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0051320/04/1907POITIERS

REPOS HEBDOMADAIRE - LES COMMERÇANTS RÉUNIS A LA PRÉFECTURE

Les commerçants de Poitiers se réunissent à la Préfecture et s'entretiennent avec M. TRIGANT-GENESTE du régime le plus propre à donner également satisfaction aux patrons et aux employés.

Hier après-midi, à 2 heures, répondant à l'invitation de M. le Préfet, trente-deux négociants de notre ville se sont réunis à la Préfecture (...).

Messieurs, M. le Préfet vous a convoqué dans l'espoir et le désir d'arriver à faire l'entente complète, au sujet du repos hebdomadaire, entre les employés et les patrons auxquels des dérogations n'ont pu être encore accordées.

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Si la question du repos hebdomadaire se pose de nouveau c'est que, vous le savez messieurs, à la suite d'une réunion de certains commerçants de Poitiers, M. le Préfet fut saisi d'une revendication dont l'esprit peut correspondre à celui de la dernière circulaire de M. le ministre du Travail.

Je vois, parmi vous, des commerçants qui, de par la loi même, ont droit au roulement en raison du caractère de leur profession. Je ne sais quel intérêt ils peuvent avoir à une nouvelle conversation.

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Un pâtissier. - La question est pour nous celle de l'intérêt général. Si tous les magasins peuvent rester ouverts les clients de la campagne seront attirés à Poitiers comme par le passé et nous vendrons davantage.

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Monsieur le Préfet a reçu des demandes de dérogations de commerçants détaillants qui veulent obtenir le roulement. Je crois qu'il sera difficile d'entrer dans cette voie. Les dérogations doivent demeurer avant tout dominées par cette considération que la loi veut le repos le dimanche. Les ouvriers et les employés ont droit au repos dominical (...).

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M. TRIGANT-GENESTE. - Est-ce que, par exemple, la moitié du personnel ne pourrait pas travailler le dimanche jusqu'à midi, puis avoir son repos du dimanche midi au lundi midi, alors que l'autre aurait la journée entière du dimanche pour, le dimanche suivant, prendre la place de la première moitié ?

M. HARY. - Tout cela dépend des professions, Monsieur le secrétaire général. Nous autres limonadiers et brasseurs, nous demandons, pour la fabrication, la vente et les livraisons de nos produits, qu'on nous accorde une période de quinze dimanches pendant lesquels nous pourrions faire travailler tout notre personnel. Ces quinze dimanches s'étendraient de juin à août compris. Nous accorderions pendant la morte saison, en hiver, un repos compensateur à nos employés.

M. MASSË. - Nous voudrions obtenir, ce dont vient de parler M. Hary, d'une façon permanente. La loi nous impose l'obligation d'une demande 24 heures à l'avance. Nous ne pouvons pas toujours prévoir. Qu'on nous accorde le droit de faire travailler notre personnel le dimanche jusqu'à midi à la période la plus forte et nous nous engageons à donner un congé correspondant et sans retenue.

M. AUBERTIE, Inspecteur du travail - Prenez garde, c'est la proposition du travail groupé. Ni la Chambre, ni le Sénat n'en ont voulu et c'est compréhensible : pouvez-vous donner l'assurance à vos ouvriers de les garder toute l'année ? Vous avez déjà droit à une dérogation de 15 dimanches à condition de donner 2 jours de repos au cours de chacun des mois sur lesquels portent ces dimanches.

Divisez votre personnel en deux parties, faites travailler l'une un dimanche et l'autre le dimanche suivant.

M. MASSË. - C'est impossible, tous nos ouvriers nous sont indispensables ... Mais alors qu'ils viennent travailler le dimanche jusqu'à midi, ils auraient alors deux jours par mois : quatre demi journées font deux jours.

M. AUBERTIE. - Si vous pouviez donner deux autres jours ?

M. MASSË. - Nous ne le pouvons pas.

M. AUBERTIE. - Ainsi vous auriez satisfaction en donnant repos à tout votre personnel le dimanche après-midi.

M. MASSË. - Oui.

M. AUBERTIE. - Je ne crois pas qu'en adoptant votre manière de voir on donne un croc en jambe à la loi. La loi dit 2 jours. On peut l'interpréter, sans le faire dans une mesure excessive, dans le sens que vous venez d'indiquer. On dirait que durant la période dite, établie à dates fixes, vos usines seraient fermées le dimanche à midi.

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M. MASSË. - Du 15 mai au 15 septembre.

M. AUBERTIE. - Nous compterons les dimanches à partir du 15 mai.

M. TRIGANT-GENESTE. - Voici donc un premier point qui est réglé, passons maintenant aux autres catégories.

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La décision adoptée par les brasseurs est une indication qui pourrait être suivie. Ne pourriez-vous, messieurs les détaillants accepter cette combinaison dont je vous ai parlé : la moitié du personnel se reposerait le dimanche, l'autre moitié travaillerait jusqu'à midi puis se reposerait jusqu'au lundi midi pour, ensuite, à son tour, avoir le dimanche entier ?

