0058902/10/1908POITIERS
A la veille du congrès de Marseille la Bourse du Travail adresse un rapport à la Municipalité de Poitiers. Les syndicats de Poitiers évitent de se prononcer sur les questions les plus brûlantes.
Le Comité de la Bourse du Travail vient d'adresser à M. le Maire et à MM. les Conseillers municipaux de Poitiers un long rapport dont nous reproduisons, ci-après les passages essentiels.
Après avoir déclaré que depuis sa fondation la Bourse du Travail s'est efforcée de suivre le but pour lequel elle a été créée (fournir aux ouvriers le moyen de se procurer du travail et leur permettre d'augmenter leur situation professionnelle et leur éducation), le Comité ajoute :
A cette tâche nous ne croyons pas avoir failli, les tableaux de placement, que nous annexons à ce rapport et dont les chiffres ont été contrôlés avec soin, vous permettrons d'en juger ; les expositions annuelles de nos jeunes élèves des cours professionnels, que vous avez tous pu apprécier, vous ont montré l'utilité de nos cours et le dévouement et l'activité des professeurs.
Les conférences éducatives, organisées avec le concours de la Ligue de l'enseignement, ont toujours eu le caractère scientifique et littéraire, comme il convient pour l'enseignement d'ouvriers, de même les cours d'hygiène, de législation ouvrière, ainsi que les diverses conférences éducatives qui ont porté sur un grand nombre de sujet, l'histoire, la géographie et contre l'alcoolisme.
Le Comité indique ensuite dans quelles conditions fonctionne la Bourse du Travail et publie la liste des syndicats adhérents à la date du 31 août 1908. Ces syndicats sont complètement autonomes. Puis, après avoir établi le budget de la Bourse, le Comité consacre les lignes suivantes aux « congrès et conférences des Bourses du Travail ». "La tenue des divers congrès et les commentaires qui ont été faits de leurs résolutions nous font un devoir de nous expliquer très catégoriquement sur ce sujet. En dehors des congrès corporatifs ou d'industries, où les syndicats peuvent se faire représenter tous les deux ans, il se tient un congrès général des syndicats ouvriers. Seuls les syndicats peuvent y être représenter par des mandataires de leur choix, sans que la Bourse ait à intervenir. Par l'harmonie qui règne entre les divers syndicats de Poitiers les délégués furent choisis d'un commun accord et le secrétaire qui représentait la Bourse du Travail à la conférence des Bourses du Travail représenta les syndicats au congrès corporatif qui se tient dans la même ville que la conférence, ceci pour assurer surtout l'homogénéité dans les divers votes et conformes aux sentiments des travailleurs poitevins.
"Cette année, les charges de la Bourse augmentant, les frais que nécessite le voyage n'auraient pu être qu'au détriment des autres services. Le Comité de la Bourse du Travail, représentant tous les syndicats ouvriers, a dû demander une subvention au Conseil municipal pour que les travailleurs poitevins puissent être représentés dignement à ces assises du travail.
"La conférence des Bourses du Travail a la plus grande importance et est de la plus grande utilité au point de vue administratif car, en dehors des questions théoriques, il se traite des questions pratiques, du travail pour le placement, les cours professionnels, les statistiques et autres questions intéressant le monde du travail et absolument indispensables pour le bon fonctionnement des organisations ouvrières.
Dans la première partie du rapport le Comité fait connaître les résolutions concernant les questions à l'ordre du jour du congrès corporatif de Marseille, adoptées par les syndicats ouvriers de Poitiers dans leur réunion du 19 septembre.
Nous n'indiquerons que les plus intéressantes.
- Augmentation de la cotisation. Les charges pesant sur les syndicats étant déjà assez lourdes, les syndicats se refusent à toute augmentation, acceptent le timbre confédéral.
- Caisse confédérale de grève. Ces caisses ne peuvent être créées que par les fédérations de métier ou d'industrie. Au titre confédéral elles ne pourraient être qu'un leurre pour les jeunes syndicats qui, trop facilement, se mettraient en grève, escomptant ce secours aléatoire.
- Journal quotidien. Un journal quotidien syndicaliste ne pourrait vivre, inutile de le créer.
- Représentation proportionnelle. Tous les syndicats poitevins acceptent la représentation proportionnelle qui, seule, pourra assurer aux travailleurs syndiqués une action conforme à leurs intérêts.
- Antimilitarisme. Les syndicats ouvriers poitevins considèrent qu'il est du devoir de chaque ouvrier allant à l'armée de ne pas méconnaître ses intérêts de classe et ses origines en se servant de ses armes contre les ouvriers en grève.
