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0351607/05/1935CHAUVIGNY

CONGRÈS DE L'UD DES SYNDICATS CONFÉDÉRÉS DE LA VIENNE

Le dimanche 28 avril s’est tenu à Chauvigny, le XXIIIe congrès de l’Union départementale des syndicats confédérés de la Vienne sous la présidence de Capocci, délégué de la CGT. Soixante-huit délégués représentants trente-huit syndicats y siégèrent.

La séance du matin

Pol Jouteau, secrétaire de l’Union locale de Chauvigny, salue les congressistes en ces termes :

Camarades délégués,

Au nom de l’Union locale de Chauvigny, je vous souhaite la bienvenue et un cordial salut syndicaliste.

L’union est heureuse de vous seconder dans vos efforts d’émancipation. Vous êtes réunis aujourd’hui dans la vieille « Cité Rouge » ; vous pouvez être sûrs que la ville ouvrière vous suivra dans vos discussions, dans vos initiatives, comme dans votre propagande et dans votre action évolutionniste et révolutionnaire.

L’Union locale est composée de syndicats confédérés et autonomes, l’entente se fait parmi nous, parce que nous disons qu’au-dessus de toutes les passions comme de tous les partis, il y a le syndicalisme. Tout ce qui est syndicaliste est nôtre. Et nous, les militants, nous veillons avec un soin jaloux à son indépendance, appelant de tous nos vœux l’Unité syndicale. La franchise règne donc à l’Union, car nous avons chassé la politique de son sein, la politique qui divise les travailleurs.Toujours la politique a divisé les hommes, le syndicalisme les unira toujours.

Je ne voudrais pas rappeler le douloureux passé qui brisa la vieille CGT française, il y a déjà trop longtemps, mais permettez à un vieux militant, ex-membre (du Comité confédéral d’avant-guerre, qui a vécu ces jours tragiques, de dire quelques mots sur cette scission qui eut sa répercussion dans la Vienne et dont le Congrès de Chauvigny en 1021 porte encore la responsabilité.

Ça, voyez-vous, mes camarades délégués, la haine des gouvernants de 1919 et des capitalistes de tout acabit contre la classe ouvrière qui réclamait dans ses grandes grèves sa part de bien-être après l'assassinat mondial, avait allumé la méfiance entre les travailleurs. Des policiers furent semés par les potentats dans les organisations ouvrières pour diviser nos rangs et briser l'élan du peuple qui se dressait contre la bourgeoisie dominante.

Les traitres furent démasqués trop tard ; beaucoup de camarades s'y laissèrent prendre ; la chaine ouvrière fut rompue. Des CGT naquirent, des querelles, des haines firent le reste. Les travailleurs divisés, le Capital triomphait.

J’ai vécu ces jours malheureux ; mon tempérament combatif voulait sauver le syndicalisme. J'ai essayé dans mes différents postes fédéraux de rallier l'unité à tout prix ; hélas, les meurtrissures étaient faites !

Le temps a passé. Aujourd'hui, sous le nom de fascisme, les capitalistes rassemblés veulent dominer davantage. La guerre est en perspective. Les travailleurs comprendront-ils qu'ils doivent s'unir pour être forts ?

Le syndicalisme se doit de rénover le monde ; face au fascisme ! Sachons être vigilants pour que l'Unité syndicaliste réalisée prenne les rênes de la société et conduise les destinées du Travail et de l'Economie.

Toutes les activités humaines sont solidaires, tous les travailleurs doivent s'unir : intellectuels, manuels, savants. Il n'est que temps ; demain il sera trop tard.

Et puisque, camarades, votre ordre du jour appelle l'Unité, vite à la besogne, pour les grandes questions économiques et pour la paix entre tous.

Le jour où l'Unité sera un fait accompli, nous serons invincibles : I'espoir grandira. Notre puissance sera telle qu'elle inondera l'humanité des lumières fécondantes de notre grand idéal. Dans la souveraineté du Travail, notre belle devise : bien-être et liberté, ne sera plus un vain mot.

Le Congrès de Chauvigny de 1921 a divisé les travailleurs de la Vienne, aujourd'hui le Congrès de Chauvigny de 1935 forgera la soudure intégrale.

Cette pauvre page de l'histoire syndicale avait besoin d'être évoquée pour raffermir nos idées et pour que les jeunes ne revoient plus jamais toutes ces vilaines choses.

Et maintenant, camarades délégués, au travail pour le Syndicalisme libérateur !

Puis Souchaud, secrétaire de I’UD, ouvre le débat et expédie les diverses affaires courantes ; lecture du procès-verbal du congrès de Châtellerault du 29 avril 1934, du procès-verbal de la commission administrative, etc ... Le débat prend un tour plus vif avec la discussion du rapport moral.

