agents de police ou des « gens d’armes », ce qui du même coup ferait triompher l’autorité et réglerait le problème du recrutement.
« Ont apprécié à sa juste valeur le tour de force financier exalté par le paragraphe 6 et qui consiste à diminuer de moitié, en cas de grève, le « traitement » des fonctionnaires de l’enseignement, dont on peut se demander s’il est encore divisible.
« Déclarent, une fois encore, que les membres de l’enseignement ne sont pour rien dans le marasme actuel et que, si le Gouvernement est capable d’une « application stricte et rigoureuse » des lois, il pourrait, avant de songer à brimer le corps enseignant et à l’évincer des locaux administratifs, chasser du temple les trafiquants et tous ceux qui cyniquement profitent de la misère générale.
« Affirmant en toute simplicité que la tradition séculaire de l’Université française s’oppose à toute intimidation, qu’elle n’a jamais cédé à la menace, et que sa candeur et son idéalisme attestent son désintéressement et non pas sa faiblesse. C’est la vertu et non la crainte qui fonde le régime démocratique. L’Université veut pour chefs des hommes sortis de son sein et tous occupés d’enseignement et d’éducation et non des sycophantes. Il est répugnant de demander aux proviseurs et aux inspecteurs d’Académie de se faire les délateurs de collègues dont malheureusement ils partagent la condition misérable.

Les fonctionnaires qui ont rédigé cette protestation ont jugé dans leur conscience qu’ils ne devaient pas créer dans un moment si critique pour la République de nouvelles difficultés au Gouvernement en quittant leur poste, mais ils entendent que ce renoncement à la grève soit interprété comme un nouveau sacrifice qu’ils font au pays et non comme un abandon de revendications cent fois reconnues justes par les Gouvernements successifs et les Assemblées. Ils se réservent, malgré les menaces des circulaires, le droit de « cesser volontairement » le travail si le Gouvernement s’obstine à méconnaître l’intérêt de la Nation en refusant à l’enseignement la dignité d’une vie décente.

 

 

le 26/11/2020 à 14:29

Source : Le Libre Poitou

professeurs, droits de grève, protestation

« Retour

Espace Militants v0.3 - UD CGT 86 - http://cgt-ud86.org

Site UD 86 - Espace militants - Espace formation