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Ainsi que nous l’indiquions récemment, le jeudi 31 octobre 1968 devait être, en raison des décisions gouvernementales dont on a longuement parlé depuis plusieurs années, la dernière journée d’activité de la Manufacture Nationale de Châtellerault, dont la création avait été décidée en 1819 et qui avait commencé à fonctionner en 1821, avec une trentaine d'ouvriers.

Au soir de ce 31 octobre, c’est une page importante de l’histoire de Châtellerault qui allait être tournée. Entre 17 h. et 18 h. beaucoup de Châtelleraudais ont sans doute été surpris d’entendre à plusieurs reprises la sirène de la Manufacture, qui avait été réduite au silence depuis un certain temps, afin de respecter les consignes de la lutte contre le bruit dans la ville.

Et puis, on a également entendu la voix de la célèbre cloche russe - symbole des années de grande activité et de prospérité de l’établissement - qui fut offerte à l’église de Châteauneuf en 1875 par une délégation représentant le tzar qui était venu prendre livraison d’une importante commande de fusils manufacturés, pour l’armée de Russie, par les Châtelleraudais.

Il est bon de rappeler que cette cloche porte l’inscription : « Sonnez la paix et la fraternité, des peuples »… Que sa voix n’est-elle entendue d’un bout à l'autre, de notre monde !...

Donc, en fin d’après-midi de ce dernier jour d’octobre, les membres du personnel de la Manufacture se sont rassemblés dans la cour d’honneur de l’établissement où ils ont retrouvé un certain nombre d’anciens qui avaient tenu à s’associer à cette manifestation.

Et, sous le drapeau portant un crêpe de deuil, une minute de silence a été observée à la mémoire de tous les disparus et, en particulier, des victimes de la guerre et des résistants qui avaient participé aux activités de la Manufacture.

Puis, ce fut, dans l'ordre le plus parfait et dans le silence, le défilé depuis la Manufacture jusqu’à la place de la République, au long de la rue Châteauneuf, de chaque, côté de laquelle de nombreux habitants, contenant non sans peine leur émotion, se tenaient sur les trottoirs.

Sur la place, M. Henri Bourdeau, président du Comité de liaison des syndicats de la MAC, s’adressait à ses camarades pour souligner l’importance de l’événement dans le contexte et tirer cette conclusion : « Nous avons perdu la bataille, mais nous nous sommes bien battus ».

M. Bourdeau a également tenu à rendre hommage aux prêtres très compréhensifs qui ont facilité la montée au clocher pour sonner le glas.

Et sur la grande place de Châteauneuf, ce fut, un quart d’heure d’intense émotion dans la participation de tous à ce deuil qui touche durement Châtellerault et la région.

Indiquons enfin que parmi les 360 ouvriers et employés qui restaient en service, 95 vont prendre une retraite anticipée, tandis que 18 vont être mutés. Les autres le seront progressivement.

Néanmoins, un noyau restera en place pendant quelque temps pour assurer la liquidation de l’établissement.