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0039908/12/1905POITIERS

La grève des ouvriers boulangers

UNE ÉPÎTRE DE M. MEUNIER

Notre direction a reçu de M. Meunier, président du syndicat des patrons boulangers, la longue épître que voici :

"Poitiers, le 7 décembre 1905.

"M. Masson, directeur de l'Avenir de la Vienne

"Quoique ayant déféré à l'interview d'un rédacteur du Journal de l'Ouest, lundi dernier dans la matinée en sortant du cabinet de M. le Préfet et quelques heures plus tard à celui d'un rédacteur du Courrier, je n'étais nullement obligé, même par raison de convenances, de me déranger dans l'après-midi pour aller offrir cet interview à l'Avenir et au Progrès comme je l'ai fait.

.../...

"Mais plus soucieux, il faut croire d'élucider à fond ce que d'autres ont trouvé clair et que vous avez trouvé obscur dans mes déclarations, vous avez voulu jeter quelques lumières sur certains faits qui, dites-vous, pouvaient à première vue paraître altérés.

"Vous avez eu raison, toujours dans l'intérêt de vos lecteurs, parce que, quant à vous personnellement, avec votre présence d'observateur distingué auquel rien n'échappe, vous êtes absolument fixé sur mes sentiments tant à l'égard du commerce, que de la classe ouvrière en général et surtout des ouvriers boulangers en particulier. Car si vous savez que le syndicat des patrons boulangers de Poitiers n'a pas cette bonne fortune d'avoir à sa tête une de ces intelligences d'élite comme on en rencontre parfois, vous savez qu'en retour personne ne peut mettre en doute ma bonne volonté ni m'accuser même de la moindre imprudence et encore moins de me désintéresser du sort de nos ouvriers.

.../...

"Mais revenons au fait (.../...)

"Or maintenant qu'on s'aperçoit que les précautions des grévistes ont été mal prises pour égarer l'opinion publique en lui présentant comme un homme de paille ce M. Beauchamp, qu'au début et jusqu'à ce jour, ils ont envoyés partout soit disant sans mandat, n'appartenant même pas au syndicat, etc, etc, le public est bien obligé, M. le directeur et vous même plus que tout autre, de reconnaître que vous avez été trompé par quelques stratagèmes puisque vous avez sous les yeux la preuve de son mandat de délégué des ouvriers grévistes.

"M. Beauchamp se présentait donc chez moi comme délégué et par ordre le 27 octobre dernier escomptant s'y trouver sans témoin dans le but d'aller répandre, comme il l'a fait malgré tout d'ailleurs, toutes sortes de bruits inventés de toutes pièces à mon sujet (.../...)

"Tout cela, M. le Directeur, était une machination combinée pour jeter la perturbation dans le camp des patrons en préparant une démonstration de faits contre le président pour lui enlever la confiance de ses collègues.

.../...

"Vous avez dit enfin : « M. Meunier va convoquer cinq de ses collègues dimanche prochain. Cette délégation se rendra chez M. GIRAUD ».

"Or il faut encore en rectifier que j'ai convoqué au contraire toute la boulangerie qui nommera cinq délégués dont les noms seront immédiatement portés à la connaissance de M. Giraud qui convoquera ensuite ceux-là avec les délégués ouvriers quand bon lui semblera.

.../...

Signé : Meunier, président du syndicat des patrons boulangers.

UN MOT SEULEMENT.

M. Beauchamp ne fut adjoint aux délégués ouvriers que sur la demande expresse de M. Meunier qui nous l'a lui-même confirmé.

COMITÉ DE LA GRÈVE DES OUVRIERS BOULANGERS

A la population.

Malgré toutes les demandes, que depuis plus d'un mois nous avons tentées vis à vis des patrons, une grande partie d'entre nous a dû suspendre le travail. Conformément à la loi nous avons fait appel à l'arbitrage.

Suivant ces prescriptions les patrons devaient faire connaître le nom de leurs délégués dans les trois jours. Ce temps est expiré. Ils annoncent leur réunion pour dimanche seulement. Nous laissons tous les hommes de cœur juger d'un tel procédé. Avec nous, tous, ils protesteront contre cette façon de faire. Nous devons également répondre aux calomnies que l'on répand sur notre compte. Nos revendications, disent les patrons boulangers, les forceraient à augmenter le prix du pain, cela est faux. Après l'adoption du tarif que nous avons proposé, notre salaire sera encore inférieur à celui de nos camarades de toutes les villes de la région. Le prix du pain dans ces villes est égal, sinon inférieur, à celui de Poitiers. La vérité est qu'un grand nombre de patrons se font une concurrence déloyale en livrant à des établissements et à un grand nombre de personnes des classes aisées, du pain au-dessous du tarif et c'est nous, les ouvriers boulangers, qui en subissons les conséquences. Seule la classe laborieuse ne profite pas de cette concurrence. Ces procédés doivent cesser. C'est, contraints et forcés, que nous avons déclaré la grève. Nous voulons pouvoir vivre et élever notre famille en travaillant.

Nous comptons sur l'appui et l'aide de tous les hommes de cœur.

AUX OUVRIERS BOULANGERS.

Camarades qui avaient cru devoir continuer à travailler ce n'est pas seulement à vos sentiments d'honneur et de loyauté que nous venons faire appel, c'est aussi à vos intérêts. Vos patrons, espérant nous vaincre par la famine, ont augmenté vos salaires mais ils ont aussi doublé, triplé, votre travail. Vous ne pourrez continuer dans ces conditions. Si nous sommes vaincus vous en subirez aussi les conséquences. Vos salaires seront diminués. Aucune des promesses qui vous sont faites ne seront tenues. Et continuant de travailler vous nuisez à vos intérêts, vous trahissez vos camarades de travail. Venez avec nous. Assistez tous à la réunion qui aura lieu le samedi 9 décembre à 3 h de l'après-midi à la Bourse du Travail.

Vous pouvez être certains que nous vous recevrons en camarades, que nous oublierons votre erreur. Vous devez venir.

Si vous répondez à notre appel la grève pourra être terminée en deux jours. Si au contraire vous persistez dans votre erreur, si vous continuez à travailler vous prolongerez nos souffrances et celles de nos femmes et de nos enfants. Et tout cela pourquoi ? Pour un profit momentané que les patrons vous raviront dès que notre mouvement aura cessé.

La grève générale de notre corporation peut seule nous conduire à la victoire. Nous avons confiance dans votre cœur.

Samedi vous serez des nôtres, samedi vous vous joindrez à la grève, samedi avec nous vous exigerez des patrons l'adhésion au tarif que votre syndicat a élaboré. De l'union, de l'entente et la victoire est à nous.

TRAVAILLEURS DE TOUTES CORPORATIONS

Camarades,

Nous venons faire appel à vos sentiments de solidarité, notre cause et la vôtre. Tous les travailleurs nous soutiendront. Ils ne permettront pas que nous soyons vaincus. Vous nous viendrez en aide. Des listes de souscription vont circuler dans vos ateliers. Avec votre appui et celui de tous les hommes de cœur, nous triompheront.

Vive l'union ouvrière.

Le comité de grève.

 

 

 

le 08/04/2020 à 12:11

Source : L'Avenir de la Vienne

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