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0370309/06/1950MONTMORILLON

A NALLIERS OU VIT UNE INDUSTRIE MÉCANIQUE AU MILIEU DE LA CULTURE MARAICHÈRE

Il existe à Nalliers, sur la rive gauche de la Gartempe, en amont d’un pont, une usine partiellement cachée dans la verdure et qui constitue l’une de ces petites industries mécaniques trop peu répandues dans le Montmorillonnais polycultural.

Son origine, sa diversité de fabrication ne sont pas sans curiosité. Aussi bien venons-nous d’y faire pour ceux de nos lecteurs qui ne la connaissent pas, une visite qu’ils seraient très intéressés de faire eux-même.

De l’électricité à la mécanique

M. Pineau, propriétaire et directeur des établissements qui portent son nom, est un ingénieux technicien sorti de l’École des Travaux publics de Paris. Versé dans la branche électricité, il prit en 1923, à St-Pierre de Maillé l’initiative de l’installation de plusieurs secteurs, dans une région qui, jusqu’alors, ignorait la lumière électrique et la force économique du courant.

En 1930, il vendait sa création et, l’année suivante, achetait le moulin de Nalliers jusqu’à ce moment-là exploité en meunerie. Depuis son plus jeune âge, M. Pineau toujours rêvait de monter son usine hydroélectrique. C’en était son dada. Au cours d’un entretien très aimable, il se plait à souligner le pouvoir déterminant que peut avoir une aspiration très tôt germée, alimentée par une farouche continuité de vue, des aptitudes premières à vouloir créer tôt ou tard et avec quelles satisfactions du cœur dans un domaine à soi avec de telles dispositions d’esprit, envers et contre tous les obstacles, ceux du temps et de la matière, un homme par le labeur parvient à ses fins. L’industriel de Nalliers y est arrivé, encore pourrait-il nous dire que chaque jour lui apporte de nouvelles réflexions, de nouvelles intentions d’études mécaniques et parlant de production industrielle.

Sa première construction, au Moulin, fut dont une usine hydroélectrique. Elle est équipée de deux turbines au-dessus desquelles, dans une vaste salle les génératrices sont actionnées par des courroies semi-croisées. Outre son utilisation intérieure autant que besoin, le courant, transformé en 15.000 volts par deux postes est fourni à l’Électricité de France sur des lignes spéciales qui en assurent la distribution au loin.

C’est en 1936 que l’usine fut orientée vers la mécanique. Dès cette époque furent montés des ateliers de nickelage, de chromage et de décolletage. Également une fabrique d’appareillages électriques arrêtée par la guerre puis cédée en 1942.

Trois groupes de bâtiments distincts par leur structure et leurs dimensions encerclent une cour. Édifiés au fur et à mesure de l’extension de l’entreprise, souvent avec les moyens du bord et la main-d’œuvre du personnel, ils n’offrent guère d’analogie entre eux. Le premier groupe à droite en entrant abrite sommairement un outillage complexe, machines à polir, cuves de nickelage et de chromage où la tâche des ouvriers est excessivement délicate et pénible. A l’ombre sont pendues des lames de ciseaux qui attendent de subir une nouvelle « passe ». M. Thuillier, le contremaitre, va et vient, s’affaire à la mise au point d’un outil, il connaît son affaire. Un peu plus loin, au bord de l’eau, encore un atelier qui sert de cabine pour baigneurs à la bonne saison. La journée achevée, le bain rafraîchissant appelle les hommes couverts de sueur et de poussières. Il y a là un admirable et pittoresque plan d’eau, une piscine naturelle dont ils font usage avec délices. Sur le barrage, un chemin a été, il y a quelques années, construit par les maçons. Il a soixante centimètres de large.

Les habitants de Nalliers y ont accès, se baignent sur un fond moelleux en déclivité jusqu’à une limite avancée en amont. Plage idéale dans un cadre poétique où la nature parle richement au touriste.

Le second groupe dans l’ordre de notre visite, nous le trouvons avec le vieux moulin et ses dépendances. Là où le blé se transformait autrefois en farine, des cloisons avaient fait le logement du dernier propriétaire. Depuis qu’il a élu domicile dans le bourg, ces pièces tiennent lieu d’atelier de montage et de magasin.

Sur une table, des centaines d’interrupteurs passaient tout à l’heure encore entre les mains des employés qui viennent de débaucher.

A un mur des coupures du « Libre Poitou » illustrent aux yeux de ses camarades les succès cyclistes de Fillaud, licencié au club du Blanc, employé aux Ets Pineau.

Contigüe au moulin, voici les turbines et toute l’organisation d’une petite centrale électrique.

Enfin, troisième corps de bâtiments, une autre série d’ateliers, la plus moderne avec, à droite, la salle de décolletage. Sept machines d’un automatisme électrique merveilleux sont alignées dans le fond. Le spécialiste dispose une barre de laiton dans une sorte de main courante à l’extrémité de laquelle l’intervention mécanique produit, à un rythme rapide, des boulons, des vis de dimensions diverses selon le réglage. A côté, dans d’autres pièces claires ouvertes sur la campagne, des équipes de mécaniciens procèdent à maints travaux de finition, sur des machines qui, comme les précédentes, ont été achetées puis adaptées par les idées « maison » à leurs destinations respectives.

Un centre de créations

Une particularité remarquable des Ets Pineau réside dans la faculté de production en séries d’articles industriels variés. En marge de ceux qui les occupent depuis 1936, ils ont lancé par exemple des stylos à bille. Depuis le directeur fait fabriquer selon des données de sa conception, un pulvérisateur à usage multiple dénommé « tornade ». Cet instrument simple, léger, a obtenu à la foire-exposition de Poitiers un énorme succès tant et si bien qu’il est depuis en démonstration aux expositions de Châteauroux et de Saintes et que de partout affluent des éloges et des commandes, nous en avons eu sous les yeux des preuves incontestables.

D’ici peu va commencer la fabrication d’un appareil d’un tout autre genre.

Nous ne voudrions pas anticiper par trop sur d’aimables confidences. Nos lecteurs se rappellent peut-être l’invention d’un sympathique mécano de Montmorillon qui a trouvé et fait breveter un système d’allumage automatique de cigarettes à bord des automobiles. Eh ! Bien nous croyons fort que cet appareil sera bientôt fabriqué aux Ets Pineau de Nalliers et qu’avant longtemps il fera parler de lui.

Du travail en famille

Après ce schéma bien succinct d’une industrie mécanique comme on en trouve très peu dans la Vienne et point dans la région sud, il nous reste à signaler une seconde particularité, familiale celle-là. Qui dirige cette usine ? M. Pineau, bien sûr, depuis l’origine. Dans une appréciable mesure son contremaître qui s’y donne comme lui. Et puis les fils du propriétaire « qui ont cela dans le sang ». Ils sont quatre (deux autres sont très jeunes encore) qui sont passés par les écoles et coopèrent ou vont coopérer à la marche de l’affaire, chacun s’adonnant à l’une des branches qui font l’ensemble. Voilà qui est bien commun.

A l’heure actuelle une trentaine d’ouvriers travaillent à l’ombre du vieux moulin de Nalliers, ce pays de cultures maraîchères ou des jardiniers habiles ont su tirer des terres d’alluvions des capacités géologiques renommées. Pittoresque sur les rives de la Gartempe, Nalliers est riche par l’exploitation de son sol et l’activité de son industrie.

le 02/02/2021 à 15:47

Source : Le Libre Poitou

métallurgie, électricité, innovation

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