0489211/06/1960POITIERS
A 15 heures il n’y avait plus de candidats dans le salle des fêtes de la Maison du peuple, mais assez lentement, car dehors il faisait bien beau, les grévistes emplissaient la salle. La plupart étaient de Poitiers, mais on en reconnaissait parmi eux des communes voisines et même un assez fort contingent venu du Loudunnais. Vers 15 h. 15, la salle était pleine, non point comble, mais certains décidément préféraient rester dans la cour.
C’est M. Leroy, du Syndicat national des Instituteurs qui allait présider le meeting. Il appelait au bureau les représentants de chaque syndicat et bientôt l’estrade allait être bien garnie. Il annonçait ensuite qu’on allait entendre successivement MM. Charrieau de la FEN, Lognon de l’UGFF-CGT, Girard de la CFTC, Gouillard de la Fédération postale CGT et Remigereau des services publics et de santé CGT.
« Ce que nous demandons, c’est qu’on nous donne ce qui nous revient et qu’on tienne les promesses » dira d’entrée M. Charrieau, auquel il appartenait de préciser et développer chaque point des revendications – points que l’on devait retrouver dans la motion finale. A plusieurs reprises l’orateur devait insister sur le caractère raisonnable de ces revendications qui ne tendent qu’à rattraper le retard de la rémunération de la fonction publique par rapport à l’industrie privée sur les salaires de laquelle référence avait été prise en 1949.
« Il ne s’agit pas pour nous de jalouser le secteur nationalisé, devait-il dire encore mais de constater notre retard » et de conclure : « Les fonctionnaires ne peuvent se résigner à un déclassement, ni au mépris dans lequel ils sont tenus. La grève du 10 juin est seulement une étape. Nous en aurons d’autres à franchir ».
Les autres orateurs devaient apporter l’adhésion de leurs syndicats. Parlant au nom de la CFTC, M. Girard, notamment , devait souhaiter que « sur une plateforme revendicative précise, une unité totale, englobant FO, soit bientôt réalisée, la division profitant à nos adversaires », avant de terminer une humoristique « prière à Michel Debré ». Les chiffres qui étaient avancés conformaient ceux donnés le matin au meeting de FO.
Après les dernières interventions, deux résolutions furent mises aux voix, la première qu’on lira ci-dessous, la seconde protestant contre les mesures prises à l’égard des grévistes de la RATP et « demandant l’annulation de ces mesures arbitraires ». L’une et l’autre des résolutions étaient votées à l’unanimité.
Cortège vers la Préfecture
Il avait été précisé au début du meeting que « M. le Préfet avait fait savoir qu’il ne pourrait recevoir une délégation ». Il fut donc décidé que la résolution votée lui serait envoyée par la poste, quand quelqu’un dit dans la salle : « Si on lui portait quand même ? ». Le Président de séance posa la question à l’assemblée : « Doit-on aller à la Préfecture ? Mais si on le fait que ce soit dans l’ordre le plus absolu. « D’accord » répondit la salle en levant la main.
Le cortège se forma, dirigeants en tête et si tous les assistants – et surtout les assistantes – ne suivirent pas de la Maison du peuple à la Préfecture, ils étaient environ cinq cents encore en parvenant devant les grilles.
Dialogue devant une porte mi-close
Celles-ci avaient été fermées, comme les portes latérales. On devinait M. le Commissaire central et les agents dans les couloirs.
Les responsables sonnèrent. C’est M. l’officier de police Bautz qui entrouvrit la porte et, fort civilement, M. Girard présenta sa requête : « M. le Préfet accepterait-il de recevoir une délégation des fonctionnaires voulant lui remettre une résolution ? ». L’officier de police transmit immédiatement le message. Quelques instants plus tard c’est M. Sellier, chef des huissiers qui entrebâillait l’huis. Il venait demander le nom des délégués. On les lui donna. Nouvel intermède et M. Sellier revenait.
« M. le Préfet, disait-il, accepte de lire la motion. Qui la présente exactement, demandait-il ».
Or, la résolution, si elle était tapée à la machine, n’était pas signée. Improvisant un pupitre sur le mur de l’édifice, les dirigeants apposaient leurs signatures. Ils en récoltaient même une nouvelle : celles des Hospitaliers FO. Se trouvaient donc à signer : la CFTC (fonctionnaires), la FEN, le SNI, l’UGFF-CGT, les Postiers CGT, les Services publics et Santé CGT, les Hospitaliers FO.
« Demandez à M. le Préfet la suite qu’il compte donner à notre résolution, demandait-on à l’huissier chef ».
Ce dernier revenait quelques minutes plus tard : « M. le Préfet accepte la motion. En raison des directives générales, il ne peut recevoir de délégation, il transmettra le texte ».
Il ne restait plus aux grévistes qu’à se disloquer. Ils le firent avec le même calme avec lequel ils étaient arrivés. Mais cette fois, ils repartirent par petits groupes sur le trottoir.
le 15/09/2021 à 17:07
Source : Centre Presse
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