0670731/05/1968POITIERS
Imposant défilé, hier, à Poitiers après le meeting à la Madeleine
Au cours de la journée d’hier, aucune évolution sur le front des grèves dans le département de la Vienne. On lira, dans notre chronique régionale, en page 2, le point de la situation dans les entreprises et dans les administrations.
Ci-dessous les communiqués qui nous ont été remis et qui dans leur détail donnent les diverses positions.
Répondant à l’appel lancé par les unions départementales CGT, CFDT, CGT-FO, section départementale de la Fédération de l’Éducation nationale, du Syndicat national des Instituteurs et de l’Association générale des étudiants de Poitiers (UNEF) plus de 4.000 personnes se retrouvaient hier matin, au stade de La Madeleine, à Poitiers, pour un meeting, qui fut suivi d’une manifestation de rues qui se déroula dans le calme et la dignité, et qui aboutit place de la Préfecture, où s’opéra la dislocation. Un seul drapeau rouge dans ce défilé, au travers des banderoles très nombreuses portant les sigles des participants et leurs revendications. Drapeau rouge qui, à l’issue du défilé, devait être accroché, par un groupe de jeunes émergeant de la foule des manifestants, au fait de la grille d’honneur d’entrée de l’Hôtel préfectoral et qui, par la suite (la manifestation étant dissoute) devait être enlevé par le service d’ordre.
On notera également, que parmi le cortège des manifestants, ceux du bâtiment laissèrent également devant la préfecture, deux vieilles paires de chaussures aux semelles béantes, accrochées au bout de perches de bois.
« Nos 40 heures », « Retraite à 60 ans », « Nous voulons vivre », « Sports éducatifs, Sports pour tous », « Nos droits syndicaux », « Solidaires des travailleurs, le bâtiment veut vivre », « Des stades et des gymnases », « Gaziers et Électriciens pour les libertés syndicales et démocratiques », « La classe ouvrière est majeure », « Il faut tenir », « CFDT liberté syndicale », « Cheminots de Poitiers », « Remplacement du pouvoir actuel par un gouvernement populaire », « A bas la provocation policière », « Université du Peuple », « CGT-CFDT-FO PTT gestion démocratique », « Non à de Gaulle, ni à sa clique », « CFDT Leclanché », « A bas les salaires à prime », « Le plein emploi pour tous », « Il faut que ça change », figuraient entre autres, sur les innombrables pancartes produites, au cours de ce défilé, par les différentes entreprises administrations, syndicats, fédérations... etc... participant à cet immense rassemblement.
UN DISCOURS
Au nom de toutes les organisations participant à la manifestation, M, Goupy prononçait l’allocution ci-après :
« Le lundi 13 mai, des milliers de travailleurs défilaient dans Poitiers pour dire « NON » à la répression, « NON » au chômage, « NON » à une société injuste. Aujourd’hui, ces mots d’ordre n’ont pas changé, mais ils ont pris une résonance bien plus profonde et une signification bien plus riche. En effet, depuis cette date, neuf millions de travailleurs sont entrés dans la lutte et ont consacré la révolte des étudiants en la transformant en révolte de toute la Nation. Tout homme sincère est obligé de reconnaître que les luttes des étudiants, des ouvriers, des employés, des professeurs et des paysans convergent toutes.
« Travailleurs intellectuels et travailleurs manuels, nous sommes tous victimes d’un même pouvoir qui nous méprise et nous humilie, Les dernières négociations avec le patronat et le gouvernement en ont été la preuve la plus évidente. Les syndicats, qui se méfiaient à juste titre, avaient bien pris soin d’annoncer auparavant qu’ils ne signeraient rien à l’issue de la rencontre et que seule la base aurait pouvoir de décision. Vous connaissez la réponse des ouvriers : un « NON » massif aux propositions patronales. Pourquoi ? Parce que la classe ouvrière a parfaitement compris que l’augmentation du SMIG et des salaires ne signifiait rien, si aucune mesure n’était prise pour éviter la flambée des prix. Quand on donne à l’ensemble des travailleurs 16 milliards supplémentaires pour la consommation, s’il n’y a pas davantage d’objets utiles sur le marché, si on ne frappe pas d’impôts plus forts les revenus des riches, il est évident que les prix vont monter et que seuls les riches, encore et toujours, se tireront d’affaire.
Aucune négociation ne sera sérieuse tant que les mesures n’auront pas été prises pour garantir nos conquêtes.
La première consiste en une échelle mobile, grâce à laquelle le SMIG et les salaires augmentent automatiquement toutes les fois que monte la vie. Mais si l’on garde le système actuel, cette mesure sera encore insuffisante. Ce n’est pas l’échelle mobile qui apportera sur le marché davantage de produits à consommer.
Il faut donc une refonte profonde des structures économiques, pour enlever aux monopoles la possibilité d’orienter la production vers les secteurs de productions souvent inutiles et quelquefois criminels, comme l’armement, mais qui lui assurent les plus grands profits.
Il faut donc la nationalisation des secteurs clés de l’économie, or une véritable nationalisation comporte deux exigences, l’une interne, l’autre externe.
- à l’intérieur de la branche nationalisée, il faut la participation des ouvriers à la gestion ; si Renault ou l’EDF étaient vraiment nationalisé les représentants syndicaux y auraient un pouvoir réel de contrôler et d’orienter la gestion de l’entreprise. Vous savez tous, que pour l’instant, il n’en est rien : ne confondons pas nationalisation et étatisation.
- la deuxième condition d’une vraie nationalisation consiste en ce que l’entreprise doit servir les vrais intérêts de la nation, c’est-à-dire les buts que le peuple souverain se choisit librement et démocratiquement. Ainsi tout est lié : pas de garantie des salaires sans refonte de l’économie, pas de refonte de l’économie sans changement de politique total. Et il va de soi qu’il en est de même pour l’Université :
Pour qu’elle soit au service du peuple, il faut :
- des réformes sociales, de façon que les fils d’ouvriers et de paysans puissent y accéder.
- des réformes économiques, de façon que les laboratoires et les titulaires de diplômes puissent servir les besoins réels du pays et non pas l’armée ou le grand capital.
- des transformations politiques, de façon que soient garanties toutes les libertés universitaires et une gestion démocratique des Facultés.
En face, que nous propose le chef de l’État ? Ce qu’il appelle, lui, un référendum, et nous, un plébiscite, ou même encore sa décision personnelle. Ce projet a soulevé l’indignation de tous les travailleurs, qui ont vu une fois de plus une escroquerie insupportable et qui ont bien compris que le général de Gaulle était incapable de comprendre.
Nous répondrons tous « NON » au plébiscite et nous renforcerons la lutte pour que le Président de la République avec son Premier ministre et son gouvernement laissent enfin la place à un gouvernement de gauche, que nous appelons de tous nos vœux,
Que les trois partis du progrès : PC, PSU, FGDS se réunissent vite et mettent au point un programme commun ; qu’ils invitent les grandes organisations syndicales à élaborer avec eux un programme économique et social entièrement neuf, et nous aurons enfin, grâce à l’effort de tous, intellectuels et manuels, fait un pas décisif en direction du socialisme.
UN DEFILE
A la suite de cette allocution un long défilé se formait qui allait traverser les rues de la ville, et qui après avoir défilé Place Leclerc, se rendait, Place de la Préfecture. Défilé qui fut marqué par des slogans repris en chœur par les manifestants et le chant de « l’Internationale ».
Photo : Le rassemblement de manifestants, hier matin, au stade de la Madeleine
le 24/06/2022 à 12:11
Source : Centre Presse
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