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Contre les pouvoirs spéciaux et pour « conserver les conquêtes sociales »
L’activité a été considérablement réduite

Le mouvement de grève de 24 h. lancé par les syndicats sur le plan national, pour protester contre la demande de pouvoirs spéciaux et particulièrement contre l’atteinte portée aux « conquêtes sociales », a connu dans la Vienne un large écho.

Les unions syndicales départementales auxquelles se sont joints les étudiants, avaient répercuté les motsd’ordre des centrales. Dans l’ensemble des secteurs public et privé, les salariés ont largement participé à la grève. Le pourcentage fut supérieur au dernier mouvement de grève qui précéda les élections législatives la participation de salariés non syndiqués et la fermeture complète de diverses entreprises, expliquent cela.

Plus d’un millier de personnes se sont rendus au meeting qui se déroula à la Maison du Peuple de Poitiers et au cours duquel les représentants des unions prirent la parole pour définir la position des syndicats.

Les conséquences de cette grève se firent sentir sur la vie du département et particulièrement dans les villes de Poitiers, Châtellerault, Civray, Montmorillon et Loudun, où l’absence de courant et la fermeture de certaines administrations occasionnèrent des perturbations.

A Poitiers, la physionomie quotidienne fut changée. Quelques bouchons aux carrefours. Peu de trafic aux heures de pointe, écoles fermées, usines stoppées à l’exception des services de sécurité, pas de courrier, pas de courant domestique, difficultés pour s’approvisionner en eau dans les étages, peu de cars, gare SNCF désertée et voies vides et convois stoppés.

Les motivations de ce mouvement de protestations devaient être analysées au cours de la réunion de la Maison du Peuple et à laquelle on remarquait une large participation de jeunes, aux côtés des militants chevronnés.

« Ne touchez pas aux conquêtes sociales »

A la tribune, MM. Laumont (CGT), Girard (CFDT), Tourancheau (CGT-FO), Nony (FEN) et Vidal (AGEP), prenaient successivement la parole. Chacun de ces orateurs, parlant au nom de son syndicat, exprima l’inquiétude, devant cette demande de pouvoirs spéciaux, par des voies non démocratiques passant au-dessus même des élus. A ce sujet, M. Vidal déclara : « Nous sommes, nous, étudiants, contre les pleins pouvoirs », parce qu’ils lèsent les intérêts de tous ». M. Girard ajouta plus tard : « Tout le syndicalisme ne ce pays dit non contre toute atteinte des conquêtes sociales. Si les réformes sont si urgentes, pourquoi ne nous en a-t-on pas parlé ? Nous ne tolérerons pas le coup d'arrêt. La démocratie n'est valable que si chaque parti s’y plie... ».

M. Nony, au nom de la FEN, poursuit : « La politique gouvernementale en matière d’éducation nationale, reflète son attitude envers les salariés ... Il est des reniements qui ne se pardonnent pas, nous lutterons dans l’unité ». M. Chaumont à son tour explique : « Nous assistons à une nouvelle offensive pour un train de mesures dites sociales et l’on fait fi des principaux intéressés ». M. Tourancheau, parlant pour FO « abonde dans ce sens et ajoute : « FO entend protester avec force et efficacité devant cette situation ».

Le texte de la motion

La motion suivante fut votée à l’unanimité et les membres du bureau la déposèrent entre les mains de M. Charassier à la Préfecture de Région afin qu'elle soit transmise.

« Les travailleurs de Poitiers réunis à la Maison du Peuple, le 17 mai 1967, à l’appel des organisations syndicales :

Union départementale des Syndicats CGT ; Union départementale des syndicats CFDT ; Union départementale des syndicats CGT-FO ; Section départementale de la FEN ; Association générale des Étudiants de Poitiers.

« Protestent avec énergie contre la demande de délégation de pleins pouvoirs, présentée par le Gouvernement en vue de prendre en dehors du contrôle du pays, des mesures transformant l’économie et la Sécurité sociale, ainsi que le statut des travailleurs au sein de l'entreprise.

