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0382620/11/1890POITIERS

CRÉATION DE L'ASSOCIATION COOPÉRATIVE DES OUVRIERS MENUISIERS-CHARPENTIERS

Association coopérative des ouvriers Menuisiers-Charpentiers

FONDATION

Le 20 novembre 1890, sept ouvriers fondèrent à Poitiers, rue Corne-de-Bouc 18ter, une association corporative dans le but d'entreprendre tous les travaux concernant la menuiserie, la charpente, etc.. et dont la durée devait être de 30 années.
Le capital social fut fixé à 4.000 francs divisés en 80 actions de cinquante francs non négociables, dont le quart seulement était exigible lors de la souscription.
L'association commença ses opérations avec une encaisse de 1.000 francs, ce qui ne l'empêcha pas, à la fin du premier exercice de verser 133 fr 03 à sa caisse de réserve; mais au prix de quelles privations.

Les fondateurs étaient :
MM. Maître Auguste, rue Ste-Triaise, 23.
       Maître Eugène, faubourg de la Tranchée.
       Boizier Louis, rue du Pigeon-Blanc, 22.
       Bloux Ludovic,rue de la Croix-Rouge.
       Amiens René, rue Cloche-Perse.
       Bruneau Ferdinand, faub. du Pont-Neuf.
       Goulet Auguste, rue du Pigeon-Blanc, 22.

De ces sept sociétaires, Messieurs Maître Eugène et Amiens René sont décédés sociétaires et Messieurs Goulet et Bloux donnèrent statutairement leur démission.
M. Vallet, associé en 1895 se retira en 1905 et laissa ses fonds à la Société moyennant qu'elle lui servit une rente viagère de 1.080 fr.

Administration

L'association avait à sa tête un administrateur-délégué et un gérant nommés par l'Assemblée générale des actionnaires. Ces deux administrateurs étaient rééligibles chaque année. Depuis la fondation de l'entreprise, M. Maître Auguste a été constamment réélu Directeur et M. Boizier Louis s'est vu conserver par ses camarades, les fonctions de gérant.
Une commission de surveillance composée de trois membres renouvelables par tiers tous les ans, était chargée de contrôler les actes de l'administration, sans pouvoir y prendre aucune part.
Une caisse de réserve, alimentée par une retenue  de 1 % sur les travaux effectués, fut instituée pour aider au fonctionnement de l'entreprise, à l'acquisition des matériaux et à l'amélioration du matériel. Ce prélèvement devait être supprimé dès que la réserve atteindrait le dixième du capital social, pour être de nouveau appliqué aussitôt que cette proportion cesserait d'être atteinte.
A la fin de chaque année la répartition des bénéfices était faite ainsi :
1° 1 % du travail était attribué  comme nous l'avons dit à la caisse de réserve;
2° 4 % étaient affectés au paiement des intérêts du capital-actions, aux intérêts attachés à la somme de travail fournie par les associés et calculée au prorata du temps passé par chacun d'eux à l'Association; aux intérêts servis par les sommes versées par les Sociétaires au capital social.
Ce mode de répartition des bénéfices consacrait un point de haute équité, en ce qu'il assimilait purement et simplement le capital-travail au capital-argent.
Or, comme les membres de l'Association s'étaient promis d'arriver à l'amélioration de leur sort par un travail en commun, ils ne connurent pendant ces trois ans, ni fête, ni dimanche et l'on peut compter que chacun d'eux fournissait 350 journées pleines par an: 971,58 : 350 = 2.77.

Fonctionnement

Les débuts furent difficiles, l'Association avait contre elle les idées régnant dans le milieu poitevin, la modicité de son capital de premier établissement et surtout la sourde opposition des situations acquises qu'elle allait concurrencer.
Pendant les trois premières années, les Sociétaires ne s'attribuèrent que des salaires très réduits
En 1890, les sept associés ne reçurent que 5.681 fr de salaire, soit pour chacun 811 fr. 57.
En 1891, le résultat fut légèrement supérieur, les associés se partagèrent 7.829 fr 65, soit pour chacun 1.118 fr 55.
Mais en 1892, la somme distribuée à titre de salaires ne s'éleva qu'à 6.892 fr 60, c'est-à-dire que chaque sociétaire ne reçu que 984 fr 65.
La moyenne de ces trois années donne un salaire de 971 fr 58 par travailleur.
C'était à peine de quoi vivre.Donc ces sept ouvriers d'élite, presque tous dans la force de l'âge, la plupart pères de famille, pour se contenter, pendant trois ans, de ces salaires de famine, avaient certainement pleine confiance dans la réussite. L'expérience a prouvé qu'ils ont eu raison de ne pas désespérer.

Détournons les yeux de la question des salaires et regardons un peu le mouvement des affaires. Quel est-il ?

La première année l'Association n'exécute que 14.202 fr 50 de travaux; la seconde 17.223 fr 80 et la troisième 18.608 fr. Les bénéfices nets sont, en moyenne, de 300 francs par an.

Et, cependant l'on ne compte rien pour l'amortissement, ni pour l'accroissement du matériel !..

Pour arriver à faire honneur à leurs affaires, les sept associés continuent à travailler - toujours dans les mêmes conditions - c'est-à-dire s'attribuant de faibles salaires. Leurs femmes aussi courageuses qu'eux-mêmes, continuent à travailler et apportent leur contribution au budget de famille. Le ménage en a quelquefois souffert; mais les traites ont été payées chaque mois, l'Association vit.. et l'espoir avec elle.

Dire que sur leur salaire de 2 fr 77 par jour, les associés ont trouvé le moyen d'améliorer leur matériel, de remplacer les outils usés et d'emmagasiner quelques bois d'ouvrage !..

Ce serait à en douter si les chiffres n'étaient là.

 

le 05/03/2021 à 18:10

Source : Archives IHS

coopérative

Les fichiers joints :

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