Le rapport moral

Paillé, des cheminots, Giraudeau, des travailleurs de l'Etat, demandent des explications à Souchaud sur son attitude au CCN ; Bonnet, des Services publics, demande s’il est exact que la CGT considère les secrétaires d’UD et les secrétaires de fédérations comme des fonctionnaires. Capocci répond que c'est là une interprétation tendancieuse des paroles de Jouhaux. Après les explications de Souchaud et de Capocci, le rapport moral est adopté à l'unanimité.

Le rapport financier

Une courte discussion, vite close, s'engage sur le rapport financier à propos de la cotisation des syndicats de Châtellerault. Après une intervention de Giraudeau, le rapport présenté par le trésorier Colas est adopté.

Les assurances sociales et la Caisse « LE TRAVAIL »

Souchaud et Capocci voient dans les assurances sociales le plus sûr instrument de l'émancipation de la classe ouvrière. Ils décrivent les méthodes propres à assurer le développement de celle-ci.

Octobre, Bouriault, Texereau posent diverses questions sur la gestion de la Caisse « Le Travail». Finalement le rapport est adopté et des félicitations votées aux camarades qui gèrent la caisse.

LA SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

Au début, un ordre du jour de solidarité avec les instituteurs, les professeurs, les postiers, les travailleurs de l'Etat, injustement frappés par la répression gouvernementale est adopté. Également adopté un ordre du jour protestant contre le service de deux ans.

Le chômage

Au cours des débats des opinions assez contradictoires se feront entendre. Tesserault voudrait résorber la crise par l'interdiction de la main-d'œuvre étrangère. Capocci s'élève à la fois contre le mouvement xénophobe, la pratique des deux métiers et des heures supplémentaires. Il ne voit de solution que dans les mesures préconisées par la CGT Girault explique pourquoi il a refusé la création d'un fonds de chômage dans sa commune. Piboule fait entendre le point de vue des chômeurs. Enfin Stanislas Bonnet donne les raisons historiques et juridiques qui empêchent l'interdiction de la main-d'œuvre étrangère ; pas davantage il ne pense que les fonds de chômage municipaux constituent une solution et lui aussi ne voit de remèdes que dans les mesures préconisées par la CGT. C'est à ce point de vue que se range le congrès.

L'unité syndicale

Deux thèses se heurtent. L'une, l'ancienne motion des Services publics, est défendue avec talent par Libereau, Paillé, Berthommé et Giraudeau. L'autre, défendue avec éloquence par Souchaud, Moreau et Capocci condamnent les oppositions fractionnelles. Bonnet demande ce qu'il faut entendre par cette expression « opposition fractionnelle ». Finalement la motion des Services publics est votée par 48 mandats contre 32 et 18 abstentions.

Enfin, pour terminer, Capocci, au nom de la CGT, remercie les délégués pour la bonne tenue de ce congrès et félicite nos camarades de Chauvigny qui ont si bien su l'organiser.

Motions votées par le Congrès

Le Congrès de l’UD des Syndicats confédérés de la Vienne, réuni à Chauvigny le 28 avril 1935, s'élève avec véhémence contre les violations du droit public, du droit syndicat dont se rendent coutumiers :
1° Le Ministre de l'Education nationale frappant les professeurs et instituteurs pour délit d'opinion ;
2° Le Ministre des P. T. T. qui ne respecte plus aucun règlement d'administration ;
3° L'ensemble des Ministres qui frappent les agents des Services publics et concédés et en particulier ceux des chemins de fer et des travailleurs de l'Etat.

Adresse aux victimes de la répression gouvernementale l'expression de sa vive sympathie et de son entière solidarité.

Concernant le chômage dans la Vienne, le Congrès des Syndicats confédérés constate que ses prévisions se sont malheureusement réalisées. Le chômage, qui n'avait jusqu'à maintenant, qu'un caractère intermittent ou saisonnier dans notre département, s'est installé définitivement dans nos milieux qui ne sont cependant pas des centres industriels.

Les fonds municipaux de chômage ouverts en avril 1934 n'ont cessé d'enregistrer des nouveaux chômeurs qui appartiennent aux professions les plus diverses.

Cependant considérant que le nombre des chômeurs secourus ne dépasse guère 300 pour la Vienne, le Congrès déclare qu'il n'est pas impossible de donner du travail à ces chômeurs au lieu de leur verser des allocations de chômage. Il considère au contraire que les pouvoirs publics, communes et département, sont en mesure de résorber les chômeurs.

