« Retour

0512119/10/1961CHATELLERAULT

PLUS DE MILLE OUVRIERS DE LA « MANU » ONT DÉFILÉ DANS CHATELLERAULT

Leurs délégués ont été reçus à la Mairie et à la Sous-Préfecture

Comme seul « Centre Presse » l’annonçait hier matin, la venue à Châtellerault du général Sorlet, directeur de la D.E.F.A. et les déclarations qu’il fut amené à faire à la délégation syndicale qu’il reçut, n’a pas manqué hier de provoquer une vive animation à la Manufacture et dans la cité châtelleraudaise.

Elle devait trouver son couronnement en fin de journée dans une manifestation de masse, qui se déroula dans le plus grand calme.

Au début de l’après-midi, un tract émanant de l’ensemble des syndicats était distribué à la rentrée de l’établissement. Il portait notamment : « Ce soir à 17 h. 30, débrayage général, rassemblement porte ouest, défilé de masse vers la mairie où vos responsables syndicaux prendront la parole ».

Peu avant 17 h. 30, on pouvait constater dans les rues traversant Châtellerault, par ailleurs encombrées par des convois de troupes américaines, la mise en place d’un discret service d’ordre et la préparation d’une déviation de la circulation des véhicules.

Mille ouvriers dans la rue

Vers 17 h. 35, les premiers ouvriers sortaient de la Manufacture. Cinq minutes plus tard, c’est au nombre de 1 075 qu’ils avaient quitté le travail. La quasi-totalité se groupa dans la rue de Châteauneuf, derrière la barrière portée par trois militants et derrière les secrétaires des sections syndicales et, ainsi formé, le cortège s’ébranla en direction de Châtellerault.

Défilant en ordre et en silence le cortège gagnait les promenades Blossac et se massait devant l’Hôtel de ville. Un service d’ordre, fonctionnant sous la direction de M. le Commissaire Coutarel, avait fait place devant le cortège en détournant les voitures par les rues latérales, au fur et à mesure de sa progression.

Devant l’Hôtel de ville

Des diffuseurs avaient été montés sur la façade de l’Hôtel de ville. Successivement les porte-paroles des syndicats s’adressèrent à la foule. M. Paulet parla le premier au nom de FO. Il fit l’historique des évènements ayant affecté depuis 1953 la vie de la Manufacture, soumis au régime de la « douche écossaise ». Il dit combien il était difficile aujourd’hui de se faire entendre à Paris, même par l’entremise des parlementaires. Il confirma ensuite les craintes immédiates : « Sept établissements doivent être liquidés et en tête la Manufacture de Châtellerault ». Puis avoir avoir dit que la défense de la manufacture était essentiellement une affaire ouvrière, une affaire syndicale, il acheva : « Je vous demande de garder votre sang-froid, rien n’est encore perdu ».

M. Autexier, au nom de la CFTC, développa d’autres arguments. Il dit notamment : « On soutient que l’opération projetée permettra de réaliser des économies, nous affirmons que non. Quand ils auront les usines, les fournisseurs d’armes feront les prix qu’ils voudront. Nous réaffirmons que notre manufacture peut demain continuer à fabriquer les commandes de l’État et que si le désarmement survenait – ce que chacun souhaite – qu’elle est tout a fait capable d’être reconvertie, pour des fabrications civiles ».

M. Augras prit le dernier la parole au nom de la CGT.

M. Autexier donna ensuite lecture de la résolution qu’on lira par ailleurs signée par les sept organisations syndicales de la Manufacture. Cette motion fut adoptée à l’unanimité.

La délégation syndicale

Une délégation fut alors nommée pour remettre cette motion à l’Hôtel de ville et à la Sous-Préfecture.

Elle fut composée de MM. Paulet, Autexier et Augras et de MM. Lastenier (CFTC maîtrise), Essès (FO maîtrise), Griet (CGT maîtrise), Dutartes et Lacroix (CFTC), Chabiron et Bée (CGT), Raoul et Picherault (FO).

Cette délégation fut immédiatement reçue par une délégation du Conseil municipal de Châtellerault qui était formée de MM. Tardif, général Brisorgueil, Bouchet, adjoints, Laire et Couturier, conseillers municipaux.

