0613106/09/1966POITIERS
Dominant la vallée, elle faisait partie du décor. Derrière le haut et solide mur qui surplombe le boulevard François-Albert, une usine disparaît. C’est l’usine à Gaz dont nous indiquions dans notre édition de vendredi, qu’elle serait livrée au pic des démolisseurs. Or, l’histoire de l’usine à gaz est liée à l’histoire de Poitiers. Après elle, sera tournée une page du confort et de l’économie. Une page faite aussi de souvenirs et d’anecdotes pittoresques et piquantes. Celle de l’éclairage de Blossac : 71 candélabres (becs de gaz) qui avaient coûté 32.000 francs en 1905, celle de la transformation de l’éclairage de la Place d’Armes la même année, car quelques années plus tôt on allumait encore les réverbères comme au bon vieux temps. Un temps qui a précédé de quelques années l’éclairage au pétrole.
L’usine est plus que centenaire. Elle fut construite en 1844, mais à cette époque, seuls quelques dizaines de privilégiés étaient raccordés au réseau naissant. Ils sont aujourd’hui 14.000.
Plus que centenaire
Dès lors les grandes dates de l’histoire de l’usine s’échelonnent.
• 1874 ; construction du premier gazomètre (2.000 mètres cubes) puis de la grande cheminée.
• 1884 ; transformation d’une cuve du gazomètre en cuve à goudron.
• 1901 ; construction du gazomètre de 6.000 mètres cubes. Coût : 120.000 francs (déjà !).
• 1928 ; construction des fours actuels.
• 1962 ; extinction de l’usine.
A côté de ces grandes dates, que des petits faits qui, placés dans le contexte de l’époque, suivent l’histoire.
Ainsi le manque de charbon du 3 au 12 décembre 1919 eut pour conséquence l’arrêt de l’usine qui, l’année précédente, avait distillé 21 tonnes de bois.
De même en 1944, l’usine cessa toute activité pour cette même raison, à quoi s’ajoutait la fréquence des bombardements et le risque encouru.
Des chiffres
Dans le domaine de la production, voici quelques chiffres comparatifs :
Gaz fabriqué en 1901 : 2 millions de mètres cubes par an contre 9 millions en 1965, année où furent distillées 13.800 tonnes de charbon. Le réseau comptait 72 kilomètres de canalisations en 1932, 123 en 1962, 151 en 1965.
A ces dates d’autres s’ajoutent, mais elles ne concernent que les spécialistes. Par exemple cet essai en 1920 de distillation de 87 tonnes de sapin et de 10 tonnes de lignite ; ou l’installation en 1956 de deux lignes de fours pour crackage de propane.
Voici, tracé dans ses grandes lignes, l’historique de cette usine poitevine qui disparaît progressivement sous les coups des démolisseurs.
Les cheminées
Bientôt, les deux grandes cheminées auront disparu. Peut-être avec elles s’évanouiront quelques charmants souvenirs d’enfants. Qui sait, en effet, si certain jour de décembre, le fils ou la fille du concierge n’eut pas l’idée de poser à leurs pieds leurs petits souliers obligeant le Père Noël à une longue, une très longue descente de 70 mètres.
Il est vrai que l’on ne croit plus guère au Père Noël à l’époque du gaz de Lacq !
le 12/04/2022 à 13:10
Source : Centre Presse
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