« Retour

0826612/09/1973POITIERS

CHANGEMENT AU BUREAU ACADÉMIQUE DU SGEN CFDT

Sous ce titre : M. Louis Girard nous communique :

« Les délais nécessaires à la mise en place, maintenant effective, d’une nouvelle équipe, m’ont amené à attendre ce mois de septembre pour rendre public mon départ du bureau académique du SGEN (CFDT).

Je reste adhérent, et militant, du SGEN ; continuant d’ailleurs à assurer, pour cette rentrée, la défense des maîtres auxiliaires lors des nominations rectorales, et mes camarades savent qu’ils pourront toujours, dans l’avenir, compter éventuellement sur moi pour des services de cet ordre.

Le sentiment qu’une trop grande longévité dans les fonctions de direction contrarie l’exercice de la démocratie syndicale ; de nouvelles, et absorbantes, activités professionnelles : telles sont les raisons de mon départ. Pour éviter cependant toute ambigüité, j’exprimerai brièvement mon opinion sur le débat actuellement instauré au SGEN.

Syndicat universitaire rattaché à une confédération ouvrière ; confédéré à la CFTC avant de l’être à la CFDT, et rassemblant des enseignants laïques ; le SGEN a, dès le début, choisi les positions difficiles ; il n’a pu les tenir que par une réflexion rigoureuse, en élaborant ou en retrouvant des idées originales et fortes. L’idée de laïcité : ni soumission à un dogmatisme d’État, ni une neutralité fade et sans profondeur ; mais pluralisme plus qu’accepté, voulu, d’options philosophiques et religieuses qui, se respectant mutuellement, visent à se comprendre. Et, bien avant 1968, le SGEN réclamait une école ouverte sur la vie, un enseignement total et pas seulement intellectuel ; qui cherche à susciter l’initiative de l’élève plutôt qu’à monter des mécanismes. Sous-jacente à ces positions, la confiance en l’homme, et en l’usage qu’il peut faire de sa liberté. Ce qui implique la volonté de rendre effective pour tous, cette liberté. La notion de « socialisme démocratique », thème de réflexion au SGEN et dans la « minorité » CFDT dès l’immédiate après-guerre marquait ainsi le refus, aussi bien de la jungle capitaliste que du « socialisme » dictatorial.

Ces idées ont rencontré dans notre organisation, depuis quelques années, les grands thèmes de mai 68. D’où certaines convergences, mais aussi des oppositions et, souvent des confusions.

Le dogmatisme de la jeunesse se plie difficilement à la sévère discipline laïque. On a voulu modifier la référence statutaire à la laïcité, considérée sommairement par certains comme masque idéologique de l’oppression bourgeoise ; si une opposition vigoureuse a heureusement évité des changements graves dans la formulation, il est regrettable qu’ait été embrouillée la clarté de l’ancienne rédaction.

L’opposition justifiée aux méthodes pédagogiques traditionnelles, aux cloisonnements hiérarchiques est devenue chez certains frénétiques, une condamnation absolue et de l’Université, et même de la culture. Comme si elle n’avait pas à s’exercer dans le cadre d’une société complexe, la liberté est proclamée possibilité de faire n’importe quoi, et les vieux démons de l'anarcho-syndicalisme reparaissent. Le « socialisme », la « démocratie », « l’autogestion », sont considérés comme solutions (purement verbales) à tous les problèmes au lieu d’être pris pour ce qu’ils sont : des tâches, ou des thèmes de recherche.

La discussion idéologique au SGEN est ainsi actuellement marquée de beaucoup de verbalisme et de confusion. Je ne saurais cependant, approuver l’attitude de certains de mes amis qui ont déjà quitté l’organisation, ou songent à le faire. Il serait dangereux de sacraliser les assurances de naguère ; les magnifiques combats des travailleurs de Lip, de Cerisay ouvrent aujourd’hui même des perspectives que nous n’avons pas exactement prévues. Il faut être prêt a toutes les révisions, modeste, devant les mouvements de l’histoire.

La CFDT et le SGEN restent le lieu privilégié de la rencontre entre une réflexion syndicale adulte et sérieuse, mais déjà ancienne ; et des exigences nouvelles, puissantes mais mal explicitées. Rencontre qui peut être féconde à deux conditions : que tous puissent être écoutés ; et que, dans le débat, les adultes jouent sans fausse honte leur rôle d’adultes.

Les dirigeants du SGEN sont des démocrates ; toutes les idées même celles qui leur déplaisent, peuvent s’exprimer au sein du SGEN. Pour le reste, il dépend des militants de ma génération d’oser, face à des jeunes docteurs pleins d’assurance, être prosaïquement raisonnables. Que les adultes ne soient plus pour les jeunes, des modèles est un fait constatable ; mais il est navrant que, renonçant à tous bon sens, les adultes prennent les jeunes pour modèles et se livrent à leur égard à la plus veule des démagogies. (Et ceci ne s’adresse pas seulement au SGEN !). Je rêve d’une sagesse assez folle pour se prendre au sérieux et défendre sans complexes ses évidences, même au risque d’impopularité ; assez sage pour admettre qu’il peut y avoir de la raison dans l’apparente folie des autres.

C’est dans de telles dispositions que, revenu à la base et y militant aux côtés des camarades qui partageraient ces options, je maintiens au SGEN et à la CFDT, une confiance amicale mais sans complaisance ».

Signé : Louis Girard

NDLR- M. Louis Girard, professeur de philosophie, a été membre du bureau académique du SGEN de 1954 à 1973 et secrétaire de l’Union départementale de la CFT de 1959 à 1969.

 

le 02/01/2023 à 13:24

Source : Centre Presse

enseignement, bureau, débat

« Retour

Espace Militants v0.3 - UD CGT 86 - http://cgt-ud86.org

Site UD 86 - Espace militants - Espace formation