A la sortie de l’entretien, M. Paulet déclara aux manifestants qui avaient attendu en grand nombre que « la Municipalité se tenait de tout cœur auprès de nous » et la remercia de son accueil. Les manifestants se séparèrent alors, toujours dans le plus grand calme. Il n’y avait pas eu le moindre incident.

En photos : Devant l’Hôtel de ville, sous la banderole, les orateurs et les responsables syndicaux – Les discours ont été écoutés avec attention par une foule considérable

Le point de vue municipal

La délégation municipale a bien voulu recevoir « Centre Presse » à l’issue de l’entretien et M. Brisorgueil nous a déclaré en son nom :

« Le Conseil municipal de Châtellerault avait déjà fait connaître son sentiment sur cette question dès que les menaces s’étaient précisées. Il avait dit qu’il était décidé à tout faire en son pouvoir pour s’opposer dans la mesure du possible aux profondes atteintes, tant au statut du personnel qu’à la nature même de la Manufacture.

« M. le Maire étant actuellement en voyage, dès son retour de nouvelles dispositions seront prises sur le plan municipal pour parer aux derniers évènements, pour, dans la mesure du possible, dégager les ouvriers de leurs soucis et arrêter des dispositions et des mesures susceptibles de les aider.

« Parmi ces mesures, nous nous efforcerons de faire admettre que la Manufacture, si elle doit être retirée de la D.E.F.A., reste dans un secteur de l’État ou contrôlé par l’État, de manière à garantir aux ouvriers plus sûrement et plus facilement les avantages de leur statut.

« Permettez moi d’ajouter, nous dit encore M. le Général Brisorgueil, que ce n’est pas de gaîté de cœur que je me vois amené aujourd’hui à traiter de cette affaire. J’ai passé 25 ans à la Manufacture, dont sept à sa tête. Je croyais bien mourir sans avoir à connaître de sa disparition ».

La résolution

Les syndicats CGT, CFTC et CGT FO de la Manufacture nationale d’armes de Châtellerault, ayant été informés officiellement le 16 octobre1961, par le Directeur Général de la Direction des Études et Fabrications d’armement :
- Que la MAC allait disparaître en tant qu’établissement de la D.E.F.A. pour être morcelée en différents secteurs public et privé ;
- Que la vente de l’annexe de la Brelandière à une société privée était imminente.
- Élèvent une véhémente protestation contre ces décisions, étant entendu que la Manufacture possède un plan de charge pour plusieurs années.
- Se refusent à accepter la politique qui, sous couvert de reconversion, tend à liquider le potentiel national au profit exclusif des trusts capitalistes.
- Demandent que toutes les études et fabrications d’armement soient confiées par priorité aux Établissements d’État de la Défense Nationale.
- Se déclarent prêts à défendre la Manufacture en son ensemble pour son maintien dans le cadre national, ainsi que le plein emploi des personnels avec maintien ou amélioration de leurs statuts actuels.

A la Sous-Préfecture

M. le Préfet de la Vienne, retenu à Poitiers par la réunion inter-préfectorale, n’avait pu se déplacer à Châtelletault pour recevoir les délégués de la Manufacture. Il avait demandé à M. le sous-Préfet Brénas, secrétaire général de la Vienne, de le faire. C’est donc M. Brénas qui reçut la délégation avec laquelle il s’entretint longuement. A l’issue de la réception, les délégués devaient nous dire qu’ils avaient remis la résolution à M. le Secrétaire général qui allait la transmettre à Paris.

Nous recevant après la délégation, M. Brénas nous confirmait qu’il s’était entretenu avec les délégués et qu’il avait jugé la résolution rédigée en termes acceptables. Il allait donc immédiatement la faire parvenir à Paris.

Il va falloir attendre sans doute quelques jours pour connaître la suite de l’affaire.

 

 

le 29/11/2021 à 15:14

Source : Centre Presse

grève, délégation, manifestation, pouvoirs publics

« Retour

Espace Militants v0.3 - UD CGT 86 - http://cgt-ud86.org

Site UD 86 - Espace militants - Espace formation