0630409/05/1967POITIERS
Il y a quelques jours, dans les salons de la brasserie du Jet d’Eau, l’UD CFDT, le SGEN et le Syndicat CFDT des cadres présentaient une conférence de François Lagandré, membre du Conseil Économique et Social et dirigeant de la CFDT.
Le conférencier traitait du « Marché commun et concentration des entreprises », sujet sur lequel il avait récemment fait au Conseil Économique et Social un rapport important et remarqué.
M. Louis Girard, professeur au Lycée de Poitiers et secrétaire général de l’UD CFDT de la Vienne, présente d’abord le conférencier aux 80 personnes présentes. Ingénieur des Mines, M. Lagandré est passé des Houillères à l’organisation du district de Paris et à de hautes responsabilités syndicales.
Le conférencier, dans un exposé nourri et solidement documenté, s’attache d’abord à démontrer que dans la compétition qui va devenir de plus en plus rude entre les entreprises, la France est mal armée au départ : la taille des grosses entreprises françaises est en moyenne deux fois moindre que celles des principales entreprises allemandes et est très faible par rapport aux énormes sociétés américaines. La General Motors a un budget égal à celui de la France ; et elle ferait encore 5 milliards de bénéfices en distribuant gratuitement pendant une année toute la production d’Opel (qu’elle possède).
M. Lagandré passe en revue les avantages et les inconvénients de la concentration. A long terme la grosse entreprise est plus durable que la moyenne (d’où sécurité d’emploi) ; l’implantation syndicale y est plus facile et les salaires y sont plus élevés qu’ailleurs ; l’entretien d'un service de recherches important y est possible. Le renouvellement du matériel et les techniques y est plus aisé, encore qu'il faille éviter la routine ; le convertisseur à oxygène a été inventé, en Autriche, où la sidérurgie est faible. A court terme, il y a donc des inconvénients à la concentration : licenciements possibles, déplacements de la main-d’œuvre.
Tout bien pesé, M. Lagandré pense que le syndicalisme ne doit pas dire non à la concentration mais doit veiller à ce qu’elle soit réfléchie, préparée, discutée, ce qui suppose un syndicalisme fort et respecté. Il remarque qu'il y a peu de concentration entre entreprises européennes et s’inquiète de la main-mise du capitalisme américain sur nombre d’industries européennes, cette politique étant celle de la facilité.
De nombreuses questions furent posées au conférencier en particulier par M. J-F Vidal (quels sont les pouvoirs de l’État en matière de concentration d’entreprises ?), par Me Mistouflet (la concentration en régime socialiste). M. le doyen René Savatier, dans une intervention très remarquée, s’inquiète du peu de fusion entre entreprises européennes et explique comment la Cour de Justice européenne a été amenée à interdire certaines fusions.
M. François Lagandré termine en souhaitant que l’Europe ne s’engage pas sur la voie du capitalisme américain, société de consommation qui néglige délibérément les équipements culturels pour chercher d'abord le profit ; faisant part des observations qu’il a pu faire en URSS, il indique les « bavures », mais aussi les réussites de la planification soviétique. Il estime que la concentration des entreprises doit pouvoir se faire à l’échelle européenne, à condition qu’elle procède d’une véritable volonté politique.
le 11/05/2022 à 17:55
Source : Centre Presse
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