« Déclarent que des mesures de cet ordre, dans une démocratie, ne peuvent être prises que par les représentants élus du pays et avec l’assentiment des organisations syndicales ;

« S’inquiètent du caractère de ces mesures qu’on ne peut prévoir qu’anti-sociales et nuisibles aux intérêts des salariés, sinon, pourquoi aurait-on attendu le début d’une nouvelle législature pour solliciter les pleins pouvoirs. Pourquoi n’en avoir pas parlé lors de la campagne électorale ? Les travailleurs savent que c’est parce qu’il s'agit de mesures impopulaires.

« Les travailleurs de Poitiers.

« Affirment leur attachement à la Sécurité sociale, conquête essentielle et fondamentale des travailleurs et leur opposition absolue à toute réduction des prestations, comme à toute augmentation des cotisations pour les travailleurs.

« Le prétendu déficit de la Sécurité sociale n’existe en fait, que parce qu’il est artificiellement créé par l'État

Les travailleurs de Poitiers condamnent des mesures économiques qui, sous couleur de réorganisation ne feraient d’ailleurs qu’accroître le désordre, les licenciements, le sous-emploi.

« Demandent avec force aux députés de s’opposer par le vote de la motion de censure, à l’adoption des pleins pouvoirs.

« S’engagent à maintenir et à renforcer leur cohésion dans l’action, pour défendre et améliorer les conquêtes sociales de la classe ouvrière.

Les pourcentages enregistrés

EDF-GDF : 75 pour cent ; SNCF : 75 pour cent (dépôts, voies, bâtiments, exploitation) ; Travailleurs de l’État 90 pour cent (ERGM) ; Sécurité sociales, URSSAF et Allocations familiales : 90 pour cent du personnel.

PTT (voir motion) ; contributions indirectes : 75 pour cent ; directes : 60 pour cent ; Hospitaliers (CHR-CHU) : 90 pour cent : Bâtiment (Fraternelle, Chaigneau, Chimique et routière), 70 pour cent ; Enseignement primaire : 85 pour cent ; secondaire 80 pour cent ; supérieur : 60 pour cent ; Transport urbain : 60 pour cent ; Industries : 97 pour cent ; Météo : 50 pour cent.

Dans les PTT

La Fédération CGT des Postes et Télécommunications nous prie d’insérer :

« La journée nationale du 17 mai 1967 a été marquée dans les PTT par un pourcentage élevé de grévistes.

Exemples :
Centre de tri de Poitiers~Gare, en nuit : 99 pour cent.
Poitiers RP : Guichets, 100 pour cent : service général : 100 pour cent.
Distribution : 97 pour cent ; cadre 90 pour cent.
Services techniques : Lignes aériennes Poitiers, Châtellerault, Civray, Lussac-les-Châteaux : 95 pour cent ; Souterrain région : 90 pour cent ; Garage régional : 90 pour cent.

« Pourcentage élevé aussi mais non évalué : CRMT, CNE, SCP : Comptabilité régionale ; Poitiers central ; AICIEM : Ouvriers d’État ; Opératrices.

Ainsi qu’à Châtellerault, Loudun, Civray, Montmorillon, Chauvigny, Bonneuil-Matours, Saint-Savin, Persac, Savigné, Marnay, Chapelle-Montreuil, Curzaysur-Vonne, Lusignan. Celle-l’Evescault etc...

Il nous est permis de constater en ce début de journée, qu'aucun mouvement n’a été aussi puissant dans les PTT depuis 1953.

« Comme les autres travailleurs, les postiers ne peuvent accepter :
« que le Gouvernement dessaisisse le Parlement de ses prérogatives législatives en utilisant une procédure de pleins pouvoirs ;
« que des questions économiques et sociales essentielles intéressant au plus haut point les travailleurs, soient réglées par voie d'ordonnances ;

« Ils réclament que s’ouvrent de véritables négociations pour la satisfaction de leurs revendications.

« La Fédération CGT des Postes et Télécommunications se félicite de l’ampleur du mouvement revendicatif et de la force avec laquelle les postiers ont manifesté leur volonté de défendre leurs intérêts ».

« La Fédération nationale des Malades, Infirmes et Paralysés, s’élève également contre la procédure des pouvoirs spéciaux dans une motion de protestation qu'elle nous fait parvenir. .

« Le Syndicat national des employés géomètres, topographes, photogrammètres et experts fonciers (section Vienne), présents au meeting, se déclarent solidaires dans une motion, du mouvement de protestation contre le procédé des ordonnances.

Photo : Les manifestants dans la cour de la Maison du peuple