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0507011/07/1961POITIERS

EN ORDRE ET PENDANT PRÈS DE TROIS HEURES 800 OUVRIERS DE LA PILE LECLANCHÉ DÉFILENT DANS POITIERS

Reçus par M. le Préfet, les délégués font approuver la poursuite de la grève générale.

Il y a moins de trois semaines, les paysans de quelques cantons assiégeaient la préfecture, dans une atmosphère survoltée ; hier, les ouvriers de la plus importante usine de la banlieue poitevine ont occupé, pendant près d’une heure, les abords de la même préfecture. Là s’arrêtent les ressemblances. Les paysans exprimaient un malaise d’ordre général, s’insérant dans un contexte économique national. Les ouvriers mettaient l’accent sur une situation particulière avec ses solutions au niveau de l’entreprise.

Les paysans étaient venus sur leurs tracteurs. Les ouvriers avaient pris le train. Les paysans étaient comme une houle qui surprend, venue de justesse se briser sur les grilles fermées en hâte. Les ouvriers s’étaient rendus, calmement, en un cortège tranquille et déterminé et ils s’étaient arrêtés d’eux-mêmes devant les portes grandes ouvertes.

Problèmes différents, méthodes différentes mais c’est toujours la lutte fondamentale pour le droit à une décente vie, assurée par un travail normal. Comment n’y pas apporter une attention toute particulière ?

La journée de lundi

Poursuivant leur mouvement de grève, les 900 employés de la Pile Leclanché se sont retrouvés hier matin devant les grilles de l’usine à 7 h. 45. Une délégation du personnel était alors reçue par M. Descloux, directeur de l’usine, qui déclarait que la direction ne modifiait pas sa position.

Les grévistes décidaient alors de rester sur place. Cette manifestation de protestation se déroula comme vendredi, dans le plus grand calme. Les délégués organisèrent alors le grand défilé de l’après-midi qu, durant près de trois heures, parcourut les rues de Poitiers.

Une délégation à la mairie de Chasseneuil

Une délégation composée des représentants de la CFTC, de la CGT, de FO et des Indépendants était reçue à la mairie de Chasseneuil par M. Lasseur, maire. Celui-ci devait déclarer aux délégués qu’il comprenait leur mouvement et leur a promis des secours pour les grévistes demeurant à Chasseneuil. Il souhaita que les maires des communes environnantes en fassent autant.

Le défilé à Poitiers

A 14 heures, les presque totalité des ouvriers – 800 personnes environ – se retrouvaient devant la gare de Poitiers. Ils étaient venus par le train, par voitures, en vélomoteur. Une centaine avait dû rester à Chasseneuil par manque de place dans le train ou dans les voitures. Il fallait également assurer le piquet de grève.

Nous voudrions mettre l’accent sur la dignité, la bonne tenue et la parfaite organisation de cette manifestation importante. Ceci était dû, d’une part à la discipline des manifestants et de leurs responsables et, d’autre part, à la parfaite compréhension du commissaire central, M. Casteran. Aucune force de l’ordre ; seuls quelques gardiens de la paix pour régler la circulation durant le défilé.

En tête de l’imposant cortège venaient les délégués syndicaux puis une grande banderole sur laquelle on lisait : « CGT CFTC – FO – IND. Le personnel de Leclanché proteste contre ses bas salaires ». Puis dans le cortège que formaient les ouvriers en tenue de travail, des pancartes : « Tous unis jusqu’à la victoire », « Pas de salaires moins de 200 francs », « Assez de menaces de la direction », « Non aux salaires de misère ». Des délégués distribuaient des tracts exposant les raisons de leur grève : « pensez-vous que l’on puisse vivre dignement avec moins de 28 000 fr par mois ? » et demandant un minimum de 35 000 fr par mois pour 173 heures de travail.

En criant des slogans, mais en conservant leur calme et sans troubler la circulation, les grévistes remontèrent par les rues du centre pour arriver jusqu’à la Préfecture, après avoir été rue de la Marne, rue Gambetta, rue des Cordeliers, rue du Marché, rue de la Regratterie, place du Palais, rue des Grandes-Écoles, place du Maréchal-Leclerc et rue Victor-Hugo. Une délégation devait alors être reçue par l’inspecteur du Travail, M. Viault.

M. le Préfet attendait la délégation

Cette même délégation, composée de MM. Gisclard (Ind.), Guillaumet (maîtrise), Mme Fernande Cormier et M. Iso (CFTC), M. Baudoux et Mme Petit (CGT), M. Bage (FO), ainsi que des délégués des unions départementales, MM. Bazin et Girard (CFTC) et M. Laumont (CGT) était reçue à 16 h. précises à la Préfecture.

Précisons que M. Deugnier, préfet de la Vienne, qui devait s’absenter à 15 h., avait repoussé son départ afin de recevoir lui-même les délégués et de prendre contact avec eux pour étudier leurs problèmes.

Trente et une minutes plus tard, les délégués sortaient de la Préfecture et déclaraient :
« M. le Préfet a tenu à nous féliciter pour la dignité et la bonne tenue de notre manifestation. Il nous a par ailleurs promis d’intervenir personnellement avant ce soir auprès de M. Deschamps, directeur général, et qu’il ferait son possible pour l’inviter à venir rapidement discuter avec nous ».

Poursuite de la grève à l’unanimité

Interrogés par leurs délégué les ouvriers, à l’unanimité, décidaient de poursuivre la grève jusqu’à la discussion avec la direction générale. Les 900 ouvriers et employés se retrouveront donc ce matin devant l’usine, dans l’attente des propositions directoriales.

Une réunion commune à Angoulême

Les représentants des sections syndicales des usines de la SAFT Leclanché d’Angoulême, Chasseneuil et Bordeaux, appartenant aux trois confédérations ouvrières ainsi que des représentants des cadres et des indépendants se sont réunis le 8 juillet à la Bourse du Travail d’Angoulême, en vue de réaliser la coordination de l’action revendicative et d’examiner la situation créée par la grève illimitée décidée par le personnel de l’usine de Chasseneuil.

Durant un long et fraternel échange de vues, on exposa la situation des salaires et des conditions de travail dans les trois usines. Les représentants syndicaux établirent ensuite une plateforme revendicative commune, ainsi que les modalités d’une action d’ensemble.

Tous furent d’accord pour dénoncer l’attitude du patronat qui, surtout dans les régions industriellement peu développées, pratique une politique de bas salaires et d’exploitation éhontée, en vue d’accroître encore ses profits.

La plateforme commune comprend en particulier la revendication : pas de salaire horaire au-dessous de 2 NF.

Les syndicats de l’usine d’Angoulême, qui ont déjà débrayé deux fois durant deux heures, se sont engagés à poursuivre leur action sur cette base.

L’usine de Bordeaux doit lancée une action de solidarité.

En conclusion de la réunion, il fut décidé que les représentants des sections syndicales des trois usines se réuniraient désormais régulièrement en vue d’établir un front commun face à la direction. Un appel sera lancé aux syndicats de l’usine de Romainville.

Sur nos clichés : En bandeau le personnel de Leclanché devant la préfecture et, dans le texte, les manifestants à leur départ de la gare.

 

 

le 17/11/2021 à 21:58

Source : Centre Presse

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