0823514/06/1973POITIERS
Pendant trois jours, Poitiers sera la capitale du livre, c’est la première fois depuis plus d'un demi-siècle que pareil honneur échoit à Poitiers et nul choix ne saurait être plus judicieux, Ville universitaire, riche d'une longue tradition humaniste, Poitiers par art et nature a toujours conservé le goût des livres.
Rappel historique
Les épigrammes du poète Ausonne gardent le nom de deux maîtres qui enseignaient alors : Ammonuis, le grammarien et Rufus le rhéteur. A la même époque, la religion du Christ, entreprenait comme une seconde conquête de la Gaule, Hilaire crée au Ve siècle, au sommet de la ville, un centre de piété et d’études, ou à côté de la traduction des livres saints, l’évêque de Poitiers ajoute ses « Propres commentaires de Saint-Mathieu » et un certain nombre d’écrits. La tradition des copistes allait naitre quelque temps après. Les exemplaires ainsi transcrits étaient destinés à l’échange avec les autres monastères ou à la conservation sur place. Un des premiers ouvrages à connaître un rayonnement « extra-muros » fut les « Etincelles » du moine Ligugéen Defensor, dont on retrouve trace dans des bibliothèques aussi éloignées que Saint-Gaal et Wurtzbourg (IXe S.) ou au Mont-Cassin et Cambridge au Xe et XIe siècles.
Plus tard, Guillaume VII le Jeune compose des chansons provençales, et tient cour d’amour et salon de poètes. L’élan donné se prolongera avec Bernard de Ventadour qui charmera de ses chants les séjours d’Aliénor d’Aquitaine en son château ducal de Poitiers.
L’invention de l’imprimerie allait donner à la propagation des livres un essor inattendu. Les premières presses poitevines, situées dans la demeure d’un chanoine de Saint-Hilaire, apparaissent en 1479, année où fut édité le « Breviarium historiale ». En juillet 1483, apparaissent les noms de Jean et Etienne Desgrez : ils figurent dans l’explicit des « Casus longi super decretalium compilatin alma universitate pictavensi » en 1487. A la même époque Etienne Sauveteau est cité comme imprimeur à Poitiers, Jean Bouyer et P. Bellescullée, imprimeurs à Poitiers, marquent de leur empreinte un livre d’heures en usage à Angers,
C’est des imprimeries poitevines les plus anciennes de France que sortirent le « Pantagruel » du vivant de Rabelais, les œuvres de Suetone, Machiavel ou la célèbre « Vénerie du Fouilloux ».
La croissance de l’Université de Poitiers, fondée en 1432, entraine un développement considérable de l’imprimerie. A côté de noms isolés comme Jean Coussot, vont se perpétuer de véritables dynasties d’imprimeurs du roi et de l’université ; ce fut le cas de Jean Thoreau qui en épousant dame Mesnier, veuve de Jean Blanchet acquiert les presses de ce dernier. Il les transmettra à Jean Fleuriau, son gendre en 1652 puis Jean II Fleuriau les recevra en 1680. Les Fleuriau avaient imprimé « Les coustumes du Poitou », « Un recueil des Privilèges de l’Université » et un « Almanach du Poitou ». En 1710 l’atelier passe à son gendre Jean Faulcon auquel succédera son petit-fils Jean, puis Jean-Félix, fils du précédent, le 12 août 1776, Jean-Félix Faulcon édita une « Gazette hebdomadaire » et les « Affiches du Poitou ». François Barbier trouvera dans l’héritage de son beau-père, l’atelier des Faulcon. Il publia une « Ode à la Raison » et un « Hommage à Mirabeau ». François Barbier réunit le 24 mars 1789 son établissement à celui de Louis Braud, lui-même dernier représentant d’une vieille famille d’imprimeurs. Son fils conservera l’imprimerie jusqu'en 1842 date à laquelle il la cédera à Henri Oudin qui devait épouser une arrière petite-fille de Jean-Félix Faulcon. Henri Oudin publia entre autres « Les Œuvres du Cardinal Pie », et « L’année liturgique » de Dom Guéranger.
D’autres familles poitevines se firent les distingués propagateurs du livre : les Mesnier de 1572 à 1693, les Courtois de 1589 à 1723, les Amassard père et fils de 1626 à 1683 sans oublier Chevrier et Catineau dont l’activité fut très importante pendant la période révolutionnaire.
L’imprimerie aujourd’hui
L'art des maîtres imprimeurs s’est perpétué jusqu’à nos jours et l’on trouve à Poitiers deux imprimeries qui sont au service de l’art du livre.
La Société Française d’Imprimerie et Libraire (imprimerie Marc Texier), successeur de la maison Oudin, imprimait sur ses presses les œuvres de Faguet, Lemaître, Lanson, Huysmans et les traductions des écrivains étrangers : Gogol, Tolstoï, Gœthe, Swift, Mark Twain, Dickens. La SFIL perpétuait la tradition de Henri Oudin qui imprima les poètes Francis Jammes et Henri de Régnier. Actuellement la SFIL s’est spécialisée dans les revues médicales. En tant qu’éditeur-imprimeur elle publie plusieurs collections de livres pour enfants. Des noms aussi prestigieux que ceux de Charles Nodier, Andersen, Alexandre Dumas, Charles Perrault, Grimm, Jack London, George Sand, Walter Scott ou Prosper Mérimée figurent au catalogue. On remarque aussi une importante collection de « Contes de nos provinces ».
La seconde imprimerie a son siège à Ligugé : il s'agit de l’imprimerie Aubin, fondée, sous sa forme actuelle, par Eugène Aubin, « prote » de l’imprimerie du monastère. Il devait maintenir l’imprimerie après le départ des moines pour la Belgique. En 1925, les ateliers étaient transportés a l’endroit actuel et la clientèle s’étendait au-delà du livre religieux. Actuellement l’imprimerie Aubin sort 1.300 titres par an (773 de littérature générale, 123 de livres scolaires et 407 autres). Parmi les titres imprimés chez Aubin on trouve « Le rivage des Syrtes » de Julien Cracq (prix Goncourt 1951), « Papillon » d’Henri Charrière, « Love machine », « Etna » de Tazieff. C’est chez Aubin que fut imprimé le premier roman de François Mauriac : « L’enfant chargé de chaînes », le dernier livre de Jean Ferniot « Pierrot et Aline » vient de sortir des presses ligugéennes.
Thierry Thomas
le 31/12/2022 à 10:00
Source : Centre Presse
Espace Militants v0.3 - UD CGT 86 - http://cgt-ud86.org