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0482419/01/1960VIENNE

POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS LA GUERRE PLUS DE DEUX MILLE CHÔMEURS DANS LE DÉPARTEMENT

Seule l'ouverture de grands travaux peut, dans l'immédiat, freiner la crise

Le nombre de chômeurs dans le département de la Vienne a franchi le cap des 2.000, chiffre jamais atteint encore depuis la fin de la guerre. Voici ce que révèle l’enquête que nous publions aujourd’hui.

C’est pour nous un très sérieux avertissement, car la prospérité économique forme un tout et nous sommes, quelle que soit notre profession, tous solidaires.

Des mesures s’imposent. Nous savons que certaines sont en cours. Nous savons aussi que dans nos grandes villes nos municipalités ne sont pas restées indifférentes. Des projets sont à l’étude, des négociations en cours pour l’implantation d’industries nouvelles, des programmes d’utilité publique sont mis sur pied. Mais le temps presse. Il y a plus d’un an nous lancions un cri d’alerte : la Vienne est au bord du désert français. Aujourd’hui nous le répétons avec plus de force encore. Plus que jamais il faut agir, hâter la réalisation de grands travaux décidés, concrétiser les espoirs car demain il sera trop tard.

Une crise très grave, latente depuis la fin de l’année 1959, touche le monde du travail de notre département. Il y a actuellement dans la Vienne plus de 2.000 chômeurs ! Ce chiffre n’avait jamais été atteint depuis 15 ans. Les statistiques officielles indiquaient à fin décembre un total de 1.987 chômeurs, et depuis une quinzaine de jours, ce chiffre n’a cessé de progresser.

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Actuellement, répétons le, plus de 2.000 personnes se trouvent sans travail et sont condamnées au chômage. Et sur ces 2.000 chômeurs, seuls 358 sont secourus officiellement, par les fonds de chômage constitués.

Avenir bouché

Quelles sont les perspectives d’avenir ? C’est là une question que nous avons posé. La réponse fut : « Elles sont extrêmement réduites pour l’instant ». La perspective de grands chantiers qui pourraient s’ouvrir au printemps prochain, permettra, peut être d’absorber une partie de cette main-d’œuvre sans emploi. Mais le reste ! Et avant l’avènement du printemps, il y a encore deux mois d’hiver à passer. Le nombre que nous indiquions de 2.000 chômeurs, n’aura, on nous l’a également indiqué, que tendance à s’accroître.

Comme on peut en juger, les prévisions sont, on ne peut plus pessimistes, nous souhaitons que la réalité vienne infirmer ces prévisions.

Les causes de ce malaise

Les causes exactes de ce malaise provoquant le chômage sont, semble t-il, au résultat de l’enquête que « Centre Presse » a menée, d’ordre essentiellement économique. Depuis le mois de novembre il y a eu un ralentissement très net dans l’activité des entreprises diverses de notre département. Il n’y a pas eu de débauchages massifs et spectaculaires, comme on a pu en craindre à d’autres époques, mais des licenciements de une, deux, trois personnes qui se sont répétés un certain nombre de fois et qui ont abouti à la situation critique actuelle.

En deux années, la moyenne de travail hebdomadaire qui était de 48 et 50 heures en hiver, est tombée à 44 heures, 42 heures. Certaines entreprises ont même dû, étant donné les difficultés rencontrées et le manque de travail, ramener les horaires à une moyenne encore plus basse.

Cette réduction des heures de travail a entraîné d’une part, un certain nombre de licenciements d’ouvriers derniers rentrés dans les entreprises, d’autre part une diminution très sensible du pouvoir d’achat des ouvriers payés à l’heure qui voient, du fait de la réduction des horaires, leur salaire amputé d’autant.

Il y a donc l’amorce d’une crise économique pour notre département et les conséquences qui en résulteront ne peuvent être que préjudiciables à tous.

Il faut également préciser que l’avènement du nouveau franc a eu également son incidence. Des craintes se sont exprimées, le courant des affaires s’est trouvé ralenti. Il convient aussi de signaler que notre département ne se trouve pas le seul à être dans ce cas, et que dans nombre d’autres régions de France, le même mal sévit.

Il est un indice symptomatique de cette situation, c’est que proportionnellement au nombre de chômeurs, c’est le secteur agricole qui est le plus touché !

192 chômeurs dans l’agriculture

Sur le total de 1.987 chômeurs pour l’ensemble du département de la Vienne, à la fin du mois de décembre 1959, on comptait 192 chômeurs dans l’agriculture. Cent quatre-vingt douze ouvriers agricoles qui, habituellement pendant la période d’hiver, trouvent à aller en journée ou sont loués chez des exploitants, sont actuellement sans travail. Jamais ce chiffre n’avait été atteint jusqu’à ce jour.

