0708313/09/1969POITIERS
Les trains ont peu roulé, hier. Aucun évènement n’est venu marquer cette seconde journée de grève des « roulants » de la SNCF.
Dans la matinée, les dirigeant syndicaux des « roulants » du dépôt de Poitiers ont tenu une conférence de presse. Au cours de cette conférence ils devaient expliquer les raisons qui ont motivé le mouvement. Après que le délégué de la Centrale « Force Ouvrière » ait exprimé l’adhésion de son organisation au mouvement de grève, les leaders des syndicats poitevins ont indiqué que 90%des agents de conduite sur le plan national, respectent les consignes de grève. Ceci, précisèrent-ils, parce que les revendications concernant le règlement de travail du personnel roulant ne sont pas satisfaisantes.
Les délégués des Cheminots devaient faire la déclaration suivante :
« Trois revendications majeures nous préoccupent au premier chef. Ce sont : la suppression de la notion d’amplitude, la réduction du travail de nuit, le meilleur positionnement des repos. De ces revendications découlent deux corolaires : accélération des nominations et mise en stage immédiate des agents non autorisés et dans leur résidence d’emploi ».
« - Par notion d’amplitude nous entendons le terme administratif qui recouvre cette réalité : les « roulants » ne doivent pas, selon la réglementation, effectuer plus de 8 heures de travail consécutif. Mais, pour que notre travail ne soit justement pas « consécutif » l’on a prévu des « coupures » (non rétribuées) et des « pauses repas ». Ce qui nous amène à dépasser largement les 8 heures de travail, pour la compensation de pauses, durée réduite et mauvaises conditions qui ne nous permettent de nous reposer.
- En exemple, ajoute un conducteur de motrices, voici l’horaire de l’agent de conduite d’un convoi de Poitiers.
C’est à 1 h. 21 (matin) qu’il prend son service au Dépôt de St-Pierre. Il va conduire l’express « Tours-Paris ». La préparation de la machine (20 minutes), la consultation du tableau de ligne (30 minutes), le trajet et le stationnement en gare de Paris, le mènent au dépôt de Paris – où durant 25 minutes il « visite » la machine, à 6 h. 06. C’est à partir de ce moment là et jusqu’à 8 h. 09 qu’il va prendre un « repos » non rétribué. A 8 h. 09, il prépare sa machine, prend le départ et arrive à Poitiers à 11 h. 48. Pour débaucher à 12 heures 14.
Le temps, de repos aura été de 2 h 03, celui de travail de 8 h. 50. Et il faut ajouter qu’un « roulant » en « repos » (non rétribué) ne peut quitter le Dépôt sans autorisation... Car, pendant cette période il reste à la disposition de l’Administration.
En ce qui concerne les « pauses-repas », elles sont attribuées à tout moment, et durent de 35 à 45 minutes. Le plus souvent en dehors des horaires des repas, celles auxquels fonctionnent les cantines SNCF. Il faut donc, soit préparer son repas - mais nous n’en n’avons pas le temps - soit emporter des sandwiches.
- Il n’est pas rare, ajoute un « roulant » de débuter son service à 1 h. 03 (matin) et de se voir attribuer une pause-repas à 4 h. 06, pour repartir à 4 h. 55. Ces pauses - qui elles aussi, permettent à nos horaires de travail de dépasser 8 h. sans être consécutives - nous sont données à n’importe quel moment de la journée, sauf entre 23 h. et 4 h.
- Ce que nous réclamons, c’est la suppression du vocabulaire administratif de « la notion d’amplitude ». Également, l’aménagement de ces « pauses ». Il ne s’agit pas d’une demande de rémunération.
Et, dans un temps plus ou moins long, les « roulants » souhaitent la disparition de ces « coupures » qui dénaturent nos horaires de travail ».
