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0418920/03/1954CHATELLERAULT

M. ABELIN A PLAIDÉ AU PALAIS BOURBON LA CAUSE DES OUVRIERS DE LA MANUFACTURE DE CHATELLERAULT

A M. Abelin qui avait plaidé au Palais Bourbon la cause des ouvriers de la Manufacture de Châtellerault, MM. Pleven et de Chevigné répondent : « Nous envisageons de donner une compensation appréciable aux ouvriers âgés licenciés. Nous pourrons aussi mettre en fabrication une nouvelle arme ».

Au cours du débat sur les crédits militaires hier, au Palais Bourbon, le général Kœning, président de la Commission de la Défense nationale, a regretté que les crédits prévus ne suffisent pas pour faire tourner à plein les établissements de l’État. Il a ajouté :
- D’autre part, si le nombre des licenciements est peu considérable pour l’ensemble de la France, - 1.300 en un an – deux établissements vont être particulièrement touchés : Châtellerault et Tulle. La population ouvrière de ces deux villes est légitimement inquiète. J’insiste pour que vous recherchiez les moyens de faire tourner ces usines.

Après lui, M. Abelin a prononcé un émouvant plaidoyer en faveur des travailleurs de Châtellerault.

- Les licenciements envisagés vont frapper surtout les ouvriers de Châtellerault, a-t-il dit. Sept cents d’entre eux, mariés et pères de famille sont menacés de perdre leur travail. C’est à dire que 2.800 personnes vont être atteintes, sur une population de 22.000 habitants. Veut-on condamner à mort ce centre industriel important ? La politique gouvernementale en matière d’armement me fait toujours penser à un accordéon. On s’apprête à disperser un personnel composé en grande partie de spécialistes. Mais si, demain, les effectifs ayant augmenté, nous avions besoin de 7.000 à 10.000 fusils-mitrailleurs supplémentaires, ou si le gouvernement décidait de produire en série le nouveau modèle de mitrailleuse mis au point à Châtellerault, il faudrait rouvrir l’usine et réembaucher les ouvriers.

Plusieurs solutions

- A Châtellerault, poursuit M. Abelin, il est très difficile pour les ouvriers licenciés de retrouver du travail. C’est pourquoi nous avons recherché des solutions qui permettraient d’éviter la fermeture des ateliers. Nous avions d’abord envisagé de mettre en location une partie des bâtiments. Mais M. le Secrétaire d’État nous a répondu avec raison que ceux-ci pourraient être de nouveau utiles à l’armée, si les circonstances devenaient graves. J’ai proposé alors de faire travailler les ateliers à façon, comme sous-traitants d’un groupe industriel et je me suis efforcé en vain de constituer ce groupe.

« Les arguments invoqués pour justifier la fermeture de l’usine me paraissent d’autant moins convaincants que de l’autre côté du Rhin, nos voisins investissent des sommes considérables dans des entreprises susceptibles de travailler pour l’armement. Le seul groupe Thyssen a décidé de consacrer 63 milliards à ces investissements. En France le gouvernement se préoccupe certes d’encourager les investissements mais les méthodes qu’il emploie ne sont pas les meilleures. Exonérer à 100 % de la taxe à la valeur ajoutée, non seulement les investissements, mais les frais de fabrication, c’est pousser les entreprises à gonfler leurs frais généraux et non provoquer les investissements conformes à l’intérêt de la collectivité ».

M. Abelin a demandé, en concluant, d’accepter la constitution d’un groupe industriel qui ferait travailler l’usine de Châtellerault et de prévoir les mesures transitoires indispensables.

- Il n’y a là, a-t-il dit, un problème humain et social très grave que vous ne pouvez méconnaître. Au lieu d’encourager, comme on continue à le faire, l’établissement de nouvelles industries dans des centres déjà surpeuplés, il faut absolument provoquer une décentralisation. Je suis sûr que vous saurer trouver les solutions permettront de maintenir en activité l’usine de Châtellerault.

La réponse des Ministres

M. de Chevigné, secrétaire d’État à la guerre, a répondu :
- Le problème du plein emploi dans nos établissements est un des plus douloureux qui soient. Il est évident que le plan de charge des manufactures de Tulle, de Châtellerault et de Saint-Etienne, ne peut se comparer à celui des années précédentes. L’armement se transforme. Nos manufactures sont spécialisées dans les fabrications des armes de petit calibre et ont l’outillage correspondant. Ces armes sont encore utilisées en Indochine, mais l’approvisionnement a été assuré à plein en 1952 et 1953. Les commandes de 1954 seront six fois moindres. Cela se traduira par des dizaines de milliards d’économies sur le budget de l’Indochine. Je reconnais que la situation sera difficile à Châtellerault, si nous sommes obligés de procéder à des licenciements en 1954. Mais les perpectives sont moins sombres qu’il y a quelques mois. Nous envisageons le dépôt du projet de loi de dégagement des cadres ouvriers qui permettrait de donner une compensation appréciable aux ouvriers âgés licenciés. Nous n’écarterons a priori aucun moyen qui nous sera proposé et je ne refuserais pas la proposition de M. Abelin.

Quant à M. Pleven, il a ajouté :
- J’ai écouté avec émotion M. Abelin, car je connais les difficultés de ces petites villes comme Châtellerault. Est-il besoin d’ajouter qu’un tel problème doit trouver sa solution en dehors du cadre limité du budget de la Défense nationale ? C’est à cette tâche que je convierai mes collègues du gouvernement et dans cet état d’esprit que j’accueillerai toutes les suggestions des parlementaires intéressés.

Par ailleurs M. de Chevigné a convié M. Abelin et les parlementaires de la région à venir la voir la semaine prochaine. « Nous étudierons ensemble, a-t-il dit, les mesures pour réduire les conséquences des licenciements ou limiter ceux-ci à certaines couches d’âge. Je dis bien que nous n’arriverons pas à éviter ces licenciements, mais à en atténuer le nombre et les effets, peut-être en mettant en fabrication une arme nouvelle, qui remplacerait à la fois le fusil-mitrailleur et la mitrailleuse ».

 

le 11/05/2021 à 20:44

Source : La Nouvelle République du Centre Ouest

licenciements, parlementaires

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