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0423126/04/1913POITIERS

LA RÉUNION DU SYNDICAT DES OUVRIERS BOULANGERS

Bourse du Travail

Mercredi dernier, 15 avril, le syndicat des Boulangers de Poitiers avait invité tous les ouvriers de la corporation à assister à la conférence du camarade Savoie, délégué de la Fédération de l’Alimentation.

C’est dans une salle devenue trop petite par suite de l’installation de nos cours professionnels, que nos camarades s’entassent péniblement pour écouter le conférencier.

C’est par une argumentation serrée, bourrée de faits et de citations prises sur le vif, que notre ami explique à son auditoire attentif et visiblement intéressé quelle est la situation actuelle de l’ouvrier boulanger, situation qui ne peut être améliorée que par une forte organisation syndicale.

Il démontre que les augmentations de salaire obtenues depuis une dizaine d’années ne sont qu’apparentes, puisque en raison même de l’augmentation du prix de la vie, les salaires ont plutôt baissé, la puissance d’achat étant beaucoup inférieure à ce qu’elle était il y a dix ans.

Et, d’autre part, si on compare le salaire actuel à la somme de travail fournie, on s’aperçoit que le salaire ressort à peine à 0,25 ou à 0,30 cent. De l’heure, salaire inférieur à celui du dernier des ouvriers terrassiers.

Mais le syndicat n’a pas seulement pour but de faire augmenter les salaires ; il est pour les ouvriers un milieu d’éducation morale ou sociale en même temps que corporatif ; il contribue puissamment à inspirer plus de confiance aux uns et au autres, les relations devenant plus amicales, plus fraternelles, on s’habitue ainsi à plus de tolérance mutuelle.

Enfin, en fréquentant assidument le syndicat on néglige peu à peu « Monsieur Bistrot ». C’est tout bénéfice pour la santé et la famille.

En 1905, dit l’orateur, la Fédération entreprit la campagne pour le repos hebdomadaire. Elle indiqua les avantages du repos par roulement, qui permet aux chômeurs de faire des remplacements et qui a pour conséquence de les empêcher de chercher de travailler au dessous du tarif.

Parlant de l’hygiène dans les fournils, notre camarade dit que presque partout ils sont dans une état de malpropreté révoltante. On construit des fours en tous lieux, même dans des locaux les moins appropriés. Tant pis si les ouvriers travaillent dans des conditions désastreuses pour leur santé et respirent les poussières, l’air usé et empesté des fournils où le soleil ne pénètre jamais. S’il en existe à Paris, il y en a surtout en province.

Là, les ouvriers n’ont rien pour se nettoyer après le travail. Ils en sont réduits souvent à se laver dans le seau qui sert à transporter l’eau pour faire le pain. Si la clientèle était au courant de ces pratiques aussi répugnantes, elle ne manquerait pas de boycotter les maisons aussi peu soucieuses de la santé publique. C’est l’œuvre des syndicats de faire disparaître toutes ces monstruosités.

La question du travail de jour, qui est l’une, pour ne pas dire la principale de nos revendications, n’est pas nouvelle. Déjà en 1869 certains groupements ouvriers s’en étaient préoccupés ; en 1871, le travail de jour fut appliqué par la ville de Paris, mais la bourgeoisie capitaliste et réactionnaire en noyant dans le sang de 35.000 prolétaires le mouvement communaliste enterra du même coup cette réforme.

De nos jours, un député radical, Justin Gobard, a élaboré un projet de loi assez bien conçu. Mais pour le faire aboutir il est obligé d’avouer qu’il compte sur un vaste mouvement d’agitation des ouvriers boulangers. Il confirme ainsi ce que nous avons toujours dit : que les lois sociales, si bien intentionnées soient-elle, ne seront appliquées qu’autant que la classe ouvrière saura s’organiser pour en imposer l’application.

Le projet Justin Gobard a cependant un grave défaut, c’est de prévoir des dérogations. C’est là le piège. C’est par la porte ouverte des dérogations que les patrons ont supprimé tout l’effet de la loi sur le repos hebdomadaire. C’est donc à nous, syndicats et fédérations, de mener une vigoureuse campagne pour l’obtention de la suppression du travail de nuit, sans dérogation.

A l’issue de la séance, l’ordre du jour suivant est présenté et voté à l’unanimité :
« Les ouvriers boulangers de Poitiers, réunis le 15 avril à la Bourse du Travail, après avoir entendu le camarade Savoie dans son exposé si clair et si documenté sur la situation des ouvriers boulangers, décident de faire tous leurs efforts pour amener tous leurs camarades au syndicat ; ils reconnaissent que ce n’est que par le groupement qu’ils arriveront à lutter efficacement contre tous les abus dont ils sont victimes.

« Ils protestent de toute leur énergie, en tant qu’organisation syndicale, contre le retour à la loi de 3 ans, qui aurait pour effet d’aggraver encore la misère ouvrière, sans qu’il soit démontrer que cette mesure de réaction soit nécessaire à la défense nationale ».

Le secrétaire de la Bourse du Travail, Audinet

le 15/05/2021 à 19:41

Source : Le Socialiste de la Vienne

repos hebdomadaire, travail de nuit, hygiène, commune

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