0689710/10/1968CHATELLERAULT
C'est bien sa carte de la dernière chance qu’a joué, hier, le personnel de la Manufacture d’armes de Châtellerault par l’intermédiaire de ses syndicats, solidairement réunis au sein du Comité de liaison que préside M. Bourdeau. En effet, à près de trois semaines seulement de la fermeture de l’Établissement, décidée par le Ministère des armées, le Comité a lancé, au cours d’une conférence de presse, un appel « au bon sens et à la raison, afin que cette mesure soit rapportée ».
Cette conférence s’est tenue dans la salle des Mariages de l’Hôtel de ville, sous les immenses panneaux décoratifs composés de pièces d’armement et sous les éventails d’oriflammes. Ces témoins de la prospérité de la « Manu » ne seront-ils bientôt plus que des souvenirs de musée ? Chacun se posait cette question, non point par nostalgie du passé mais dans l’angoisse d’un avenir incertain. Parmi l’assistance on remarquait, notamment MM Montier, maire adjoint ; Tardif ; Lelot et Robin, adjoints ; le docteur Marie, conseiller général et Mme Civet, maire de Scorbé-Clairvault.
M. Bourdeau rappela que le ministre des Armées avait d'abord envisagé une conversion de la manufacture et non pas une fermeture comme en fut averti le personnel, le 8 août dernier. « D’ailleurs, dit-il, je tiens à préciser que, contrairement à ce qu’on a déclaré, jamais les Fédérations syndicales n’ont accepté le principe de cette fermeture ». Plus loin, il devait ajouter : « On a prétendu qu’il n’y avait pas assez de travail pour la manufacture. C’est faux. Je peux même affirmer qu’il y a un excédent de travail important ».
M. Bourdeau décrivit les importantes installations de la manufacture qui comportent, entre autres, le plus grand stand de tir français, un laboratoire et des ateliers admirablement bien équipés. Il insista sur l’importance de l’école professionnelle qui, depuis 100 ans, forme une élite d’ouvriers spécialisés.
Le problème humain retint tout spécialement l’attention du président du Comité : « En reclassant le personnel dans d’autres villes on pratiquera une véritable déportation du travail. Nous connaissons déjà une trentaine de camarades dont l’état moral relève presque de la neuropsychiatrie.
M. Bourdeau protesta contre les cessions de fabrications faites depuis 1961, à des sociétés privées « alors que les manufactures d’État pouvaient fort bien assurer de telles fabrications à meilleur compte ».
Secrétaire de la Fédération des Personnels de la Défense Nationale (CFDT), M. Pierre Autexier abonda dans le même sens. « Les Établissements industriels de l’armement permettent, non seulement, de réaliser des économies mais aussi de contrôler les prix ». Parlant du « devoir qu’a le gouvernement de développer l’expansion régionale », il conclut : « La fermeture de la manufacture, de Châtellerault serait une catastrophe sur le plan économique ».
M. Michel Warcholac, secrétaire de la Fédération des Travailleurs de l’État (CGT), se refuse de croire que la fermeture est fatale. « Nous avons visité, ce matin, la manufacture et il est impensable qu’une usine aussi bien équipée et disposant d’un personnel de valeur disparaisse définitivement. Il est possible au gouvernement de maintenir son activité et nous sommes en mesure de le prouver ». M. Warcholac regretta qu’un véritable dialogue n’ait jamais pu avoir lieu entre les représentants des syndicats et le ministre ».
M. Gabriel Gouvert, secrétaire de la Fédération des personnels civils de la Défense nationale (CGT-FO), estime également que la fermeture ne se justifiait pas. « Même au bord du gouffre, dit-il, nous ne voulons pas désespérer ». Il se pencha, ensuite, sur le sort souvent tragique qui attendait, en cas de fermeture, la plus grande partie du personnel.
A l’issue de la réunion, les personnalités présentes assurèrent les délégués syndicaux de leur sympathie et de leur appui.
le 18/07/2022 à 16:42
Source : Centre Presse
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