0423606/09/1913POITIERS
Le dernier geste des employés des tramways pour obtenir certaines améliorations de leurs conditions de travail, nous rappelle une autre manifestation ou plutôt un semblant de manifestation ouvrière survenue il y a deux mois environ. Nous voulons parler des ouvriers charpentiers dont la tentative d’augmentation de salaire a échoué d’une si piteuse façon.
Ces pauvres inconscients réfractaires au syndicat – et ils s’en vantent – croient attendrir leurs patrons et obtenir d’eux de partager les jolis bénéfices que l’Administration de la guerre leur a accordés si généreusement, en criant bien haut qu’ils n’étaient pas syndiqués.
Ils se rappelaient aussi sans doute, leur victoire facile de 1911, où ils obtenaient presque sans lutte, une augmentation de 0 fr. 10 de l’heure ! Oui mais, autre temps, autres mœurs ; ils ont oublié, ou plutôt ils n’on pas senti – on apprend bien les choses que dans les syndicats – que si les patrons avaient cédé si facilement en 1911, c’est qu’ils escomptaient une augmentation très sensible des prix de série pour la ville, la département et l’État et, par répercussion pour les propriétaires, ce qui devait leur procurer de beaux bénéfices pour l’avenir.
Les ouvriers charpentiers n’ont pas compris qu’à cette époque, les patrons avaient besoin des réclamations des ouvriers pour mener à bien leur petite opération et on peut dire qu’à ce moment)là les grèves sont arrivées juste à point pour favoriser leur appétit.
Cette fois le décor a changé. Lorsque les patrons se sont aperçus qu’ils n’avaient rien à ménager et qu’ils avaient affaire à une cohue inorganisée et sans consistance, ne sachant même pas au juste ce qu’elle voulait, ils l’ont dédaigneusement repoussée et comme toujours ce sont les deux ou trois jeunes diables, qui croyaient naïvement à la générosité patronale, qui sont accusés de trahison, même par : « l’Avenir de la Vienne ».
Il en aurait été de même pour les revendications des ouvriers des tramways, s’ils n’avaient pas eu à leur service un syndicat fortement organisé et prêt à la résistance en cas de refus. Ce ne sont pas du reste les premiers résultats qu’obtient ce syndicat ; il a, au point de vue des retraites, remporté un très important succès.
La Compagnie voulait, dans sa générosité, assimiler les ouvriers et les employés aux retraites ouvrières et paysannes, avec les avantages que l’on sait, mais leur Fédération veillait. La Fédération des transports à laquelle adhèrent tous les syndicats des tramways électriques, représentée par son courageux secrétaire, notre camarade Guinchard, ne voulut pas se laisser faire. Par un rapport documenté et fortement motivé qui fut adressé aux Pouvoirs publics, ils demandèrent l’assimilation des employés des tramways aux employés des chemins de fer et participant à la même caisse des retraites.
Cette solution, demandée par la Fédération n’a pas été acceptée à cause, a t-on dit, des difficultés de procédure ; mais sur insistance de la Fédération, la Chambre a voté une proposition de loi, en ce moment au Sénat, obligeant la Compagnie des Tramways à créer une caisse autonome assurant aux ouvriers de 1.000 à 1.200 francs de pension à 60 ans pour les ouvriers d’usine et à 55 ans pour ceux des voitures.
Voilà ce que peut faire une organisation bien comprise et, quelque soit la bonne volonté des personnalité politiques ou administratives, si bien intentionnées soient-elles, elles ne peuvent rien pour la classe ouvrière, si celle-ci s’abandonne elle-même. S’il n’existe pas une forte organisation, assez forte pour imposer ses volontés ; c’est là, surtout, que le vieil adage « aide toi, le ciel t’aidera » prend toute sa valeur.
Nous dédions l’exemple que nous venons de rappeler, à une autre corporation de notre ville que nous ne nommerons pas pour l’instant, parce que les camarades qui pour le plupart, inconsciemment, ont jeté la division dans la corporation, semblent avoir compris leur erreur. Nous le souhaitons bien sincèrement et nous leur crions de toutes nos forces : « ralliez tous le syndicat, camarades, faites taire vos petites rancunes personnelles, n ‘ayez en vue que l’intérêt sacré du prolétariat, organisez-vous fortement comme vos camarades des tramways et des autres syndicats adhérents à la Bourse du Travail ; et quand, par vos discussions franches, loyales, vous aurez acquis confiance les uns envers les autres, vous pourrez comme eux, avec toutes chances de succès, présenter vos revendications à vos patrons qui, en ce moment, rient de vous et profitent de vos divisions pour vous exploiter encore davantage ».
Eugène Audinet, secrétaire général de la Bourse du Travail de Poitiers.
le 16/05/2021 à 15:53
Source : Le Socialiste de la Vienne
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