Que si les syndicats ont le devoir de le rappeler à leurs membres syndiqués par les moyens à leur portée, sans oublier la caisse du sou du soldat, ce devoir dépasserait le but en se transformant en plateforme de l'action corporative; ils déclarent que l'antimilitarisme constituant, au même titre que l'antipatriotisme, l'antiparlementarisme, l'anticléricalisme, une question extra syndicale n'ayant par conséquent rien à voir avec les questions d'ordre professionnel ou corporatif; pour ces raisons laissent ces questions à la discussion des groupes d'ordre politique ou philosophique.
- Accident du travail, assurance par l'État. Les syndicats de Poitiers protestent contre les manœuvres des compagnies d'assurances accident tendant à retirer les avantages aux travailleurs que leur alloue, d'une façon d'ailleurs mesquine, la loi sur les accidents du travail votée en 1908 et, notamment, le libre choix du médecin. Les syndicats estiment en outre que le meilleur moyen de mettre un terme aux agissements des compagnies, fondées exclusivement pour distribuer des bénéfices à leurs actionnaires, est dans la reprise par l'État du service assurance.
- Le lock-out, attitude et moyens à prendre. Les syndicats poitevins, considérant qu'il importe de se prémunir contre l'éventualité des locks-out patronaux, décident que les travailleurs ont pour devoir de s'organiser de plus en plus, de renforcer leurs syndicats par l'application des bases multiples pour pouvoir, en cas de lock-out, pratiquer l'exode des enfants des ouvriers, le fonctionnement des soupes communistes et le moyen de pouvoir faire des levées obligatoires parmi les travailleurs syndiqués non atteints par le lock-out en faveur des ouvriers lock-outés.
- De l'éventualité d'une proposition de grève générale. Malgré que cette question ne figure pas à l'ordre du jour du congrès de Marseille, en présence des évènements qui viennent de se passer, certains syndicats pourraient, dédaignant les leçons du passé, soumettre cette question à la discussion des délégués. Les syndicats ouvriers de Poitiers, considérant qu'en l'état actuel de l'organisation des travailleurs et de la crise intense qui sévit dans bon nombre d'industries tout mouvement, non seulement de grève générale mais même de grève généralisée, constituerait une faute de tactique et, qui plus est, une maladresse inconcevable ; qu'une pareille action pourrait détruire nos organisations réalisées avec tant de peine jusqu'à présent ;
Déclarent que continuer à éduquer et à recruter dans les rangs des syndicats les travailleurs non organisés est la seule besogne que peuvent répondre de faire des militants ; que pour ces raisons ils refusent à se prononcer autrement sur une hypothèse comme celle formulée par divers syndicats ; demandent au congrès de Marseille de passer à l'ordre du jour.
- Attitude de la classe ouvrière en temps de guerre. Les syndicats de Poitiers, considérant que les guerres de peuple à peuple constituent les plus terribles fléaux que peuvent redouter, non seulement les nations civilisées, mais encore plus particulièrement la classe ouvrière; que toujours vainqueurs ou vaincus c'est la classe ouvrière qui supporte la majeur partie des frais en or et en sang ; que si les moyens de conjurer la guerre ne dépendent pas de directement du prolétariat organisé mais du Parlement, il y a cependant une action préservatrice à préconiser ;
Ils déclarent :
Que les ouvriers organisés, tant dans leurs syndicats que dans leurs fédérations, par leurs conférences, meetings, congrès nationaux ou internationaux, par leurs écrits, journaux, brochures, etc..., doivent affirmer une saine horreur de la guerre et des luttes fratricides.
En outre que, dans le cas où la guerre viendrait quand même à se déclarer déterminant très probablement l'arrêt de la vie économique et par conséquent un chômage général, la pression extérieure des ouvriers restés dans l'organisation devra s'exercer sur le gouvernement pour obtenir que la paix soit conclue le plus rapidement possible et que soient prises des mesures pour l'affranchissement des travailleurs.
Décident que tous les syndiqués sont invités à agir dans leurs milieux pour réaliser ces différents points de vue.
- Diminution des heures de travail. Les syndicats ouvriers de Poitiers, considérant que les longues journées de travail amènent graduellement la diminution des salaires ; que les longues journées de travail entravent l'éducation des travailleurs ; que pour ces multiples raisons il y a un intérêt social à continuer les campagnes décidées au congrès de Bourges pour la réduction des heures de travail; en attendant cette mise en application il y a lieu, de la part des syndicats ouvriers, de surveiller l'application stricte des lois existantes sur la réglementation du travail.
le 19/04/2020 à 15:29
Source : L'Avenir de la Vienne
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