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0414830/11/1953CHATELLERAULT

MANUFACTURE - PAS DE LICENCIEMENT AVANT JANVIER 1954

Nécessité de promouvoir le développement industriel de Châtellerault, sont les deux points importants de la réunion de samedi à l'Hôtel de ville

Les Français, de quelque région soient-ils, ont ceci de commun, qu’ils savent toujours s’unir en dépit de leurs divergences de vues sur de nombreux problèmes, lorsqu’il s’agit de faire face à une catastrophe qui les atteint tous. Ce trait de caractère que nous trouvons dans l’évocation des passages difficiles de la vie et de notre nation, nous le trouvons aussi dans notre histoire locale. C’est avec satisfaction que nous avons constaté samedi après-midi, au cours de la réunion ayant trait au problème des licenciements de la Manufacture, cette unanimité sur des questions vitales pour Châtellerault et même pour le département de la Vienne. En effet, si l’on en juge par la liste des personnalités que nous publions par ailleurs, nous constatons que l’importance du problème se posant actuellement à Châtellerault n’échappait à personne, puisque ce sont les représentants des groupements les plus divers, tant sur le plan politique, administratif, économique et syndical, qui sont venus confronter leurs points de vue et rechercher ensemble des solutions à un problème vital. Soulignons aussi la haute tenue de cette réunion au cours de laquelle tous ceux qui s’exprimèrent le firent avec le souci d’apporter quelque chose et d’éviter à tout prix que les paroles prononcées dépassent la pensée, afin que la question primordiale, objet du débat, ne soit pas éludée au profit de questions secondaires comme cela arrive parfois.

L’impression générale enregistrée à l’issue de cette réunion est qu’elle fut fructueuse dans ce sens qu’elle permit de faire le point et d’envisager l’avenir.

M. Bernard Percevault ouvre la séance

M. Bernard Percevault,maire de Châtellerault, présidait la réunion, et après avoir remercié toutes les personnes présentes, présenta les excuses de MM. Lenoir et Dugast et de M. le sous-préfet, qui suivra les travaux du Comité général de défense de la Manufacture et apportera son aide à la résolution du problème dans l’unique but de sauvegarder les intérêts de la population châtelleraudaise. Le maire situe l’objet de la réunion et déclare en substance : « Nous sommes tous intéressés au plein emploi de la Manufacture. C’est pourquoi tous les représentants qui sont ici sont unanimes pour défendre la vie de l’établissement. Il faut avant tout des actes. Nous comptons sur l’action efficace des parlementaires, sur l’action des syndicats. De son côté, la municipalité apportera son appui total à la solution du problème ».

La situation actuelle, les perspectives d’avenir

M. Abelin devait faire un large exposé de la situation qui servit d’ailleurs de base de discussion et permit d’orienter le débat. M. Abelin résume les entrevues qu’il a eues avec M. Pleven, ministre de la Défense nationale, avec le général Kœning, président de la Commission de la Défense nationale dont il fait partie et avec ses collègues parlementaires qui ont signé la demande d’interpellation qu’il a formulée

M. Abelin annonce que la Commission de la Défense nationale a demandé qu’aucun licenciement ne soit effectué avant l’examen du budget de 1954.

Aucun licenciement ne devrait donc être opéré avant le 1er janvier. D’autre part, la Commission de la Défense nationale a demandé à l’un de ses membres, M. Arnal, de déposer un projet de loi de dégagement des cadres s’inspirant de la loi de 1947. Ce projet devrait être déposé la semaine prochaine.

Enfin, M. Abelin, ainsi que nous l’avions indiqué, a déposé une demande d’interpellation signée par 80 parlementaires environ de tous les horizons politiques, sans aucune préoccupation que celle d’apporter une solution au grave problème des licenciements.

Cette demande d’interpellation a été signée entre autres, par M. le général Kœning, MM. Daniel Meyer, Jules Moch, députés socialistes ; M. Bartolini, député communiste des Bouches-du-Rhone, de Montjou, etc.

La fixation de la date de cette interpellation devrait avoir lieu mercredi prochain.

M. Abelin précise également qu’à la suite d’une entrevue qu’il a eue avec M. Pleven, vendredi dernier, il semble que si le Ministère de la Défense nationale décidait d’intensifier la fabrication du matériel de défense anti-aérien, la Manufacture de Châtellerault serait l’une des bénéficiaires de ces commandes.

Parallèlement à l’action qu’il menait pour éviter les licenciements à la Manufacture, tant par sa demande d’interpellation et l’étude de la question, par la Commission de la Défense nationale, M. Abelin s’est livré à une seconde action qui consistait à examiner les possibilités de développement industriel à Châtellerault. Il semble bien que cet aspect du problème doive retenir l’attention, tant des pouvoirs municipaux, départementaux que gouvernementaux.

A cet effet, M. Abelin a contacté tous les organismes intéressés : Ministère du Commerce, Fonds de modernisation et d’équipement, Fonds d’adaptation et de modernisation du territoire, organismes de crédit, etc.

