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0331206/09/1948POITIERS

AU MEETING DE LA MAISON DU PEUPLE M. JULIEN RACAMOND, SECRÉTAIRE DE LA CGT, LANCE UN APPEL À L’UNITÉ

M. Julien Racamond, secrétaire de la CGT devait samedi à Poitiers, présider une réunion de cadres. M. Vigier, secrétaire de l’Union départementale des syndicats ouvriers de la Vienne CGT, en profita pour organiser un meeting de protestation et de revendication à la Maison du peuple.

Devant un auditoire attentif, M. Vigier, à qui avait été donné la présidence du meeting, présenta l’orateur qui, depuis de longues années, milite au sein de la CGT dont il est actuellement l’un des secrétaires.

M. Vigier

« Sans la période des vacances, dira M. Vigier, il y a déjà longtemps que nous aurions tenu ce meeting. Le mécontentement des travailleurs qui voient les prix sans cesse monter, alors que leurs salaires demeurent normalement bas, grandit ».

Il attaque ensuite la politique des différents gouvernements qui se sont succédés et qui, affirme t-il, ont fait le jeu de la réaction. Il argumente ses affirmations de chiffres et montre la courbe croissante des prix des denrées de première nécessité alors que les salaires restaient au même taux. M. Vigier s’en prend ensuite au plan Marshall qu’il accuse d’avoir pour but la domination militaire. Revenant sur le plan intérieur, M. Vigier condamne l’action des syndicalistes « scissionnistes » et affirme que l’union des travailleurs « qu’ils ont trompé » se fera malgré eux. « Déjà, dit-il, l’unité d’action s’est faite dans de nombreuses entreprises entre travailleurs FO et chrétiens et ce, malgré les dirigeants ».

M. Racamond

Reprenant un à un les points déjà abordés par M. Vigier, M. Racamond va s’employer à étoffer l’argumentation déjà présentée. Il devait définir les buts de la CGT, c’est en réalité toute l’histoire du mouvement syndical depuis la libération qu’il va entreprendre. Il montre, en commençant, la situation précaire dans laquelle se trouvent les salariés par suite de l’augmentation continuelle des denrées et produits de première nécessité. Il rappelle les principales interventions du Bureau confédéral pour obtenir une amélioration du sort des travailleurs. A la libération, Benoit Frachon appela les travailleurs à réaliser un effort de production. La production augmenta mais le pouvoir d’achat des masses laborieuses diminua. Aux demandes de relèvement des salaires présentées par le Bureau confédéral, les différents ministres répondirent que l’on ne pouvait augmenter les salaires sans compromettre la stabilité du franc.

« Pourtant, souligne M. Racamond, la meilleure garantie du franc n’était-t-elle le labeur de ses travailleurs ?

Puis ce furent les promesses de baisse. Excédés, les travailleurs déclenchèrent les grèves de novembre dernier. Enfin M. Racamond termine en critiquant le plan Marshall et la politique du gouvernement Marie et de son Ministre des Finances, Paul Reynaud – la composition du gouvernement Schuman n’étant pas encore connue à ce moment - et énumère ensuite les revendications soutenues par la CGT et qu’on trouvera dans la motion que nous reproduisons plus loin, après avoir affirmé que seule la constitution d’un gouvernement démocratique permettrait de mettre le monde ouvrier sur la voie du progrès social et de lui donner plus de bien-être en réduisant les super bénéfices des trusts, ce qui permettrait non seulement de faire baisser le coût de la vie, mais encore d’augmenter les salaires dans une proportion sensible.

A l’issue de la réunion, la résolution suivante fut adoptée à l’unanimité et portée à la Préfecture par une délégation composée de MM. Thibault, Aucher, Deloume, Maury, Fraudeau, Petit, Robineau, accompagnée de MM. Racamond et Vigier, en même temps qu’une autre résolution adoptée par les cheminots au cours de leur dernière réunion et que nous publierons dans une prochaine édition.

La résolution

« Les travailleurs de Poitiers, de toutes professions et de toutes organisations, enregistrent avec satisfaction la chute du gouvernement des décrets-lois de Marie, Schuman, Moch et Raynaud, tombés sous la pression des masses populaires.

« Ils constatent que le Gouvernement ne s’est pas désagrégé par un désaccord entre les ministres, mais par la combativité de toutes les organisations syndicales, y compris la CFTC et FO, débordées par leurs adhérents, réalisant l’unité d’action avec leurs frères de la CGT, pour faire aboutir des revendications communes.

« Enregistrant cette volonté d’unité de la classe ouvrière, ils déclarent que le moment est venu de liquider la scission syndicale.

« Ils se déclarent décidés pour faciliter le regroupement des forces syndicales à se montrer plus que jamais fraternels à l’égard de ceux qui ont été trompés et les invitent à reprendre leur place à la grande CGT pour engager le combat décisif qui permettra :
   1. - La fixation du salaire minimum vital à 13.500 francs pour 173 heures de travail, chiffre arrêté par le centre économique de la CGT au 30 août 1948.
   2. - La révision des zones de salaires, en tenant compte des travaux de la Commission départementale qui a fait la démonstration que la vie est aussi chère qu’à Paris.
   3. - Le maintien de la durée légale de la semaine de 40 heures et la rémunération des heures supplémentaires sur les bases actuelles.
   4. - Des mesures efficaces pour garantir le pouvoir d’achat par la réduction des profits capitalistes et la diminution des crédits militaires et par une révision trimestrielle et automatique des salaires en fonction du coût de la vie, ainsi que la revalorisation des retraites et pensions.
   5. - D’obtenir une véritable baisse des prix par une lutte contre les spéculateurs encouragés par le gouvernement qui pousse lui-même à la hausse.
   6. - La défense de la Sécurité sociale et le remboursement des spécialités de la catégorie C.

« Considérant que ces revendications, qui permettront à la classe ouvrière de faire les sacrifices nécessaires pour redresser l’économie du pays et lui rendre son indépendance, menacée par le plan des trusts américains, dit plan Marshall, ne pourront être solutionnées par les formules gouvernementales actuelles, ils appellent tous les républicains à s’unir pour obtenir la formation d’un gouvernement démocratique avec de véritables Français travaillant avec le peuple et pour le peuple, qui conduira le pays sur la route de la liberté, de la prospérité et de la paix.

« Ils tiennent à déclarer être décidés à mettre tout en œuvre pour faire aboutir ces revendications, par tous les moyens à leur disposition, y compris la grève et d’appliquer sans faiblesse les mots d’ordre de la CGT.

Ils se séparent aux cris de vive la Confédération Générale du Travail, vive l’unité des travailleurs, vive la République laïque, sociale et progressiste ».

le 06/12/2020 à 13:36

Source : Le Libre Poitou

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