0040111/12/1905POITIERS
LA JOURNÉE DE DIMANCHE
Dimanche à 3 h de l'après-midi les patrons boulangers syndiqués se sont réunis, ainsi que nous l'avions annoncé, à la justice de Paix et ont procédé à la nomination de cinq délégués. Ont été désignés MM. Meunier, Champion, Beauchamp, Duchiron et Guyonnet.
Les délégués du syndicat patronal ont eu aussitôt un entretien avec M. Giraud, Juge de Paix. Le sympathique magistrat s'est efforcé d'amener les patrons boulangers à faire certaines concessions. Ceux-ci semblèrent assez disposés à se rendre au sage avis de de M. Giraud. Une entrevue pour l'ouverture des négociations avec les délégués ouvriers fut décidée pour aujourd'hui.
Nous croyons pouvoir dire que les délégués du syndicat des patrons boulangers se montrent partisans d'une prompte entente.
Comme il le lui avait promis M. Giraud fit connaître à M. Limousin, secrétaire général de la Bourse du Travail, le nom des cinq délégués choisis par les patrons boulangers. M. Limosuin donne à son tour à l'honorable Juge de Paix le nom des délégués ouvriers. Ces délégués sont : MM. Deschamps, Brioullet, Laurentin, Mézille et Clément.
MANIFESTATION MALHEUREUSE
La journée de dimanche fut calme. Les grévistes parcoururent seulement, vers 4 h, la rue Carnot en cortège se rendant de la Bourse du Travail à la Place d'Armes en chantant l'Internationale. Il n'en fut pas de même en ce qui concerne la nuit dernière.
Depuis le début de la grève nous avons chaque jour, très volontiers, rendu hommage au sang-froid des grévistes. Aujourd'hui nous sommes obligés de constater que certains d'entre eux se sont départis de ce sang-froid qui, précisément faisait leur force. Ils ont manifesté durant la nuit dernière d'une façon vraiment peu heureuse.
Pour le syndicat ouvrier nous le regrettons. Puisse le succès de la cause qu'il avait jusqu'alors si dignement soutenue ne pas trop en souffrir.
Entre minuit et une heure des ouvriers boulangers auxquels s'étaient joints des gens étrangers au syndicat, peut-être d'humeur peu paisible en tout cas et dont les grévistes auraient bien dû se tenir à l'écart, ont parcouru diverses rues de la ville en criant : « Conspuez Meunier ! A l'eau Meunier ! Des patrons il n'en faut plus ! » et se sont livrés à des actes extrêmement regrettables.
Rue Carnot, à coups de pieds, ils ont brisé un panneau de la fermeture du magasin de M. Champion ; plan de l'Étoile ils ont brisé l'imposte à coups de pierres et cassé des vitres. ; chez M. Meunier les mêmes scènes déplorables se sont produites.
Ce matin M. Champion est allé porter plainte à la police.
Vers 9 h 1/2 des grévistes auraient tenté d'entraver le travail à la boulangerie Macouin. La police et les gendarmes seraient intervenus.
Un gréviste emmené au poste a été relâché après avoir établi son état civil.
LE SYNDICAT OUVRIER PROTESTE
Nous avons vu aujourd'hui plusieurs grévistes. Nous nous sommes entretenus avec eux des faits déplorables que nous venons de rapporter. Tous ont protesté très énergiquement contre de tels actes. Ils nous ont fait à ce sujet la déclaration suivante :
Hier soir, au nombre de 25 environ nous avons quitté la Bourse du Travail vers 10 h 1/2. Nous nous sommes rendus à la gare. Nous avons traversé la voie sur la passerelle et nous sommes entrés au restaurant Guinet. Deux agents nous avaient constamment suivi.
Nous sommes restés au restaurant près de 2 h puis nous sommes remontés à la Bourse, 20 minutes après nous en sortions. Nous nous dirigions alors en chantant vers la Place d'Armes.
En face de la rue Aliénor d'Aquitaine nous avons rencontré cinq agents qui nous ont invité à cesser nos chants et à les suivre au bureau de police. Nous avons parlementé quelques instants d'une façon très pacifique. Les agents nous ont laissé partir et nous sommes allés nous coucher. Il pouvait être alors 1 h 1/2.
« Nous ne pouvons que protester contre la vilaine besogne qui a été faite cette nuit ». De plus la protestation suivante aurait été adressée, cet après-midi, à M. Giraud :
"Les membres du syndicat des ouvriers boulangers réunis au nombre de 30 cet après-midi à la Bourse du Travail protestent énergiquement contre les actes regrettables qui ont été commis la nuit dernière au préjudice de trois patrons boulangers de notre ville. Ils ajoutent en décliner toute responsabilité ».
Les grévistes espèrent que les vrais coupables seront connus et ils affirment leur intention de demeurer calmes.
A LA POLICE
Les registres de police portent aujourd'hui la note suivante :
" Des enquêtes sont ouvertes relativement au bris de clôtures commis cette nuit, à 11 h 50 chez M. Fraudeau, boulanger place de l'Étoile ; à 1 h du matin chez M. Champion, boulanger rue Carnot ; à (...) chez M. Meunier, boulanger Grand'rue et aussi pour menaces de mort, entraves pour menaces à la liberté du travail et tapage nocturne.
Que donnera l'enquête ?
LA FIN DE LA GRÈVE - LA RÉUNION DES DÉLÉGUÉS - LA PROPOSITION DES PATRONS EST ADOPTÉE - QUELQUES RÉSERVES - LA REPRISE DU TRAVAIL.
Les délégués de la chambre syndicale des patrons boulangers et les délégués de la chambre syndicale des ouvriers boulangers se sont réunis cet après-midi, à 2 h 1/2 dans le cabinet de M. Giraud, Juge de Paix. Dès le début de la séance M. Deschamps, secrétaire, parlant au nom du syndicat ouvrier a tenu à protester contre les scènes qui ont eu lieu la nuit dernière. Il a dit qu'elles avaient profondément ému tous ses camarades qui déclarent en rejeter la responsabilité.
Les délégués du syndicat patronal ont pris acte de cette protestation et l'on a abordé l'examen de la question du tarif.
M. Meunier, président de la chambre syndicale des patrons boulangers, a présenté au nom de ses collègues un projet de tarif.
On a longuement discuté et enfin l'accord s'est fait. Les points suivants ont été établis :
- les ouvriers seront payés à la fournée, mais le prix de la fournée variera avec la contenance du four ;
- pour les tournées de distribution du pain en ville, les ouvriers recevront 0 f 65 centimes de l'heure.
L'entassement du bois sera également payé. Aucune indemnité de grève ne sera versée.
En ce qui concerne la reprise des grévistes, les patrons ont fait des réserves.
Les délégués ouvriers ont protesté de même qu'ils avaient protesté tout d'abord contre la distinction entre les grands et les petits fours, puis ils ont accepté.
En somme la situation faite aux ouvriers boulangers est sensiblement meilleure que celle qui leur était la leur jusqu'à présent.
D'une part comme de l'autre on a montré un véritable esprit de conciliation. On s'est également réjoui de la fin du conflit.
.../...
Les termes du tarif, qui sera affiché dans chaque boulangerie, ont été signés ce soir à 4 h 1/2. (.../...)
le 08/04/2020 à 13:50
Source : L'Avenir de la Vienne
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