Bien sûr le malaise agricole qui existe et dont « Centre Presse » a, dans son enquête sur l’agriculture dénonçait toute l’étendue, est à la base de ce non-emploi de la main-d’œuvre. L’exploitant qui employait deux domestiques pour les travaux des champs, en a supprimé un et celui qui n’en n’avait qu’un travaille maintenant seul.

La raison, la diminution du revenu de l’agriculteur qui aujourd’hui déclare :

« Je ne peux plus payer un domestique. Je ne pourrais en prendre qu’un, qu’au moment de la période des grands travaux et encore peut-être, qu’à la journée ». Les « loues » qui se pratiquent aux différentes foires et assemblées, ont été cette année, nulles dans leur ensemble. Et le nombre des chômeurs dans l’agriculture augmente tous les jours !...

La sécheresse qui sévit l’été dernier et l’invasion des mulots qui firent aux récoltes des dégâts considérables, sont elles aussi des causes incidentes de ce chômage agricole.

Certaines régions de notre département ont été plus touchées que d’autres par cette crise. C’est notamment le cas à Sanxay (où un chantier pour employer des chômeurs va être ouvert), de la région de Lusignan, Curzay-sur-Vonne, Jazeneuil, Saint-Pierre-de-Maillé également.

Dans les autres professions

Sur l’ensemble du territoire départemental, la situation est la suivante, dans les différents corps de métier. Dans le bâtiment il y a 261 chômeurs ; les manœuvres sont au nombre de 532, ce chiffre est particulièrement élevé et pour le moment il n’y a aucune possibilité d’emploi ; le nombre des employés de bureau et des employés domestiques en chômage atteint 334. Ce dernier chiffre est normal pour l’ensemble de ces professions.

Le Châtelleraudais le plus touché

Il semble bien que dans ce problème du chômage, ce soit la région de Châtellerault qui soit la plus touchée. En effet sur ce chiffre de 1.987, on compte 811 chômeurs pour Châtellerault et sa région, dont 343 manœuvres. Ceci s’explique par le fait que cette région est celle qui est la plus industrielle de notre département. C’est à Châtellerault et à Naintré où fonctionnent des fonds de chômage que demeurent les sans emplois.

Toutefois, il faut aussi signaler que Poitiers est également touché et qu’il y a des chômeurs à Chauvigny, à la Trimouille, dans le Civraisien. Actuellement, à Poitiers, il y a un nombre de chômeurs allocataires qui varie entre 175 et 200. Il était hier matin de 189 exactement. Ceux-ci perçoivent, pour un chômeur célibataire, âgé de plus de 18 ans, une allocation journalière de 370 fr par jour, pour un chômeur marié, une allocation de 530 francs.

Trois fonds de chômage dans la Vienne

Afin de venir en aide à ceux qui se trouvent privés de travail, des fonds de chômage ont été créés dans la Vienne. Il en existe actuellement trois : l’un à Poitiers, l’autre à Châtellerault, le dernier à Naintré. Ces fonds de chômage fournissent à ceux qui sont régulièrement inscrits, l’allocation à laquelle ils peuvent prétendre.

Mais il s’agit là, bien sûr, d’un simple secours au chômage. Un autre organisme nouvellement créé par décret, l’ASSEDIC, paye un tiers du salaire mensuel du chômeur pendant six mois.

Toutefois l’ouvrier agricole ne se trouve pas pour le moment à bénéficier de cette mesure.

Autre indication, les trois fonds de chômage de Poitiers, Châtellerault et Naintré, secourent actuellement 358 personnes sur les plus de 2.000 sans-emplois que compte notre département.

Ouverture de chantiers de chômage

Devant cette situation qui s’étend aux communes rurales, différents chantiers vont être ouverts pour permettre l’emploi des chômeurs. Ces chantiers s’ouvriraient à Sanxay, Saint-Pierre-de-Maillé et Chauvigny très prochainement.

La situation actuelle dans le bâtiment

Du fait de la température, le chômage est particulièrement important dans le bâtiment. Au cours de la semaine passée, 3.500 personnes se sont vues dans l’obligation de cesser tout travail. Toutefois elles bénéficient de « l’indemnité intempéries » (75 % de leur salaire). Elles ne sont pas comprises dans nos statistiques.

Aucune offre d’emploi actuellement

Telle est la situation actuelle dans notre département. On espère néanmoins que l’ouverture de grands travaux comme la nouvelle Faculté des Sciences, le collège technique, un important HLM à Buxerolles, permettront, dans une certaine mesure, de pallier à cette crise très grave et très aiguë. Mais pour le moment aucune offre d’emploi n’est faite auprès des services intéressés. Et c’est là un indice, un drame, qui se joue dans le monde du travail poitevin. Seule une politique d’expansion hardie pourra apporter un remède efficace et stopper cette longue, mais implacable récession.

 

 

le 03/09/2021 à 12:27

Source : Centre Presse

activité, chômage, emploi

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