0421024/12/1910POITIERS
Dimanche dernier, les locaux de la Bourse du Travail n’étaient pas assez vastes pour contenir tous ceux qui désiraient assister à l’inauguration des ateliers de menuiserie et de serrurerie destinés aux cours d’apprentissage.
Cette solennité était présidée par M. Morain, maire de Poitiers, assisté de MM. Vallet-Dechérat, adjoint, Robin et Roux, conseillers municipaux. Notre camarade Georgel, avocat, assistait également à cette fête ouvrière.
M. le Maire fut reçu par les membres de la Bourse et le citoyen Jobard, secrétaire-adjoint, fit l’historique de la Bourse du Travail et de la création de ses nouveaux ateliers, en l’absence du dévoué secrétaire général Audinet, empêché par la maladie.
Messieurs,
Les cours professionnels de la Bourse du Travail sont ainsi dire contemporain de la Bourse elle-même. En effet, la fondation de celle-ci ne date que du mois de février 1898 et fut obtenue qu’après de multiples efforts de la classe ouvrières poitevine.
Tout de suite les militants ouvriers d’alors comprirent qu’il ne suffisait pas de s’organiser pour résister au maintien des salaires toujours insuffisants et en tout cas jamais en rapport avec la cherté des vivres. Ils pensaient surtout qu’il était nécessaire, indispensable d’instruire les camarades sur les lois de protection ouvrières déjà votées, ou en voie d’élaboration. Mais pensant non moins justement, qu’à côté de la connaissance du droit, il fallait placer la connaissance du devoir, c’est-à-dire leur apprendre à juger sainement les rapports du Travail et du capital. De là sont nés les cours théoriques et pratiques de législation ouvrière, fait pendant plusieurs années par notre ami le camarade Georgel, avec toute la compétence qu’on lui connaît, auquel s’étaient adjoints plusieurs professeurs de la Faculté de Poitiers pour les cours d’hygiène ouvrière des logements et des ateliers. Puis enfin les cours professionnels, proprement dits, cours de coupe, cours de menuiserie, cours de mécanique et de serrurerie, cours de peinture, etc. Mais jusqu’à présent ces cours ne furent que théoriques. Ce n’est pas que les camarades qui nous ont précédés, n’aient pas senti comme nous, l’insuffisance de la théorie pure en matière d’enseignement, car dans de nombreux rapports qu’il nous a été donné de connaître, on signale partout cette insuffisance. Nous trouvons formulé presque à chaque page, le désir de donner à nos jeunes apprentis des connaissances professionnelles plus étendues. Mais ayant lutté déjà pendant de longues années pour obtenir d’abord, et maintenir ensuite, leur Bourse du Travail, on sent que nos prédécesseurs hésitaient à demander de nouvelles concessions aux pouvoirs publics, c’est-à-dire des crédits nécessaires à l’organisation de cours pratiques.
Ce n’est qu’au commencement de 1909, que la Nouvelle administration de la Bourse du TRavail résolut de tenter un nouvel effort en faveur des cours pratiques et à la date du 4 février nous adressions une première requête à M. le Ministre du Commerce et de l’Industrie pour lui demander une concession d’outillage.
Le 4 mars nous avions la visite de M. Lagrave, inspecteur général de l’enseignement technique au ministère du commerce et de l’industrie qui nous conseilla de renouveler notre demande à M. le Ministre, s’engageant lui-même à l’appuyer fortement. C’était donc une preuve que M. L’Inspecteur général était satisfait des résultats de nos cours, obtenus avec si peu de moyens.
Malgré ces démarches, au mois d’août nous n’avions pas encore de réponse de M. le Ministre, c’est alors que nous eûmes l’idée d’intervenir auprès de M. Surreaux, sénateur, et auprès de notre ami le citoyen Lavy, membre de la commission supérieure de l’enseignement technique. Les réponses ne se firent pas attendre, car sous l’influence combinée de tous, nous obtenions satisfaction et nous recevions du ministère un avis nous demandant de fournir une liste des outils qui nous étaient nécessaires et presque en même temps nous étions avisés qu’un crédit de 700 francs nous était accordé sur le budget 1909.
Après une nouvelle demande nous obtenions encore 700 francs sur le budget 1910, ce qui nous faisait 1.400 francs de disponibles.
Ce n’était pas suffisant, mais enfin nous pouvions déjà commencer notre installation car nous avions de quoi acheter un joli lot d’outillage.
Mais il nous fallait des ateliers. C’est alors que nous avons soumis notre projet à M. le Maire qui, selon son habitude lorsqu’il s’agit des questions ouvrières, nous promit immédiatement l’appui de son bienveillant concours auprès du Conseil municipal.
Cependant, nous devons l’avouer, nous n’étions qu’à moitié rassurés car la somme de 1.840 francs, qui était nécessaire pour la construction d’ateliers, nous paraissait grosse.
Nos craintes étaient chimériques. La justesse de notre cause, plaidée avec chaleur par M. le Maire auprès du Conseil municipal, rencontra un très bon accueil et la somme de 1.840 francs fut votée pour l’édification des ateliers de la Bourse du Travail.
Tel est, Messieurs, l’exposé rapide et fidèle de l’organisation de nos cours professionnels. Il nous reste plus qu’à vous dire notre espoir dans les résultats heureux pour l’avenir de ces cours et des avantages matériels et moraux que pourront en obtenir nos jeunes apprentis ; certains que, comme par le passé, les personnes généreuses et désintéressées, ainsi que les pouvoirs publics ne nous ménagerons pas leurs concours.
La fin de ce discours fut salué par d’unanimes applaudissements et M. Morain assura que les travailleurs pouvaient compter sur tout son concours et sur celui de la municipalité. Il adressa ses félicitations à ceux qui avaient si bien conduit les travaux et qui avaient réussi à faire avec si peu, un véritable chef-d’œuvre. Il ne ménagea pas non plus ses compliments aux professeurs qui se dévouent pour leurs jeunes apprentis.
L’Union poitevine, qui était de la partie, fit entendre plusieurs morceaux de son répertoire et cette fête du travail se termina par un punch fort bien servi par M. Noblet.
le 13/05/2021 à 12:14
Source : Le Socialiste de la Vienne
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