0522208/02/1962CHATELLERAULT
Aujourd’hui meeting d’information
Dans une lettre, le Ministre fait connaître ses décisions
Aujourd’hui, Châtellerault sera le pôle d’attraction départemental. En effet, une importante manifestation organisée par le Comité de défense de la Manufacture et par l’ensemble des syndicats, doit se tenir à partir de 16 h. 30 au Théâtre municipal. On prévoit plusieurs milliers de manifestants. En effet les manuchards ont lancé un appel à toute les formations politiques, sans exclusives, pour les inviter à ce meeting et faire connaître leur opinion.
Un défilé à travers les rues de la cité est prévu. Il partira de la Manufacture pour gagner le Théâtre municipal. Le Comité de défense a demandé aux commerçants de fermer leur magasin au passage du cortège. De son côté l’UCIA et de très nombreux groupements ont demandé à leurs adhérents de se rendre à ce meeting où une délégation des mineurs de Decazeville est également attendue.
Il apparaît certain que la RN 10 sera coupée pendant le passage du cortège.
Hier, en fin d’après-midi, les généraux Deruelle, Lacombe et Thomas, conseillers techniques au ministère des Armées étaient à Châtellerault. Ils ont été reçus à la sous-préfecture par M. Pasquier, sous-préfet, et d’autre part ont eu plusieurs contacts avec la municipalité châtelleraudaise et M. le Député Bouchet.
Une lettre du ministre
Une lettre a été adressée par M. le ministre des Armées à M. Bouchet, député de la Vienne, et M. Abelin, maire de Châtellerault. Le texte de cette missive nous a été communiqué hier soir. On le lira ci-après :
« Monsieur,
Comme suite à nos entretiens et aux conversations de M. Biros, directeur de mon cabinet, avec les organisations syndicales, je tiens à vous donner diverses précisions concernant la Manufacture de Châtellerault.
« Dans le cadre des mesures d’allègement des structures industrielles de la DESA rendues nécessaires par les profondes modifications de la politique d’armement moderne et en raison de l’obligation de procéder à la concentration des moyens industriels, trois ordres de préoccupations essentielles, en ce Châtellerault, ont dirigé mon action tant sur mes services que vis-à-vis des autres départements ministériels intéressés. :
- assurer le maintien de l’emploi de chaque ouvrier et chaque cadre de la Manufacture, en lui garantissant directement ou indirectement les avantages sociaux antérieurs ;
- implanter à Châtellerault une entreprise d’État, une société nationale ou une société d’économie mixte appartenant à une branche d’activité à extension et dans une spécialité qui ne soit pas trop éloignée des activités de la Manufacture ;
- maintenir à la Manufacture un plan de charges suffisantes pour assurer l’emploi du personnel et établir un programme très souple de passage progressif d’un certain nombre, d’ouvriers ou de cadres vers l’entreprise choisie.
« Ce sont ces trois points que je développerai dans la présente lettre.
La position ministérielle
« Vous savez comme moi, qu’une politique d’armement moderne orientée vers les engins et l’énergie atomique, rend nécessaire une modification de structure industrielle qui, auparavant, été axé principalement sur la direction des armements classiques.
« Sans abandonner pour autant ces armements, il faut admettre qu’ils doivent être réduits. Si aucune mesure n’était prise, le ministre des Armées serait inéluctablement conduit, dans quelques années, à opérer des licenciements. Pour éviter ce danger, qui conduirait au chômage des ouvriers et aurait une incidence douloureuse sur de nombreuses familles, le gouvernement a décidé de prévoir, dès maintenant dans une économie en expansion et avec un programme militaire d’armement classique encore insuffisant, une conversion destinée à assurer le relais.
