0062302/07/1909POITIERS
Le 2 juin, à deux heures, la Chambre de commerce de Poitiers s'est réunie au lieu ordinaire de ses séances, sous la présidence de M. Servant, président, sénateur de la Vienne.
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Puis M. Servant, comme président de la Commission chargée d'examiner le rapport de M. Meunier, prie celui-ci de donner lecture à l'assemblée du dit rapport.
Messieurs,
Ainsi que je vous en avais pressentis, dans notre séance du 3 avril, vous allez être appelés à discuter de la suppression du travail de nuit en boulangerie et, conséquemment, à donner votre opinion sur la proposition de MM. Godart, Bender, Dumont, Fort et Colliard, déposée le 24 février dernier sur le bureau de la Chambre des Députés et dont je vous avais donné lecture avant de soumettre à votre examen le rapport que j'ai établi contre cette proposition.
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A l'exposé des dispositions du projet de loi de MM. Godart et consorts on aperçoit immédiatement la pensée généreuse du législateur qui s'émeut, à juste titre, de la situation exceptionnelle des ouvriers boulangers en général, mais surtout du mouvement vers lequel la fièvre de la concurrence conduit de plus en plus la corporation toute entière.
Sans doute l'élément ouvrier souffre de ce que, partout, un peu, l'ambition de quelques patrons intransigeants entraîne leurs collègues à obliger le personnel de commencer de plus en plus tôt.
Et, en effet, l'heure normale de l'ouverture des fournils, qui était autrefois entre minuit et une heure, est-elle amenée, aujourd'hui, de dix à onze heures et même, dans quelques boulangeries, entre six heures et huit heures du soir interdisant alors à l'ouvrier boulanger l'accès de presque tous les divertissements et de toutes les soirées en famille (paria parmi les autres ouvriers qui, tout au moins, peuvent en profiter).
Il y a donc là un véritable abus de liberté dont le législateur ne saurait se désintéresser si l'ouvrier n'était armé pour se défendre. Mais alors parce que l'ouvrier négligerait ses droits sera-t-il donc nécessaire d'établir bientôt la réglementation partout ? Nous ne le croyons pas.
D'ailleurs - nous inspirant de trop d'exemples récents de réglementations arbitraires de nos dernières lois ouvrières dont, pour n'en citer qu'une, la loi sur le repos hebdomadaire, avec tous ces privilèges, nous donne ce spectacle attristant où tant de commerçants honnêtes sont livrés à l'égoïsme d'intrigants armés pour la révolte par le législateur lui-même - n'avons-nous pas tout lieu d'être effrayer chaque fois qu'il est question de toucher à notre liberté.
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Je propose donc à la Chambre d'émettre le vœu suivant :
1). Considérant que la proposition de MM. Godart, Bender, Dumont, Fort et Colliard serait une atteinte à la liberté, la Chambre de commerce de Poitiers émet le vœu que le Parlement rejette ce projet de loi interdisant le travail de nuit ;
2). Mais au cas où il apparaîtrait, un jour, qu'une réglementation menacerait la boulangerie considérant comme absolument excessif le sens intégral du projet Godart, propose alors, subsidiairement, les modifications suivantes au texte présenté ;
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Après cette lecture M. Servant résume les observations faites par la commission (...) et il demande à l'assemblée d'adopter le paragraphe 1er du vœu de M. Meunier, vœu ainsi conçu :
« 1) Considérant que la proposition de MM. Godart, Bender, Dumont, Fort et Colliard serait une atteinte à la liberté, la Chambre de commerce de Poitiers émet le vœu que le Parlement rejette ce projet de loi interdisant le travail de nuit ».
La commission avait adopté ce vœu en rejetant tous les commentaires suivants.
L'assemblée adopte les décisions de la commission et le paragraphe 1er du vœu de M. Meunier sera envoyé à M. le Ministre du Commerce.
le 20/04/2020 à 16:38
Source : L'Avenir de la Vienne
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