0580027/08/1964CIVRAY
Les ouvriers font la grève pour répondre à une menace de licenciement qu’entraîne la réorganisation de l’entreprise
Depuis plusieurs mois le malaise couvait à Civray et les bruits les plus divers circulaient à propos de l’avenir de la Société des Constructions Métalliques.
Or, un évènement important s’est produit dans la journée d’hier, car on apprenait tout à coup, en début d’après-midi, que les 80 ouvriers avaient décidé de se mettre en grève à l’annonce de nouveaux licenciements.
Déjà 30 ouvriers ont été licenciés au 30 mai, 16 le seront le 24 septembre prochain.
25 nouveaux licenciements sont à craindre. Un piquet de grève se forma à l’entrée de l’usine et les ateliers cessèrent de fonctionner.
Des entrevues eurent lieu. Elles n’apportèrent aucun élément nouveau et hier soir les ouvriers décidaient la poursuite de la grève.
Ils se rendront aujourd’hui à Poitiers où ils demanderont audience à l’Inspection du Travail et sans doute à la Préfecture.
« Une regrettable affaire » déclare le docteur Guillard
« Cette grève est regrettable et inopportune » nous a déclaré le docteur Guillard, président du Conseil d’administration de l’entreprise, maire de Civray.
« Elle arrive au lendemain d’accords qui venaient de sauver l’usine que nous réorganisons avec le concours de M. Nicou, de Jaunay-Clan.
« Nous avons un programme de travail précis et nous avons pris des dispositions en ce sens. Il est apparu que, dans le cadre de cette réorganisation, nous devions nous priver des services de 25 ouvriers.
« Or, je tiens à préciser que ce chiffre n’est pas définitif, il peut être beaucoup moins important.
« Quelles seront les personnes qui figureront sur cette liste, nous ne pouvons pas le dire, nous ne le savons pas nous même.
« Les délégués syndicaux nous ont demandé de leur communiquer cette liste. Or, nous ne la connaissons pas, je viens de vous le dire. Ils sont en grève pour cette raison. De toutes façons l’usine sera sauvée ».
« L’usine va repartir sur des bases nouvelles »
Cette déclaration, c’est M. Pallier, directeur technico-commercial, qui nous l’a faite hier soir avant de recevoir une délégation du Comité d’Entreprise. Et il ajoute : « La situation est réglée depuis hier, ce n’était pas le jour pour déclencher un tel mouvement ».
« Situation inacceptable disent les ouvriers »
Or hier soir, la grève se poursuivait et de prolongera aujourd’hui.
Dès le début de l’après-midi M. Tinard, délégué du personnel, nous remettait le texte suivant qui définit la position des ouvriers :
« L’ensemble du personnel du CMC a engagé un mouvement revendicatif contre les licenciements répétés qui se produisent à l’entreprise. Unis dans l’action qu’ils mènent, les travailleurs entendent y rester et ne veulent pas faire les frais d’une certaine réorganisation qui ne peut être bénéfique qu’à une partie dirigeante.
D’autre part, les travailleurs resteront fermes dans leurs revendications et sont en même temps susceptibles d’en poser d’autres qui ne pourront que profiter à l’entreprise ».
En fin de soirée, M. Tinard devait nous confirmer cette position à l’issue d’une entrevue qu’une délégation qu’il conduisait avait eu avec M. Bonnet, directeur et Pallier.
« C’est tout le monde ou personne, disent les délégués. 30 de nos collègues ont été licenciés fin mai, 16 le seront le 24 septembre… Si nous devons encore en voir partir 25, on ferait mieux de nous dire d’aller tous chercher du travail ailleurs.
« Or, poursuivent les délégués, il n’y a aucun débouché à Civray ».
Une réorganisation totale de l’entreprise
Cette réorganisation de l’entreprise au sujet de laquelle les employés désirent des renseignements, avait fait l’objet d’une information qui fut communiquée au personnel le 27 juillet dernier.
Elle priait les membres du personnel de prendre connaissance du texte d’une lettre qui devait être adressée à la direction. Le personnel était invité à solliciter auprès du nouvel employeur, une demande d’embauche, étant entendu qu’à défaut de cette demande, aucune candidature ne pourra être retenue.
Les ouvriers, désireux de préciser leurs positions, ont tous adressé le texte suivant à la direction :
« J’ai bien pris connaissance de la note d’information communiquée au personnel et du projet de lette à vous faire parvenir.
« Il résulte des dispositions du Code du Travail que si l’entreprise passe aux mains d’une nouvelle direction, cette dernière doit assurer la continuité des contrats en cours (qu’ils soient écrits ou de faits) ou à la précédente de les annuler suivant ces mêmes dispositions (art. 23 du Livre premier).
« En conséquence, étant employé des Constructions Métalliques de Civray, je n’ai pas de candidature à formuler auprès d’un éventuel nouvel employeur et puis vous assurer, pour votre gouverne personnelle, de ma collaboration dans l’avenir ».
La situation en était là hier soir. Il ne s’agit et sur ce point tout le monde est d’accord, ni d’une revendication de salaire, ni d’une action syndicale, mais d’une prise de position de tous les ouvriers en face d’un problème bien particulier :
La réorganisation de leur usine que ses dirigeants tentent de sauver et au sujet de laquelle ils demandent des précisions.
Aujourd’hui la grève se poursuivra et la délégation sera à Poitiers vers 10 heures.
Photo : Les ouvriers grévistes
le 13/02/2022 à 16:28
Source : Centre Presse
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