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0643122/02/1968POITIERS

LES CHERCHEURS DU CNRS ÉCRIVENT À LEUR MINISTRE

A l’occasion de la grève nationale de 48 heures, organisée par l’ensemble des syndicats de chercheurs, la section de Poitiers du Syndicat national des Chercheurs Scientifiques a adressé au ministre de l’Éducation Nationale une lettre dont elle nous a communiqué le texte, avec prière d’insérer :

Monsieur le Ministre.

Les chercheurs, soussignés, tiennent à vous faire part de la grave déception qu’ils ont ressentie devant le refus opposé à leur demande de transformer 75 postes d'attachés en 75 postes de chargés de recherche parmi ceux prévus au budget 1968.

Ils ne peuvent pas ne pas interpréter ce refus comme une volonté délibérée d’accroitre, dans la mission confiée au Centre national de la Recherche Scientifique, la part « formation de jeunes chercheurs » au détriment de la part « recherche à temps plein ».

Or, une telle orientation ne peut qu’augmenter le déséquilibre actuel dans les effectifs des chercheurs entre les éléments de passage (jeunes chercheurs devant quitter le CNRS, après leur période de formation), et les éléments permanents. C’est pourtant sur ces derniers que repose la double tâche d’encadrer les jeunes chercheurs et d’assurer la continuité des travaux de recherche confiés au CNRS.

Le maintien d’une telle orientation ne peut-être que préjudiciable à la fois au CNRS même, dont la pyramide des grades n’est pas adaptée à sa mission et aux chercheurs dont la plupart entrent maintenant au CNRS avec la légitime ambition d’y faire carrière. Dans la mesure où cette possibilité sera refusée à un nombre croissant d’entre eux, en raison de l’insuffisance du nombre de postes de chargés, maîtres et directeurs de recherches, il leur faudra chercher un autre emploi à l’échéance de leur contrat d’attache de recherche Or, l’enseignement supérieur qui a absorbé beaucoup de chercheurs du CNRS ces dernières années, ne constituera plus un débouché, les rares postes de maîtres, assistants et de maîtres de conférences qui y sont créés étant à juste titre, attribués par priorité aux assistants et aux maîtres assistants ayant déjà acquis une certaine expérience de l’enseignement. Quant au secteur de la recherche industrielle, il a surtout besoin d’ingénieurs ou licenciés ayant reçu au plus deux ou trois années de formation en laboratoire. De plus, certaines sociétés ou certains organismes préfèrent souvent embaucher eux-mêmes leurs chercheurs débutants pour les détacher ensuite un an ou deux ans dans un laboratoire où ils reçoivent la formation désirée.

Contraindre systématiquement des chercheurs ayant déjà travaillé, pendant 6 ou 8 ans, dans un laboratoire du CNRS ou une université, à changer de carrière, alors qu’ils ont été reconnus scientifiquement valables, c’est une injustice sociale caractérisée en même temps qu’un gaspillage économique. C’est aussi, une incitation pour ces chercheurs, à accepter des propositions de l’étranger, où existent des possibilités plus propices à l’exercice de leur métier puisque de moins en moins, ils peuvent trouver, en France, d’emplois au niveau de leur compétence.

Dans ces conditions, la multiplication des postes d’attachés de recherche (au détriment des postes de catégories supérieures), où la prolongation de la carrière d’attaché ne peuvent être considérées comme la satisfaction d’un besoin, mais sont au contraire nuisibles à l’intérêt national.

Les structures les plus aptes à assurer une formation correcte des jeunes chercheurs et à développer la recherche fondamentale et semi-appliquée à temps plein seraient plutôt celles d’une carrière au CNRS rénovée sur les bases du projet de statut présenté par le syndicat national des chercheurs scientifiques. Celui-ci prévoit une période probatoire d’une durée maximale de 4 ans au terme de laquelle les chercheurs seraient orientés, sur avis des autorités scientifiques compétentes, soit vers le secteur industriel, soit vers une carrière de chercheurs à temps plein pour laquelle seraient conciliés la garantie de l’emploi et les impératifs de mobilité des cadres du secteur public.

Dans l’immédiat, le renvoi d’un grand nombre de chercheurs ayant déjà accompli 7 à 8 ans de recherche au CNRS vers le secteur industriel où leurs compétences seraient sous-employées, est une solution désastreuse pour l’avenir de la recherche fondamentale française à l’heure où elle doit se préparer à la coopération scientifique européenne. C’est pourquoi le Syndicat national des Chercheurs scientifiques avait demandé la transformation, dans le budget 1968, de 75 postes d'attachés en 75 postes de chargés de recherche, tout en regrettant que le total général des postes créés soit très intérieur aux besoins tels qu'ils avaient été définis par le Ve plan

C’est pour protester énergiquement contre le refus qui leur a été opposé et pour attirer avec plus d’insistance encore votre attention sur la nécessité d’organiser de façon efficace et équitable la carrière des chercheurs de l’État, que les chercheurs soussignés ont fait grève les 20 et 21 février 1968.

 

La section de Poitiers du Syndicat national CGT des personnels techniques et administratifs du CNRS

La section départementale de l’Union générale des Fédérations de fonctionnaires CGT (UGFF), le Syndicat CFDT des personnels techniques du Centre national de la Recherche scientifique ;

Apportent leur soutien fraternel aux chercheurs du Centre national de la Recherche scientifique en grève les 20 et 21 février 1968. Ils approuvent pleinement leur action qui est le résultat des démarches infructueuses entreprises ensemble auprès des parlementaires lors du vote du budget 1968 en octobre dernier.

 

 

le 25/05/2022 à 08:56

Source : Centre Presse

faculté, chercheurs, grève, pouvoirs publics

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