M. Abelin montre les avantages qu’il y aurait à faire de Châtellerault une ville industrielle, aux activités multiples, en dehors de la Manufacture. Ceci aurait pour effet de résorber le chômage et de provoquer une activité générale plus grande.

Les syndicats

M. Bernard Percevault, après avoir remercié M. Abelin de l’exposé qu’il vient de faire, passe la parole aux représentants des syndicats.

M. Bourdeau, un nom du syndicat des Agents de maîtrise, Techniciens et Cadres CGT de la Manufacture indique que la situation n’est pas brillante puisque 4.000 licenciements sont prévus pour l’ensemble des usines de la DEFA. Il indique que la reconversion, c’est-à-dire l’exécution de commandes civiles permettrait de résoudre la crise actuelle et il précise que la Manufacture de Châtellerault peut exécuter n’importe quel travail. Toutefois, selon les renseignements qu’il possède, il semble que la décision de reconversion des usines d’armement dépend essentiellement des parlementaires. C’est pourquoi il conclut en leur demandant d’agir en ce sens.

M. Paulet, au nom du Syndicat FO, indique que depuis longtemps sa Fédération est intervenue auprès du Ministère de la Défense nationale. Pour lui, le problème est d’ordre politique. Il s’étonne que 100 milliards aient été alloués aux industries privés travaillant pour la Défense nationale alors que 60 milliards seulement ont été alloués aux usines d’État. Ce dernier économiserait en faisant effectuer ses travaux dans ses usines.

Les perspectives de licenciement sont encore plus pessimistes que celles que l’on connaît. Le problème est très grave. Aucune commande pour l’Indochine, surproduction en armes légères. Si le chômage s’installe à Châtellerault, la situation risque d’être catastrophique car la Municipalité ne pourra résorber le chômage.

M. Paulet est d’accord avec M. Abelin pour déclarer qu’il faut prévoir un programme d’industrialisation de la ville. Mais, dès maintenant que faire ?

M. Paulet cite le rapport de plein emploi que sa Fédération a remis pour étude à la Commission de la Défense nationale. Il demande que cette commission crée une Commission d’enquête chargée de venir examiner sur place les possibilités de la Manufacture.

Au sujet des travaux que pourrait actuellement effectuer à la Manufacture, M. Paulet préconise la reprise de fabrication des pièces de GMC. D’autre part, il indique que si une réorganisation de l’armement est actuellement nécessaire, la Manufacture peut très bien modifier ses machines en fonction des travaux qu’elle sera appelée à exécuter. Il se déclare contre tout licenciement et demande l’application de la loi de dégagement des cadres.

Après avoir insisté sur le fait que les licenciements à la Manufacture auraient leurs répercussions sur toute la vie de Châtellerault, M. Paulet conclut en exhortant les Châtelleraudais à s’unir au sein du Comité général de Défense de la Manufacture.

Il spécifie en outre, que si l’action sur le plan local est salutaire, elle n’est pas suffisante. Elle doit s’opérer sur le plan national et doit être la conjugaison de tous les efforts.

M. Jean, de la CFTC, remet aux parlementaires un rapport de sa fédération sur les licenciements et indique que ce problème pose une préoccupation sociale et humaine. Il ne peut être question de licenciements dans une période où l’on parle d’activité économique. M. Jean demande, lui aussi la constitution d’un Comité général de la défense. M. Ménard, secrétaire général de l’Union départementale des syndicats FO, intervient pour apporter un élément intéressant dans l’étude du problème. Il va être difficile de replacer les ouvriers licenciés. L’État va donc être obligé de les prendre, eux et leur famille, en charge, par l’intermédiaire des fonds de chômage, caisse de Sécurité sociale, caisse d’Allocations familiales, etc., d’où dépenses supplémentaires. Par contre, l’ouvrier en chômage aura moins d’argent à dépenser. Le chiffre d’affaires des commerçants va baisser et, par conséquent, les rentrées dans les caisses de l’État. M. Mémard montre qu’en fin de compte le licenciement coûtera plus cher à l’État que le maintien des ouvriers dans les usines.

M. Duvert, au nom de la CGT, après avoir traité l’aspect politique de la question, montre que, même avec la promesse de ne pas voir le licenciement avant janvier 1954, il n’en demeure pas moins vrai qu’il ne reste qu’un délai d’un mois pour faire face à la situation. Il préconise, comme remède, la reprise de relation commerciale avec tous les pays du monde et le reconversion en indiquant que la Manufacture a déjà fait ses preuves concluantes dans ce domaine.

Opinions diverses

M. Boucher, conseiller général du canton de Châtellerault, insiste sur le fait qu’il faut dans un mois faire face à la situation.

Le fait de trouver des représentants de toutes tendances et toutes activités à cette réunion est d’excellent augure pour l’avenir.

