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Nous recevons la lettre suivante :

M. le Directeur du journal « L’Avenir »

Je vous serai obligé de vouloir bien insérer dans votre estimable journal le petit article suivant :

Le dimanche 5 mai, il y a eu à Poitiers des élections de Prud’hommes. Sur environ mille électeurs inscrits sur la liste des ouvriers, c’est à peine si une soixantaine ont pris part au scrutin, les trois catégories comprises.

A une heure et demie le bureau n’était pas constitué. C’est avec beaucoup de peine et sur la sollicitation pressante de M. le Président que cinq électeurs ont bien voulu le composer, et ce sont les mêmes qui ont été obligés de faire le dépouillement.

Pas un de ceux qui sont aux Prud’hommes n’est venu voter. Le plus grand nombre d’entre eux ne sont même pas sur la liste électorale des Prud’hommes. Cela prouverait leur parfaite indifférence pour les fonctions auxquelles ils ont été nommés et le peu de tact de ceux qui les nomment. Comprendrait-on dans un corps quelconque que l’on donne sa confiance à une personne qui ne s’est jamais intéressée à la chose à laquelle on la destine ? Ceci n’aurait pas de sens commun. Il faut que les ouvriers de notre localité aient une bien petite idée des services que peut rendre l’institution des Prud’hommes. Cette institution n’est pas, en effet, ce qu’elle devrait être ; car la législation impériale qui la régit est anti-démocratique. Il faudrait revenir à celle de 1848; ou encore avoir des chambres syndicales comme il en existe dans beaucoup de localités.

Les patrons ont des cercles, des lieux de réunion, et ils en ont le droit. Les ouvriers sont dispersés et, lorsque quelques-uns se sont dévoués pour prendre une initiative quelconque, ils n’ont récolté, le plus souvent que de l’ingratitude. Pourtant il y a bien à faire. Si dans le présent on ne veut pas ou on ne peut pas faire mieux, nous espérons du moins que ceux de l’avenir seront plus habiles que nous.

Poitiers, le 11 mai 1878.

Un électeur de la 2^e catégorie des ouvriers