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0410827/08/1953POITIERS

PAS DE SUBVENTION EN FAVEUR DES GRÉVISTES DÉCIDE LA MAJORITÉ DU CONSEIL MUNICIPAL

Mais ceux-ci pourront être secourus par l’intermédiaire du bureau de bienfaisance

Le fait que le Conseil municipal ait été convoqué mercredi à 17 heures en cette pleine période de vacances était déjà anormal.

L’ordre du jour ainsi conçu : « communication de la municipalité » intriguait davantage encore..

Des rumeurs de couloirs indiquaient peu avant la séance qu’on allait, entre autres choses, parler des grèves et qu’il s’agissait là d’une des principales raisons ayant motivé la convocation de l’assemblée municipale.

On en eut bientôt confirmation. A l’ouverture de la séance,M. Masteau indiqua qu’un certain nombre de (..?)

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Pour une aide aux grévistes

C’en était fini des communications officiellement prévues. On attendait le réel motif de cette réunion du Conseil municipal, convoqué, rappelons-le, sur la demande d’un certain nombre de conseillers.

M. Dumas, au nom du groupe communiste, le définit rapidement.

« Nul ne peut se désintéresser du sort des grévistes », dit-il en substance. Après avoir félicité les grévistes pour leur action, protesté contre la poursuite de la guerre d’Indochine, insisté sur les revendications qui restent à obtenir par les employés de la Fonction publique (abrogation des décrets-lois), M. Dumas demanda que des secours soient accordés aux grévistes nécessiteux.

M. Mistouflet s’étonne, lui, de la forme sous laquelle est présentée cette demande.

« Le groupe communiste, dit-il, n’a pas été le seul à demander des secours pour les familles nécessiteuses, puisque je l’ai fait personnellement, mais nous n’avons pas à prendre position pour ou contre la grève, tout en regrettant que des salaires soient anormalement bas ».

M. Mistouflet suggéra qu’une somme importante soit remise au Bureau de bienfaisance, dont il demanda par ailleurs que son nom soit changé (selon M. Mistouflet, ce terme a pris, avec les ans, un sens péjoratif).

M. Huyard indiqua qu’il était du devoir du Conseil municipal d’aider les familles des grévistes et apporta l’adhésion de son groupe, quelle que soit la formule.

 

Pour M. Main, « les grévistes ont causé trop de préjudices » et il se montra résolument contre toute aide.

M. le Dr. Ledoux était également de cet avis.

« J’ai trois exemples personnels concernant des gens dont la vie était en danger et pour lesquels les grévistes n’ont pas transmis les communications téléphoniques, dit-il. Des gens ont bien vendu leur alliance pour regagner leur domicile. Les grévistes ont-ils pensé aux familles qu’il gênaient ? ».

« Votre accusation est grave, répliqua M. Bouloux. Je demande des précisions car, j’ai moi-même, constaté le parfait fonctionnement des services de sécurité ».

M. Ledoux : « Je ne tiens compte que de mes cas personnels. Le dernier est de vendredi ».

M. Dumas : « A ce moment, ce n’est plus le service de sécurité qui fonctionnait. La responsabilité en incombe à l’Administration des PTT ».

M. Vouin : « Nous avons deux propositions. ; l’une pour soutenir les grévistes, l’autre pour aider le Bureau de bienfaisance à étendre son action. Toutes les familles ont subi la grève, même celles des grévistes qui ne l’ont pas forcément voulue.

« Il est humain de les assister ».

A partir de ce moment, la discussion devint générale. Il ne s’agissait plus guère du principe, mais du moyen d’apporter des secours aux familles des grévistes. Les uns étaient partisans de la subvention au Comité de grève, tels MM. Foisnet, Ellinger, Dumas, Bouloux.. D’autres pensaient au Comité d’entraide aux grévistes, tel M. Huyard.

D’autres penchaient pour le Bureau de bienfaisance, comme MM. Mistouflet, Vouin, Coussieu, Autier..

M. Vouin avait dit : « Il ne faut pas que cet argent serve à stimuler les non-grévistes. M. Autier : «  Notre geste éventuel ne doit pas être à caractère politique ».

Et M. Ducluezeau s’adressant aux communistes : « Votre demande est à caractère politique, puisqu’elle n’intéresse que les seuls grévistes en oubliant ceux qui l’ont subie ».

Enfin, M. Dez : « C’était une épreuve de force, donc un épisode de guerre. Et dans la guerre, il n’y a pas de vainqueur. Tout le monde est vaincu ».

Alors M. Masteau prit la parole.

A sa manière toute particulière, il fit rapidement le tour de la question, indiquant que chacun, parmi la municipalité, avait suivi la situation d’heure en heure.

Il rappela que la loi interdit « toute inscription au budget municipal de dépenses ne présentant pas un caractère de stricte utilité municipale ».

Poursuivant son exposé , M. Masteau indiqua que, légalement et dans l’état actuel des choses, le Bureau de bienfaisance ne peut pas changer de nom et s’appeler désormais « Comité d’entraide sociale ».

En conclusion, le maire de Poitiers affirma que le Bureau de bienfaisance est suffisamment pourvu en fonds, qu’il fonctionne tous les jours et que tous les cas, de toutes les origines, seront réglées dans l’heure.

La discussion apparaissant terminée, et sur des questions posées par MM. Mistouflet, Robert et Vouin, M. Masteau affirma à nouveau que le Bureau de bienfaisance dispose de fonds suffisants.

M. Bouloux présenta un vœu de sympathie en faveur des grévistes.

Le conseil ne vote pas sur le vœu même mais sur la recevabilité. Le vœu ne fut pas reçu par 17 voix contre 8 (communistes et socialistes).

M. Pétonnet ayant à nouveau émis des doutes quant aux possibilités financières du Bureau de bienfaisance, surtout si des demandes massives parvenaient. M. Mistouflet présenta une motion disant en substance : « Il est nécessaire de voter immédiatement une subvention exceptionnelle au cas où les possibilités du Bureau de bienfaisance seraient insuffisantes ».

M. Masteau indiqua que cette motion était irrecevable. Et M. Mistouflet se remit au travail, avec M. Vouin... Le second texte ne parut point satisfaire une partie de l’assemblée municipale, dont les membres de la municipalité. M. Masteau proposa un autre texte ainsi que M. Coussieu.

Puis M. Masteau modifia le sien…

Et l’on reprit le texte de MM. Mistouflet et Vouin que l’on modifia de nouveau.

Finalement un accord se réalisa sur le texte suivant : « Le Conseil municipal prend acte de l’assurance qui est donnée que le Bureau de bienfaisance examinera, comme il l’a toujours fait, toutes les demandes qui lui seront adressées pour retenir celles méritant d’être satisfaites, après instructions dans les formes traditionnelles ». Cette motion fut adoptée par 15 voix contre 8 et 1 abstention (M. Autier).

A vrai dire ce texte ne crée rien de nouveau puisqu’il résume la procédure normale à l’aide de laquelle s’effectue le travail du Bureau de bienfaisance.

Mais dans l’esprit des auteurs – et correcteurs – qui ne désiraient pas octroyer directement une subvention aux grévistes, elle assure à toutes les familles nécessiteuses – du gréviste comme des autres – qu’elles pourront être secourues par le moyen habituellement utilisé.

 

 

le 05/05/2021 à 18:47

Source : Le Libre Poitou

municipalité, secours

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