M. LEVRIER. - J'ai une clientèle qui est heureuse de trouver ma maison ouverte le dimanche, je reçois ce jour-là de nombreux instituteurs de la campagne qui sont retenus chez eux le jeudi. Je demande l'autorisation de faire travailler mon personnel dans les conditions que vous venez d'indiquer, monsieur le Secrétaire général.

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M. MATHIAS. - Ce que nous voulons c'est faire revenir à Poitiers la clientèle qui semble vouloir l'abandonner définitivement. Dans ces conditions il n'est pas possible de fermer à midi.

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M. TRIGANT-GENESTE. - La question de la fermeture n'est pas à débattre ici. Vous fermerez quand bon vous semblera. Il s'agit du repos du personnel.

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M. AUBERTIE. - En ce qui concerne Châtellerault le cas est spécial. La ville de Châtellerault a un marché le dimanche. Loudun et Neuville aussi d'ailleurs. Pour ces localités nous avons d'abord conseillé d'accorder au personnel le repos du dimanche midi au lundi midi. On semblait d'accord mais les fêtes de Noël et du premier janvier sont arrivées là-dessus. On a demandé à essayer d'un régime provisoire et M. le Préfet accorda la dérogation par roulement limitant d'ailleurs de 1 mois 1/2 à 2 mois la période provisoire. Après 2 mois l'arrêté devait être rapporté par M. Berseville (Préfet), il ne l'a pas été encore.

Mais il y a ceci de curieux c'est que beaucoup de maisons qui avaient obtenu le roulement ont préféré fermer le dimanche à midi et donner congé à leur personnel, par moitié, jusqu'au lundi matin. Elles ont renoncé tout bonnement à la dérogation qu'elles avaient d'abord demandé avec une réelle insistance.

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M. SILBERSCHMITT. - J'ai entendu, ici, des plaintes qui seraient celles des paysans, des instituteurs et des ouvriers. Les paysans seraient heureux que les magasins fussent ouverts le dimanche, les instituteurs seraient heureux que les magasins fussent ouverts le dimanche, les ouvriers seraient heureux que les magasins fussent ouverts le dimanche. Mais où a-t-on entendu formuler un tel vœu ?

A t-on reçu des demandes de paysans, d'instituteurs et d'ouvriers, tendant à l'ouverture des magasins le jour fixé par la loi pour le repos hebdomadaire des employés ?

M. LEVRIER. - J'ai entendu parler mes clients.

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M. SILBERSCHMITT. - Les instituteurs sont partisans de la fermeture le dimanche.

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M. SILBERSCHMITT. - J'affirme que l'amicale des instituteurs est partisane de la fermeture le dimanche et je le dis en connaissance de cause. Quant aux ouvriers, à qui se sont-ils plaints ?

UNE VOIX. - Mais à tout le monde.

M. SILBERSCHMITT. - Allons donc, tous les syndicats veulent la fermeture ... Pour la campagne avez-vous eu des réclamations des maires, ou même de simples citoyens ?

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M. TRIGANT-GENESTE. - Je voudrais bien que quelque chose se dégageât de notre conversation. Je voudrais bien avoir une indication qui me permît, demain, de dire à M. le Préfet, d'une façon certaine : Voici les desiterata des commerçants qui ont répondu à votre convocation, maintenant nous pouvons discuter avec les ouvriers, nous savons sur quelles bases l'entente, du côté des commerçants, est susceptible d'aboutir. ( ... )

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M. PIERRE. - Qu'on rédige une déclaration portant acceptation de la combinaison indiquée par M. le secrétaire général et qu'on la signe. Ceux qui ne voudront pas signer en seront libres.

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M. TRIGANT-GENESTE. - Messieurs, voici la déclaration qui signeront ceux d'entre vous qui le voudront, en faisant telles réserves qu'il leur plaira.

"Les négociants soussignés, réunis à la Préfecture le 18 avril 1907, acceptent le roulement mitigé, c'est-à-dire le personnel divisé en deux parties, la moitié ayant le repos le dimanche entier, l'autre moitié ayant le repos du dimanche midi au lundi midi".

M. MATHIAS. - Ce n'est pas tout à fait ce que nous avons demandé.

M. FONTENEAU. - Nous voulons 1 heure et non midi.

M. TRIGANT-GENESTE. - Mais je vous l'ai dit, ce n'est qu'un principe.

M. MATHIAS. - Si nous signons nous sommes engagés.

M. TRIGANT-GENESTE. - Mais non, ceux qui veulent 1 heure n'ont qu'à l'écrire en regard de leur signature.

 

le 15/04/2020 à 18:36

Source : L'Avenir de la Vienne

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