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120 ouvriers poitevins, 30 à Iteuil et 90 à Buxeuil attendent dans l’angoisse le jugement que doit rendre jeudi le Tribunal de Tours

L’inquiétude s’est installée au foyer de quarante familles d’Iteuil, Andillé et Ligugé depuis que l’usine de cartonnerie de Papault, appartenant à M. Ménigault, risque de fermer ses portes à la suite de difficultés financières qui touchent trois autres usines du même groupe à Balesme (I.-et-L.), Saint-Junien (Hte-Vienne) et Maqueteau (Hte-Vienne).

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Dépôt de bilan

Tandis que les délégués du personnel se réunissaient à Saint-Junien pour écouter M. Gauthier, le directeur, on apprenait qu’hier matin, M. Ménigault à 11 heures, avait déposé au greffe du tribunal de commerce de Tours, le bilan de la société.

Dans le courant de l’après-midi, deux administrateurs étaient nommés. Il s’agit de MM. Chos et Valentin. Ceux-ci, se substituant aux directeurs respectifs, administreront les affaires du groupe.

La situation à Iteuil et Buxeuil

A Papault, l’usine tourne, malgré un climat social assez tendu. Les quarante ouvriers de l’usine sont inquiets à double titre. D’une part, ils ne savent pas quand ils recevront leur paie, celle-ci aurait dû être payée le 5 juin dernier. D’autre part, ils ne savent pas ce que leur réserve l’avenir.

Devant de telles incertitudes il est concevable que d’aucuns se posent des questions.

Le non-paiement des salaires a entraîné une gêne compréhensible au sein des familles où, pour beaucoup d’entre elles, le salaire du chef de famille représente l’unique revenu. Quelques ouvriers ont, de ce fait, quitté l’usine pour travailler ailleurs.

Il y a aussi ceux qui habitent les logements de l’entreprise et qui se posent la question de savoir quelle sera leur situation en cas de fermeture de la papeterie.

Il y a ceux qui espèrent et souhaitent que le travail continue comme par le passé.

La direction de Papault, pour sa part, essaie d’apaiser au maximum l’inquiétude légitime du personnel.

Aujourd’hui, à 10 heures, à la mairie d’Iteuil, se déroulera une réunion d’information syndicale, à laquelle participera l’UD CGT et les délégués syndicaux de St-Junien. Au cours de cette réunion seront vraisemblablement étudiés les droits du personnel devant une telle situation.

En outre il faut signaler que la Caisse l’Allocations familiales de la Vienne a accéléré le paiement des prestations aux familles.

A Buxeuil, la situation est identique dans 90 familles dont les responsables sont employés en Indre-et-Loire et attendent, eux aussi, dans l’anxiété.

Jeudi, le tribunal de commerce de Tours statuera en audience extraordinaire et rendra son jugement. En outre, la direction générale a déclaré que les ouvriers seront payés en fin de semaine. La même promesse a été faite aux ouvriers de St-Junien.

La municipalité d’Iteuil a adopté un vœu pour venir en aide aux familles éventuellement touchées par une mesure de licenciement. M. Manteau, maire, a promis à la direction de Papault de rechercher les emplois nécessaires.

L’Inspection de la Main-d’œuvre, pour sa part, saisie de la situation à Iteuil et Buxeuil, est prête à prendre en main les dossiers des personnes intéressées.

A l’usine de Saint-Junien, hier, une importante réunion s’est tenue au cours de laquelle le directeur commercial a exposé la situation au personnel. Celui-ci, par un vote à bulletin secret, a décidé de poursuivre le travail jusqu’à vendredi soir, date à laquelle les salaires devraient être payés.

Le directeur commercial, M. Roger Ménigault, avait déclaré notamment :
Nous avons dû refuser des commandes, tous nos carnets sont pleins. Un arrêt de travail serait catastrophique pour l’entreprise.

Répondant à la question : « Ce dépôt de bilan annonce-t-il la fermeture des usines ? », le directeur commercial de Saint-Junien a répondu :
- Non pas ! Il est bien évident que les décisions qui sont à prendre ne sont plus désormais du ressort de MM. Ménigault et Bernard mais des deux administrateurs qui viennent d’être nommés à Tours. Les opérations financières amorcées et bloquées en raison de l’attitude du ministère des Finances, devraient se poursuivre. Un groupe suédois a, lui aussi, été contacté. Mais il apparaît que si le groupe américain a déjà versé à la banque Morgan une somme d’un milliard et demi de nos anciens francs (somme bloquée actuellement), c’est qu’il caressait l’espoir d’une grande réussite industrielle. Notre affaire est excellente, surtout dans le département « carton ondulé ». Rien ne dit qu’elle doive disparaître à la faveur de difficultés très graves sans doute, mais non insurmontables.

M. Gautier avait précisé également :
Il faut considérer que le malaise, aggravé chez nous, est commun à toute l’industrie du cartonnage. L’opération envisagée par MM. Ménigault et Bertrand d’une association avec des capitaux américains n’est pas nouvelle dans la corporation. De très importantes papeteries et cartonneries françaises ont dû faire appel aux mêmes capitaux.

Et de citer de nombreux exemples, en ajoutant :
Cela traduit bien la situation difficile de notre industrie qui ne peut maintenir ses prix compétitifs sur le marché européen qu’à la condition d’un équipement technique très onéreux, permettant par la productivité, d’abaisser les prix de revient, puisque toute intervention sur les prix de vente est impossible.

La direction des Établissements Ménigault a voulu réussir une telle opération en recherchant des partenaires américains, en l’occurrence le groupe papetier américain « Weyerhauser » de Tocoma.

A Saint-Junien, l’opinion qu’on manifeste sur la dégradation de la situation est sensiblement différente de celle exprimée par les dirigeants de l’entreprise, les collaborateurs les plus proches de la direction et qui sont en majorité de très anciens employés de la maison déclarent :
- Le département « Carton ondulé » a toujours très bien marché. L’entreprise Ménigault, avant l’acquisition de l’usine de Balesmes en Indre-et-Loire, était l’une des plus florissantes de notre région. Mais l’achat de l’usine d’Indre-et-Loire a été une mauvaise opération.