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0053621/10/1907POITIERS

LES AGENTS DES POSTES - Meeting

Hier, à 2 h. de l'après-midi, à l'Hôtel de ville (salle des Orphéons), les agents des Postes, Télégraphes et Téléphones de Poitiers ont tenu un meeting de protestation contre la circulaire de M. Symian, sous-secrétaire d'État aux Postes et Télégraphes, modifiant les conditions d'avancement des agents des P.T.T. en décidant la répartition de ces agents, en nombre égal, dans les trois catégories : choix, demi-choix et ancienneté.

La séance est ouverte à 2 h 45 sous la présidence de M. Provost, assisté de Mle Bougeon et de M. Pillot avec, comme secrétaire, M. Jamet.

Nous remarquons dans l'assistance la présence de MM. le Dr Cibiel, député ; Duplantier, avocat, président de la section poitevine des Droits de l'homme ; Georgel, avocat ; Limousin, secrétaire général de la Bourse du Travail ; etc.

M. Artus, l'actif et intelligent secrétaire du groupe poitevin des P.T.T. donne lecture des lettres d'excuse (...). M. Artus prononce ensuite le discours suivant :

Discours de M. Artus.

Camarades,

La réunion d'aujourd'hui a pour objet d'examiner la situation faite au personnel par la récente circulaire de M. Symian sur l'avancement des agents des services extérieurs et de discuter la décision qu'il conviendra de prendre.

A la suite de l'apparition de ce document administratif une émotion considérable s'est manifestée chez le personnel des P.T.T. qui a reconnu immédiatement le danger pouvant résulter de l'application de cette nouvelle réglementation pour l'avenir d'un grand nombre d'entre nous.

Avant d'entreprendre de discuter les raisons qui ont pu déterminer le gouvernement à appliquer aux agents des Postes une mesure devant les conséquences de laquelle on avait toujours reculé jusqu'à ce jour, il conviendra de rappeler brièvement qu'elle était, au point de vue de l'avancement, la situation du personnel des services d'exploitation.

Depuis l'établissement des tableaux de classes et de grades, c'est-à-dire depuis une quinzaine d'années, les promotions se sont faites d'une façon normale et automatique.

Suivant sa valeur professionnelle et les garanties morales d'un agent, celui-ci passait au choix, demi-choix ou à l'ancienneté. Ce fut un véritable roulement dans le personnel des Postes de voir réglementer d'une façon précise les droits de chacun.

Jusqu'à ces derniers temps les titres d'un agent étaient examinés par une commission départementale statuant sur les notes données par le chef immédiat et décidant si le-dit agent devait être promu au choix, demi-choix ou à l'ancienneté.

Aucune autre préoccupation que celle de la valeur de l'agent ne devait influer sur la décision à intervenir. Les derniers tableaux d'avancement accusent une proposition de 66 %, environ, d'agents dignes de passer au choix, c'est à dire avec une bonification de 6 mois sur l'ancienneté réelle. Ces résultats dénotent de la valeur du personnel d'exploitation et, s'il était besoin d'en obtenir une nouvelle confirmation, nous irions la chercher dans les témoignages officiels de satisfaction décernés par le Ministre à ses subordonnés quand un événement quelconque réclame des agents une somme de travail plus considérable que celle à laquelle ils sont ordinairement astreints. Nous nous trouvons donc, avec la réglementation nouvelle, dans la situation paradoxale suivante : un Ministre ayant dans son administration un trop grand nombre d'agents d'une valeur professionnelle supérieure. Et c'est à cet ordre des choses répondant si bien à toutes les exigences de la justice et de l'équité, qu'on substitue un régime laissant la porte ouverte à l'arbitraire le plus dangereux.

Quels sont, en effet, les points principaux de la circulaire de juillet dernier :

1°) Tendance générale des chefs à traduire par des côtes de plus en plus élevées leur appréciation sur le travail et la valeur de leurs subordonnés.

