0343415/02/1949POITIERS
Après avoir subi toutes sortes de tourmentes, la guerre et ses séquelles habituelles, notre pays connaît une nouvelle crise, celle du chômage. Avant-guerre, le chômage sévissait à l’état endémique, la guerre le fit disparaître. Il vient à nouveau de faire sa réapparition et le travailleur se trouve en perpétuel danger.
A quoi tient cette crise de chômage ? Certains l’attribue au manque d’argent, d’autres aux mauvaises conditions économiques. Toujours est-il que dans toutes les villes de France les files de chômeurs s’allongent devant les bureaux officiels de placement.
Notre département et Poitiers n’échappent pas à cette règle et chez nous comme ailleurs il y a des chômeurs qui se présentent à l’office départemental de la rue Renaudot, toujours plus nombreux.
Y a t-il des chômeurs professionnels à Poitiers ? A une telle question nous répondons non, car il n’y a pas de fonds de chômage en notre ville. La création d’un semblable organisme a bien été agitée au cours d’une récente séance du conseil municipal, mais jusqu’à ce jour, aucune solution n’est intervenue. C’est la branche bâtiment la plus atteinte par le chômage. Les causes sont multiples et il serait trop long de les énumérer.
Voici quelques chiffres qui montrent l’aspect actuel du chômage par rapport aux années précédentes.
Décembre 1947 : 295 hommes et 87 femmes sont sans travail.
Janvier 1948 : 406 hommes et 134 femmes.
Novembre 1948 : 197 femmes sont sans travail, le nombre des hommes en chômage par rapport au mois précédent a donc diminué légèrement.
En décembre 1948, 363 hommes et 226 femmes sont en chômage.
Fin janvier 1949, 300 hommes sont en chômage et le nombre de femmes se trouvant dans la même situation est légèrement plus élevé que le mois passé.
Cette crise de chômage atteint aussi bien manuels qu’intellectuels et tout laisse présumer que tous les chômeurs ne sont pas inscrits à l’office du Travail (ce en quoi ils ont tord car cette inscription leur permet de conserver le bénéfice des allocations familiales et de la Sécurité sociale).
Un remède à cette crise ? Des grands travaux, la prospérité, l’abondance ?
La situation à Poitiers
La situation actuelle du chômage à Poitiers se présente ainsi à la mi-février :
Les professions qui comptent au moins 5 chômeurs domiciliés à Poitiers sont les suivantes :
Terrassements et manutention : 87 parmi lesquels environ 65 sont susceptibles de faire du terrassement et d’être embauchés au début du printemps quand les travaux de construction reprendront.
Maçons, cimentiers : 6 chômeurs qui pourront peut-être retrouver leur situation au printemps.
Menuisiers : 6 ; plombiers-couverture : 7 ; peinture : 5 ; serrurerie-électricité : 3. Ces quatre corps de métier ne peuvent espérer trouver du travail qu’après la construction du gros ouvrage. Il faut donc prévoir pour eux un chômage plus long que celui des terrassiers et des maçons, qui pourra aller jusqu’en septembre et octobre (à moins que l’application de la loi sur les loyers n’incite les propriétaires à faire des réparations ou à moderniser leurs immeubles).
Employés de bureau, aide-comptable : 19. Leur sort est lié à la reprise générale des affaires surtout depuis que la formation professionnelle accélérée a supprimé par mesure d’économie, les écoles qui enseignaient des métiers susceptibles de leur convenir.
Chauffeurs : 12. Le placement dans cette branche est impossible si les attributions d’essence ne sont pas accrues.
Mécanique, garage : 130. Les réparations ne pouvant être que fonction du nombre de véhicules automobiles en circulation, or le manque de carburant ralentit cette circulation.
5 domestiques, 5 employés d’imprimerie et 6 boulangers sont en outre sans travail. Ces derniers chiffres correspondent sensiblement à un roulement régulier d’employés licenciés en période normale. Ils sont cependant susceptibles de diminuer, au moins pour les domestiques et les employés d’imprimerie, dans le cas d’une amélioration générale des conditions d’existence pour les premiers et d’une reprise de l’activité commerciale pour les seconds.
Par contre le chiffre maximum de l’utilisation des ouvriers boulangers paraît être atteint ; il faudrait donc pour que ceux qui sont en surnombre dans la profession en changer.
A Poitiers toutes les autres professions ne comptent que une ou deux unités sans travail. Il est à noter que chaque profession comporte un pourcentage d’ouvriers, variable avec chaque corps de métier, qu’il est impossible de faire embaucher par suite d’insuffisance physique ou de mauvaise volonté au travail.
Les offres d’emploi sont peu nombreuses. Le mois dernier, par exemple, il y a eu 218 placements et 25 offres non satisfaites.
La concurrence étrangère
On a souvent parlé de la concurrence de la main-d’œuvre étrangère. Ce n’est pas le cas dans notre département, les étrangers qui habitent et travaillent dans notre région appartiennent aux professions déficitaires et sont surtout agricoles (2.500 dans notre département). Ce sont des Espagnols, Italiens, Polonais, Allemands, Belges, Portugais, Tchécoslovaques, Russes, Suisses, Hollandais. Ils sont artisans, forains, commerçants mais le plus souvent agriculteurs, étant fermiers ou métayers.
De plus la Vienne emploie 350 ex-prisonniers de guerre, devenus travailleurs libres, soit comme agriculteurs ou manœuvres.
Une amélioration à la crise
Une amélioration peut être apportée à cette crise de chômage, quand les chantiers correspondant aux adjudications déjà faites seront ouverts. Toutefois le nombre actuel des chômeurs dans une économie active serait normal si tous avaient l’espoir, dans un temps plus ou moins long, de retrouver une situation. Mais ce n’est pas le cas et c’est ce qui fait le tragique du moment, car les sans-travail n’ont pas l’espoir de trouver à s’employer ni dans leur métier ni dans un autre.
le 18/12/2020 à 18:26
Source : Le Libre Poitou
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