Problème n° 1 : La vie de famille
- Notre seconde revendication majeure porte sur la réduction du travail de nuit. A titre de deuxième exemple, voici la semaine d’un conducteur de convois rapides :
Premier jour. Il est 11 h. 42, départ de Poitiers, arrivée à Bordeaux à 18 h, 2e Jour : Départ de Bordeaux, à 3 h. 13. Poitiers à 10 h. 39. Le 3e jour, départ de Poitiers, 1 h. 30. A Paris, à 8 h. 11 ; départ à 21 h. 12, arrivée à Poitiers le 4e jour, à 4 h. 25.
Le 5e jour, 0 h. 10, départ de Poitiers. Arrivée à Paris à 6 h. 23. Ce même 5e jour, départ de Paris à 18 h. 39, et arrivée à Poitiers à 2 h. 17 (6e Jour). Départ de Poitiers à 17 h. 30, arrivée à Angoulême (via Tours), à 2 h. 54, 7e jour. Puis, à 11 h. 12, départ, arrivée à Poitiers à 18 h. 29.
Enfin, le 8e jour, repos hebdomadaire. Pour recommencer le lendemain. »
- C’est-à-dire, précise un agent de conduite, 28 heures de travail de nuit dans la semaine. Et, à la lecture de l’horaire, l’on peut compter le nombre de repas ou de soirées passées en famille.
- C’est, au travers de nos revendications, le problème primordial, intervient le délégué de la CGT. Nous voulons avoir le droit à une vie de famille normale. Pouvoir rencontrer nos épouses autrement qu’en les croisant dans les escaliers, surveiller l’éducation de nos enfants ».
Un « Noël » sur 5...
- Troisième revendication principale, le meilleur positionnement des repos. 10 % seulement des « roulants » peuvent obtenir un maximum de 18 jours de congés annuels pendant les vacances scolaires. Et, le Noël passé en famille, c’est un événement exceptionnel. Une fois tous les cinq ans, à peu près. Récemment, un de nos Camarades n’a pu obtenir une journée de repos pour assister au baptême de sa fille. »
Pour satisfaire ces revendications majeures, il convient de prendre deux points secondaires en considération. La réorganisation nécessaire du service exige 5.000 agents de plus – 10 pour Poitiers – pour l’ensemble du territoire national.
Ces agents existent. Ils sont titulaire de l’« autorisation », un brevet professionnel qui leur permettrait de conduire les convois. Actuellement ils sont employés à des tâches diverses qui n’ont aucun rapport avec leur qualification.
Et puis il ne faut pas oublier le nombre considérable d’agents engagés voici 7 ans, avec promesse d’effectuer un stage de « roulant ».
A ce sujet, mentionnons que le stage est supprimé à Poitiers et que les stagiaires sont ensuite affectés au dépôt de leur lieu de stage. Or beaucoup de ces « aspirants stagiaires » possèdent de solides attaches familiales à Poitiers. Et ils ne savent pas quand ils pourront être de nouveau affectés à Poitiers ».
D’autres problèmes nous préoccupent ajoutent les « roulants » de Poitiers. Des études récentes effectuées par une Commission de la CGT, en liaison avec des scientifiques – dont feu le Dr Le Guillan et le Dr Lainé de Poitiers – démontrent l’influence des horaires « anormaux » des « roulants » sur leur santé et équilibre psychique de leur famille. Ces problèmes sont engendrés par notre manque de sommeil et sa perturbation ».
Réunion d’information
Hier après midi, les leaders syndicalistes ont organisé une réunion d’information. Ils devaient déclarer : « Les négociations se poursuivent à l’échelon national ; nous n’en connaîtrons pas l’issue avant la matinée de demain ». C’est à 17 heures aujourd’hui, que se tiendra une nouvelle réunion d’information, destinée aux grévistes du dépôt de Poitiers.
Le mouvement de circulation, hier en gare de Poitiers
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le 22/08/2022 à 16:22
Source : Centre Presse
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