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0678711/06/1968POITIERS

LA SITUATION À LECLANCHÉ

La grève se poursuit aux usines Leclanché de Poitiers et de Chasseneuil-du-Poitou, à la suite du vote émis samedi, dont nous donnions connaissance dans notre précédente édition. Le mouvement, s’est d’ailleurs durci, hier matin, à Leclanché – Chasseneuil. A l’heure d’embauche, une centaine d’employés, les mensuels du bureau commercial, les cadres et une dizaine d’ouvriers, se présentaient aux portes de l’usine, dans l’intention de reprendre le travail. Ils se heurtaient au piquet de grève qui refusait l’entrée, piquet de grève qui allait d’ailleurs être renforcé par des éléments venus de Poitiers. L’affaire en resta là. A chaque élément, voulant reprendre le travail il était, remis un papier sur lequel il était indiqué :

« Je soussigné ... non gréviste, travaillant à ... m’engage par la présente, ne jamais profiter des avantages de toutes natures qu’auront obtenus mes camarades grévistes.
« Je déclare, être pleinement satisfait : de mon salaire actuel, de mes horaires de travail, de la sécurité de mon emploi, de l’intérêt de mon travail, de la période de mes vacances, que je trouve suffisante... trop longues... de mes avantages sociaux actuels.
« Je déclare remettre mon sort entre les mains du patronat et de ses divers représentants gouvernementaux et demande à travailler librement sous la protection des forces de l’ordre ».

Ce texte ne recueillait aucune signature, et en fin de matinée ceux qui avaient manifesté pour reprendre leur occupation se dispersaient sans autre incident.

Dans le même temps, tant à la SAFT de Chasseneuil qu’à celle de Poitiers, - le complexe industriel emploie 910 personnes au total - des tracts étaient distribués. L’un était signé du comité intersyndical de grève et par la commission luttes ouvrières - luttes étudiantes, et déclarait notamment sous le titre :

« RENFORÇONS L’OCCUPATION MASSIVE DES USINES »

« Partout en France, aujourd'hui, le patronat use de deux armes pour tromper les travailleurs :

« Il accorde quelques satisfactions provisoires aux travailleurs et essaie de dévoyer leur lutte sur le terrain du parlement, là où il a toujours su tromper le peuple.

« Lorsque les ouvriers ont compris et refusé la manœuvre, il fait appel à ses C.R.S., comme à Renault (Billancourt) - où les travailleurs résistent victorieusement, comme à Rennes - où les postiers se sont battus contre les C.R.S. pendant une heure et demie.

« Ici même, à Poitiers, à Leclanché les patrons pourraient user de cette arme : ils ont envoyé à chaque ouvrier de la Pile une lettre dictant leurs conditions et prétendant que le travail allait reprendre. Au même moment, à la Chambre de Commerce, les patrons refusaient toutes revendications en bloc.

« Les travailleurs ont compris la manœuvre. Trois semaines de grève valent plus qu’un bulletin de vote et une aumône.

« En ce moment, tous les ouvriers doivent avoir conscience du danger qu’ils courent et prendre les décisions pour assurer le succès de leurs légitimes aspirations.

« L’unité des ouvriers a toujours été la clé de leur succès.

« Ainsi il appartient à chacun de prendre ses responsabilités face au problème immédiat.

« Quant aux étudiants progressistes et à toute la population il leur appartient de former le grand arrière qui sera prêt à soutenir jusqu’au bout les travailleurs.

Dans un second tract signé des syndicats CGT, CFDT, CGC de la Pile Leclanché, il est notamment déclaré, sous le titre : « Les salariés peuvent-ils gérer les entreprises ».

« Lorsque les salariés demandent la démocratie dans l’entreprise, cela veut dire qu’ils veulent :
« - Pouvoir s’organiser librement dans leurs syndicats à l’intérieur même de l’entreprise.
« - Participer à la gestion de celle-ci et non plus subir les décisions unilatérales du patronat.

« A cela, les patrons objectent que les ouvriers sont incompétents et que seule la Direction est capable de bien faire.

« Or, que voyons-nous à Leclanché ?

« - Une belle usine certes, on est fier de la montrer, mais qu’a-t-on fait pour améliorer, dans ce vaste hangar, la condition des travailleurs traumatisés par le bruit infernal des machines ?

« On nous refuse des machines présentant de bonnes garanties de sécurité, car elles sont trop chères, mais le patron est bien obligé de payer de fortes cotisations pour les accidents du travail.

« Sait-il où serait son intérêt pécunier et moral ?

« Par tous les moyens on essaie de réduire le prix de revient des piles – c’est très bien - mais pourquoi les salariés n’en profitent-il pas pour voir leurs conditions de travail améliorées. C’est plutôt l’inverse qui se produit.

« On donne le matin un programme de fabrication et on le change, sans savoir pourquoi, durant la journée.

« Les ouvriers sont parfaitement capables de discuter non seulement de leur travail, mais aussi de l’organisation, en commission paritaire.

« Les salariés veulent décider de leur sort dans l’entreprise. Il faudra bien qu’un jour ils soient responsables à part entière.

« Mais d’abord exigeons la reconnaissance et le respect de la section syndicale de l’entreprise.

Le Comité de grève des usines Leclanché, Poitiers et Chasseneuil, remercie toutes les personnes qui leur ont fait parvenir dons en espèces et en nature, pour les soutenir et aider les familles, dans la lutte qu’ils soutiennent.

 

 

le 25/06/2022 à 13:13

Source : Centre Presse

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