Pour cela, le Congrès s'adressant Mr. le Préfet de la Vienne lui demande d'étudier la possibilité de résorber le chômage par les moyens suivants :

Inviter les représentants des communes touchées par le chômage à se rencontrer avec les représentants du Service vicinal et des Ponts et Chaussées, ceci en vue d'arrêter les modalités de travaux pouvant s'effectuer par tranches et sur plusieurs points du département. Ces travaux pourraient être financés par les communes intéressées, par le Service vicinal auquel le Conseil général a accordé des crédits importants pour l'entretien des routes, et par le Service des Ponts et Chaussées qui lui, dispose d'importants crédits.

Il apparaît en effet très nettement que les sommes qui sont versées aux chômeurs sons forme d'allocations et celles qui sont affectées tant par les communes que par le département et l'Etat pour l'entretien de la voirie et les divers travaux, suffiraient très largement à employer les chômeurs, à condition, bien entendu, que les efforts soient coordonnés, les travaux entrepris d'une façon rationnelle et que soient abandonnées certaines méthodes qui profitent à certains au détriment de la collectivité.

Le Congrès de l'UD constate que la situation économique actuelle est d'une gravité sans précédent. Toutes les branches de l'activité sont pareillement atteintes : dans l'industrie, c'est le chômage et son cortège de douleurs ; dans le commerce, les faillites se succèdent à un rythme accéléré ; enfin l’agriculture traverse une crise voisine de la misère.

Devant cette anarchie du régime actuel, les organisations ouvrières proclament que cet état de chose doit cesser ; elles constatent avec regret mais sans étonnement, que les gouvernements qui se sont succédés n'ont rien fait pour enrayer le mal qui peut conduire notre pays au fascisme ou à la dictature. Elles constatent en outre que les gouvernements se sont refusés à envisager des mesures propres à remédier à la crise, soi-disant faute de crédit, mais qu'au contraire pour les œuvres de mort, les mêmes gouvernements ont dépensé des sommes formidables, sans que pour cela la paix soit assurée en Europe.

Le Congrès affirme que la situation présente découle de l'incohérence du régime capitaliste basé sur le profit et de la politique de déflation que les organisations ouvrières ont toujours condamnée, cependant que les gouvernements passés ou présent l'ont toujours pratiquée.

Il renouvelle, en les confirmant, les revendications ouvrières qui seules sont capables de porter remède à la crise que nous traversons. Il s'étonne et trouve inadmissible le retard apporté à leur mise en vigueur :
Application stricte de la loi de 8 heures;
Suppression de toutes les dérogations ;
Suppression des dérogations à la loi de 8 heures.
Suppression des doubles emplois et abaissement de l'âge de la retraite ;
Vacances payées ;
Droit pour tous les sans-travail aux secours de chômage sans mesures restrictives ;
Réglementation de l'emploi de la main-d’œuvre étrangère en tenant compte du souci d'humanité qui doit animer les travailleurs de tous les pays.

Cependant le Congrès ne se dissimule pas que, même ces revendications appliquées, elles ne constitueraient qu'un remède et que pour sortir du chaos actuel il faut s'orienter résolument vers les buts indiqués par le plan de la CGT :
Semaine de 40 heures sans réduction de salaire ;
Ouverture de grands travaux publics pour résorber le chômage ;
Nationalisation du crédit, des assurances, des chemins de fer, des forces hydrauliques, etc .. ;
Organisation de la démocratie économique par la création d'un organisme qualifié pour gérer l'économie nationalisée ; Réorganisation agraire afin de protéger le paysan, première victime de la déflation, et lui assurer des prix de vente rémunérateurs.

Les syndicats ouvriers ne se dissimulent pas que l'adoption d'un tel programme va se heurter à une opposition forcenée de la part des congrégations économiques qui tiennent à conserver leurs privilèges.

Néanmoins, le Congrès estime que le Parlement, s'il ne veut pas se déconsidérer et encourir une lourde responsabilité, se doit de fournir la preuve qu'il est capable de faire aboutir un programme de redressement économique.

Le Congrès décide que, pour sa part, en plein accord avec la CGT, les militants et les organisations continueront à intensifier leur propagande en vue d'opposer, au moment opportun, à la carence des pouvoirs publics, la volonté des travailleurs.

Le Congrès de l'UD des Syndicats confédérés de la Vienne adopte avec enthousiasme l'ordre du jour du CCN de la CGT et s'élève avec force contre la psychose de guerre qu'on cherche à créer à l'intérieur du pays et dans le monde entier.

 

 

le 04/01/2021 à 22:04

Source : La Vienne Ouvrière et Syndicaliste

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