« Cette conversion ne s’accompagnera d’aucun licenciement sans réemploi. Elle permettra, en effet, dans le cadre d’une entreprise où l’État est le principal actionnaire, de créer des emplois nouveaux nécessaires. D’autre part, en ce qui concerne les intérêts des travailleurs de la Manufacture, toutes dispositions seront prises pour que les nouveaux emplois comportent les mêmes avantages, tant sur le plan des salaires que des dispositions accessoires. En particulier, je m’attache à obtenir du ministre des Finances des garanties dans le domaine des pensions. D’ores et déjà, j’ai l’assurance que les droits des ouvriers âgés de 50 ans seront respectés ; indépendamment bien entendu des dispositions déjà inscrites dans les textes relatifs aux droits à pension proportionnelle après 15 ans de service.
La SFENA une promesse d’expansion
« Pour assurer la conversion d’une partie de la Manufacture, c’est-à-dire l’annexe de la Brelandière, j’ai pensé que la SFENA - société française d’équipement pour la navigation aérienne – dont l’État et les sociétés nationales Sud-Aviation, Nord-Aviation, SNECMA sont à concurrence de 98 % du capital les principaux actionnaires, offrait toutes les garanties aussi bien sur le plan technique que sur le plan social. Cette société dont les programmes dans le domaine de l’équipement aéronautique, des engins de recherches aérospatiales sont en plein développement, doit, pour réaliser ses programmes, s’installer hors de l’agglomération parisienne. Son implantation à Châtellerault est pour cette ville une promesse d’expansion très intéressante. Elle s’inscrit d’ailleurs dans le cadre de la politique de décentralisation que le gouvernement a décidée.
« Dans cette perspective je compte développer l’École d’apprentissage et des accords pourront être conclus avec la SFENA et avec d’autres industriels pour assurer la formation d’un plus grand nombre d’apprentis. Je mets également à l’étude avec le ministre du Travail un développement du nombre des sections de formation professionnelle des adultes.
Les programmes
« En ce qui concerne enfin le programme des travaux de la Manufacture, j’insiste sur le fait qu’il n’est pas question de retirer à cette Manufacture les programmes actuels concernant l’E.N.T.A.C., l’arme automatique et la rénovation des moteurs Hercules. Tel qu’il est ce programme assure une charge de travail de trois ans avec un effectif qui fléchit lentement. Certains ont exprimé la crainte de voir la SFENA embaucher les techniciens et tous les éléments jeunes de la Manufacture ce qui aurait pour effet de désorganiser totalement l’activité de la Manufacture.
« Ce souci a été le mien et j’ai donné toutes instructions pour que les opérations d’embauchage se fassent en étroite liaison entre la SFENA et la direction de la Manufacture. Le délai précité de trois ans permettra aux services techniques d’examiner les programmes futurs et de choisir les orientations définitives.
Un délégué assurera la liaison
« Toutes les questions évoquées ci-dessus nécessitent très certainement d’autres commentaires, d’autres indications. C’est pourquoi un représentant du délégué de la Manufacture pour l’armement assurera désormais à Châtellerault la liaison indispensable avec les parlementaires, les autorités administratives du département et les organisations syndicales. Il sera en contact constant avec la délégation ministérielle pour l’armement et il pourra me soumettre personnellement toutes les difficultés administratives et sociales que pose une conversion.
« Les précisions données dans la présente lettre vous permettront de constater que la conversion de l’annexe de la Brelandière a été sérieusement étudiée, qu’elle constituera une opération cohérente s’inscrivant dans le cadre de l’évolution des techniques et qu’elle sera réalisée avec le souci essentiel de tenir compte des facteurs humains.
« Je précise qu’il n’est question pour le moment que de la Brelandière. A l’égard de l’établissement principal, une nouvelle étape de conversion ne sera évoquée que lorsque le travail préparatoire aura été mis au point, c’est-à-dire après règlement effectif de tous les problèmes qui s’y rattachent.
Veuillez agréer, Monsieur… l’expression de ma considération distinguée.
P. Messmer
le 15/12/2021 à 13:57
Source : Centre Presse
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