2°) Avancement, par parties à peu près égales, au choix, demi-choix et à l'ancienneté.

3°) La côte de proposition à l'avancement doit être l'expression de l'examen de l'ensemble du dossier de l'agent. Mais ce qui n'est pas dit, ce qui n'est pas écrit, c'est qu'il faut que les dépenses occasionnées par les avancements soient réduites, c'est le but à atteindre.

Nous sommes tous partisans des économies en matière budgétaire mais est-il juste, est-il logique d'opérer celles-ci en troublant et en rognant sur les salaires des plus humbles ?

Les notes d'un agent sont sa propriété. Tant qu'il n'a pas démérité elles ne peuvent être diminuées car elles sont le résultat de toute une vie de dévouement à la chose publique, d'un travail opiniâtre, fatiguant, effectué souvent dans des locaux malsains, elles sont aussi l'appréciation du chef immédiat qui, lui, connaît bien son personnel et le voit à l'œuvre.

Ne pas accorder à un employé ce à quoi il a droit par ses notes anciennes, diminuer celles-ci sous le prétexte d'économiser les deniers de l'État, ce serait le frustrer et méconnaître un droit incontestable.

Nos dirigeants s'étonnent de la proposition si élevée des agents passant au choix. L'explication est fort simple. Les statistiques ont démontré que le trafic des Postes, des Télégraphes et des Téléphones ont augmenté depuis une quinzaine d'années dans une proportion dépassant 100 % . D'autre part le nombre des agents qui, logiquement, aurait dû suivre cette progression ascendante, n'a été renforcé que de 10 % environ.

.../...

Et cette réforme se produit à quel moment ?

Au moment même où le surmenage atteint, dans notre administration, des limites excessives. Où les lois sur le repos hebdomadaire et les accidents ne sont pas encore appliquées. Où le travail intensif auquel est soumis le personnel en fait un champ de culture très approprié pour la tuberculose.

Mais ces économies que nous reconnaissons nécessaires, indispensables, ne peuvent-elles donc se faire ailleurs ? La réserve que nous impose notre qualité de fonctionnaire ne nous autorise pas à citer des faits précis.

Les journaux, qui n'ont pas les mêmes raisons de se taire, ne nous apportent-ils pas souvent les échos de quelques scandales qui dénotent bien que tout n'est pas pour le mieux dans cette administration que l'Europe nous envie.

.../...

Nous demandons donc instamment aux membres du Parlement de bien vouloir, à cette heure où nos intérêts sont si gravement compromis, élever leur voix en notre faveur.

.../...

M. Provost remercie MM. Cibiel et Duplantier et, après quelques mots de M. Roux, facteur-chef, le dévoué président met aux voix l'ordre du jour suivant :

Le personnel agents, sous-agents et ouvriers des lignes télégraphiques du département de la Vienne, réuni en assemblée extraordinaire le dimanche 20 octobre 1907, à Poitiers, salle des Orphéons, dans le but d'examiner la situation faite au personnel de toutes catégories par les instructions récentes de M. Symian sur l'avancement. Considérant que ces instructions ont pour effet d'aboutir, pour un grand nombre, à la suppression pure et simple des notes justement acquises ;

Que la circulaire de juillet dernier ne peut être appliquée d'une façon logique sans méconnaître des droits incontestables ;

Que les propositions fixées par la dite circulaire, en limitant le nombre des agents devant être portés au choix ou au demi-choix, créeront des inégalités flagrantes dans le personnel d'un même bureau ;

Émet le vœu que les instructions de juillet relatives à l'avancement soient rapportées et que toute latitude soit laissée aux commissions de classement par l'établissement des tableaux annuels.

Il prie instamment les élus au Parlement de faire, dans ce sens, des démarches auprès de M. Symian.

Cet ordre du jour est voté à l'unanimité et la séance est levée à 4 heures.

 

 

le 16/04/2020 à 18:38

Source : L'Avenir de la Vienne

poste, PTT, assemblée générale, réunion

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