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0397208/01/1953CHATELLERAULT

LA FERMETURE DE LA MANUFACTURE SERAIT UNE ERREUR ÉCONOMIQUE

La réaction a été forte, surtout dans le monde du commerce car, à la vérité, le personnel de notre établissement national ne pense pas que la chose soit sérieuse et se borne à dire qu’il ne s’agit là que de « bruits de couloirs », comme nous l’écrivions hier matin.

Dans la journée de mercredi, nous avons interrogé quelques-uns des ouvriers de l’établissement. Aucun ne s’est montré pessimiste et personne ne peut comprendre « cette histoire ». On a même ajouté qu’il aurait été préférable de se taire car : « la fermeture d’une usine pourrait, à la rigueur se comprendre, mais trois c’est impossible, surtout en ce qui concerne Châtellerault, où il y a le plus de travail ».

En effet, les conversations que nous avons eues peuvent se résumer ainsi : « Nous travaillons toujours sur le programme de 1952 et nous y travaillerons encore pendant quelques mois. Après, nous devons attaquer le programme de 1953. Certes, il y a eu quelques modifications, mais ceci est normal et ne peut avoir aucune incidence. La réduction à 45 heures de travail par semaine est tout à fait normale. Saint-Etienne risquait un débauchage. Il était donc préférable que l’on réduise la durée du travail chez nous pour éviter le chômage à Saint-Etienne ».

Une erreur économique

L’esprit frondeur de Châtellerault ne manque jamais une occasion de lancer une pointe de malice à l’adresse de l’établissement de la rive gauche et du personnel. Mais au fond de son cœur chacun redoute la fermeture de la manufacture.

C’est pour cela que chaque fois que des bruits circulent, une forte réaction se produit dans l’opinion.

On sait bien que le jour où on fermerait les portes de la Manu, ce serait là commettre une grave erreur économique dont on ne peut d’avance calculer la portée.

Ce n’est pas en licenciant près de 3.000 personnes qu’on parviendrait à réaliser des économies. Certaines d’entre elles retrouveraient bien un reclassement automatique, mais la masse ne viendrait que grossir celle des chômeurs. Or, le chômage est encore plus onéreux qu’un déficit fictif.

Si seulement deux mille ouvriers étaient réduits à cet état, le commerce local – disons même régional – s’en ressentirait à tel point que des maisons seraient dans l’obligation de « tirer le rideau », ajoutant d’autres « sans-travail » à la masse des chômeurs.

Quand un chemin est ouvert, on ne sait jamais où il peut conduire.

Nous avons, d’autre part, un budget communal en équilibre et des finances saines. Pourrait-on croire qu’en cas de fermeture de la Manu toutes les prévisions ne soient pas renversées et les finances en déséquilibre ?

Pourrait-on croire, aussi, que la situation budgétaire départementale n’en souffrirait pas ? C’est toute une région de notre département qui vit de la présence de notre établissement national.

Personne n’ose croire à une fermeture

Mercredi matin, l’émotion était encore forte. On fut malgré tout rassuré en lisant le discours d’investiture de M. René Mayer. Rien dans ce discours ne laisse prévoir qu’une décision soit prise dans le sens d’une fermeture.

Qu’à déclaré le Président investi ?

« La stabilité des prix que la France a connue depuis dix mois, restera l’œuvre et l’honneur du gouvernement du Président Antoine Pinay. Contribution essentielle à notre relèvement, à laquelle tous doivent rendre hommage, ce renversement de tendance, facteur capital de stabilité sociale, doit être poursuivi par une action continue sur les prix.

« Celle-ci suppose l’élimination de toute cause d’inflation budgétaire. A cette fin je proposerai au Parlement, lors du vote de la loi de finances, le blocage des dépenses civiles et militaires d’un ordre de 80 à 100 millions de francs pour tenir compte des possibilités de trésorerie et de l’épargne en 1953 ».

Il n’est nullement spécifié que le blocage affecterait plus spécialement les usines d’armement. Certes, on peut s’attendre à une réduction des commandes sans pour cela aller jusqu’à la fermeture d’un établissement.

D’ailleurs, dans une déclaration lue à la radio, M. Mayer, avant qu’il ne soit « investi », avait précisé : » Qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit ».

En tout cas, si nous avons bien compris, ce « blocage » n’aurait un effet pratique que pour le programme de 1954.

Reportons-nous aux paroles du directeur de la Manufacture lors de la fête de l’Arbre de Noël des Œuvres sociales :

« Notre programme 1953 est assuré malgré les vicissitudes de l’heure. Celui de 1954 le sera complètement dès que sera voté le budget 1953.

Ceci correspond bien aux déclarations que nous ont faites les ouvriers que nous avons interrogés : « Nous travaillons toujours sur le programme de 1952 et nous y travaillerons encore pendant quelques mois ».

Autrement dit, un programme chevauche d’une année sur l’autre. Aussi peut-on en déduire que les crédits du programme de 1953 ont été inclus dans le budget de 1952 et que ces crédits n’ont pas été encore utilisés.

Le budget de 1953 n’est pas encore voté. M. Mayer va particulièrement s’y attacher. Alors d’ici 1954, les choses peuvent encore s’arranger.

Ce qu’il y a de certain, c’est que personne en ville ne pense qu’une telle mesure soit prise. Elle est trop grave de conséquence pour notre région.

En tous cas, une telle nouvelle lancée, espérons-le, à la légère, n’a pas manquer de créer des remous.

Il y a quelques années, pour une annonce analogue, des meetings eurent lieu et un Comité de défense de la Manufacture créé. De cela on doit tenir compte avant de prendre une décision.

H.B.

 

 

le 18/04/2021 à 18:21

Source : Le Libre Poitou

licenciements, emploi, fermeture

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