M. Boucher déplore que l’État, qui a gêné le secteur industriel privé en lui prenant des ouvriers qualifiés pour les faire rentrer dans les établissements nationaux, menace de les mettre actuellement à la rue. Il ne pense pas que la reconversion soit une excellente formule car, pour pouvoir lutter avec l’industrie privée les manufactures devront appliquer les mêmes méthodes de travail et elles auront à tenir compte de la concurrence qui se fait de plus en plus grande.

D’autre part, il se montre très partisan dU développement industriel de Châtellerault et souhaite que les parlementaires œuvrent en ce sens.

L’installation d’usines privées permettrait de résorber le chômage. Enfin M. Bonnet termine en souhaitant qu’il n’y ait aucune confusion au sujet du Comité de défense qui doit être créé sur une vaste échelle et grouper les représentants de toutes les activités.

Me Parthenay, conseiller général du canton de Vouneuil-sur-Vienne se fait l’interprète des ouvriers habitant la campagne et travaillant à la Manufacture. Il demande que l’on prenne leur cas en considération, car ils pourront bénéficier de l’aide des fonds de chômage.

Quelques précisions et suggestions

M. Abelin reprend la parole pour préciser certains point. « Il faut éliminer l’aspect politique du débat et s’intéresser aux questions pratiques et urgentes à résoudre ». Il dit que ce ne sont pas les commandes militaires qui font la richesse d’un pays. Il enlève certaines illusions à ce sujet, en précisant qu’actuellement aucune commande « off shore » n’intéresserait les manufactures menacées de licenciements.

D’autre part, la fabrication des pièces GMC semble devoir être stoppée. Quant à la reconversion, elle pose quantité de problèmes qui ne peuvent être résolus rapidement. Il faut mesurer les possibilités de la Manufacture en ce domaine. Il faut établir des programmes qui ne peuvent être mis au point du jour au lendemain.

Au sujet de la décentralisation industrielle, M. Abelin précise qu’il ne faut laisser passer aucune occasion de rechercher les grandes usines susceptibles d’émigrer à Châtellerault. Il faut que la Municipalité châtelleraudaise, suivant l’exemple de celle d’Orléans, Cholet, etc.. facilite ce développement industriel. Elle doit compter sur le concours des Chambres de Commerce et de l’État.

L’élaboration du plan de développement industriel, sa mise en application, représentent un très gros travail et de nombreux sacrifices financiers. Mais il y a là un rôle éminent à jouer dans l’intérêt de la ville par la Municipalité et il ne faut pas perdre de temps, conclut M. Abelin.

M. de Montjou fait siennes les paroles qui ont été prononcées par les différents orateurs et en déplorant que la Vienne ne soit pas plus industrialisée, il assure les Châtelleraudais de son appui.

Me Masteau déclare que Poitevins et Châtelleraudais doivent être solidaires devant ce problème. Dans l’immédiat, il préconise un maintien de l’effectif manufacture en utilisant, dans la mesure du possible, les moyens dont dispose l’établissement pour la fabrication d’armement moderne.

Dans l’avenir prochain, il préconise, au sujet de la décentralisation industrielle, un transfert de fabrication évitant le repli d’usines.

Enfin, il se déclare, lui aussi, partisan du développement industriel de Châtellerault et assure le Comité de défense de l’appui du Conseil général.

M. Percevault conclut le débat en remerciant tous les orateurs et appelle tous les représentants des activités présentes à s’unir au sein du Comité de défense de la Manufacture dont nous donnerons la composition lorsque toutes les personnes contactées pour le constituer auront donné leur approbation.

Les personnalités

M. Percevault, maire de Châtellerault, présidait la séance à laquelle assistaient M. Masteau, sénateur-maire de Poitiers ; MM. Abelin, de Montjou, Adrien André, députés de la Vienne ; M. Bouchet, conseiller général du canton de Châtellerault et conseiller municipal ; Me Parthenay, conseiller général du canton de Vouneuil-sur-Vienne ; MM. Coubrat, Jammet, Penin, Gauthier, Pichard, Brouard, adjoints ; Mlle Alice Pagenault, MM. Montier, Lelot, Liot, Meunier, Berjonneau, Aufrère, Braguier, Georget, Jamain, Libreau, Bonnet, Laire, Denizot, Belheur, Limousin, Daunizeau, Braguier, conseillers municipaux ; M. Renaud-Salis, maire de Naintré ; M. Beaufils, conseiller municipal de St-Sauveur ; M. Jean et Larmignat, de l’UCIA ; MM. Duvert, Chabiron, Bourdeau, Grillet, Lixon, du syndicat CGT ; M. Jean du syndicat CFTC de la Manufacture ; M. Menard, secrétaire général de l’UD des syndicats Force-Ouvrière ; M. Paulet, secrétaire du syndicat FO de la Manufacture ; de nombreux représentants appartenant à tous les milieux sociaux de la ville et des communes environnantes.

le 08/05/2021 à 18:53

Source : La Nouvelle République du Centre Ouest

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