0849201/04/1974POITIERS
Par M. Jean Menu, secrétaire général de la CGC à l’occasion de stages régionaux
On parle un langage vigoureux à la Confédération générale des cadres (CGC). Son secrétaire général national, M. Jean Menu, s’est exclamé : « Les cadres en ont ras-le-bol ! ». Et d’évoquer la possibilité, dans un proche avenir, « de manifestations énergiques, sinon violentes ». Et puis, il y a actuellement des pourparlers entre la CGC et la CGT en vue de rédiger une déclaration commune.
Est-ce à dire que la CGC opère une mutation idéologique ? Certainement pas. Au cours de la conférence de presse qu’il a tenue samedi à Poitiers - dans le cadre d’un stage de formation régional pour responsables syndicaux du Poitou-Charentes - M. Menu a fort bien situé les positions de sa centrale. La CGC c’est d’abord la plus puissante organisation syndicale du personnel d’encadrement et assimilé. Plus de 280.000 adhérents. Sur ces effectifs, il y a d’abord près de 50.000 représentants de commerce. La masse est formée d’une part d’ingénieurs et cadres. D’autre part, d’agents de maîtrise et de techniciens. Il faut bien dire proportionnellement, c'est la première catégorie - ingénieurs et cadres - qui fournit ses gros bataillons à une CGC qui reste fidèle à son image de marque de centrale « réformiste » et « concertationniste ». Les négociations limitées - et longues - avec la CGT ne marquent aucun glissement doctrinal, mais une volonté de réalisme. M. Menu l’a souligné avec force.
Contre "la police des salaires"
M. Menu a décoché sa première flèche à la fiscalité. Il a rappelé le mot du président Malterre qui estime que les mesures anti-inflationnistes prises par le gouvernement constituent « une politique autoritaire des revenus qui n’ose pas dire son nom. Une police des salaires ».
La CGC est fermement opposée à toute augmentation des charges fiscales : « Il vaudrait mieux s’en prendre aux revenus spéculatifs, souvent illicites, plutôt qu’a ceux qui résultent du travail et de l’effort ».
La CGC est hostile à l’augmentation du deuxième tiers provisionnel. Il est bien évident qu’après le paiement d’un deuxième tiers augmenté, c’est-à-dire avec le premier tiers, de 86 pour 100 des impôts annuels, le fisc ne laisserait pas le contribuable s’acquitter avant la fin décembre des seuls 14 pour 100 restant ! On lui ferait payer davantage par exemple au titre d’« avance » sur les impôts de l’année suivante. C'est ce que la CGC veut éviter.
M. Menu a déploré que les engagements pris par les candidats de la majorité, à la veille des dernières législatives, « malgré des réponses à l’époque positives, n’aient pas été suivies d’effets ».
Outre le problème de la fiscalité, ce qui préoccupe beaucoup la CGC, c’est le maintien de la hiérarchie. Une enquête du ministère du Travail révèle qu’en 1973, les salaires horaires ont augmenté de plus de 15,9 pour 100. Ceux du personnel d’encadrement du secteur privé, de 9,8 pour 100. Alors que la hausse du coût de la vie dépasse 10 pour 100. D’où le « ras-le-bol » des cadres qui demandent également une juridiction de prud’hommes leur permettant d’être jugés par leurs pairs, et davantage de concertation dans les entreprises.
Des négociations avec la CGT
Puis le second volet des propos de M. Menu a porté sur les relations entre la CG et les centrales ouvrières. Particulièrement sur les relations CGC – CGT : « le fait d’être d’accord sur certains points particuliers n’implique pas une unité d’action, un programme commun (...). Il ne faut pas s’attendre à une unanimité des cinq centrales syndicales dans un mouvement d’ensemble ».
Le secrétaire national de la CGC a alors abordé le dossier des pourparlers entre sa centrale et la CGT. Bien que le comité confédéral ait confirmé sa confiance aux négociateurs, il est conscient que certaines organisations de sa centrale sont opposées à ces tractations. Où en est-on de ces pourparlers qui ont déclenché une campagne d’hostilité ?
Le texte primitif, soumis aux instances dirigeantes de la CGC, a ait l'objet d’amendements. Les négociateurs des deux camps se sont retrouvés. Les cégétistes ont à leur tour proposé des amendements.
La CGC a refait un autre projet de texte, auquel la CGT a répondu par d’autres contre-propositions. Les principaux points portent sur le maintien du pouvoir d’achat des cadres et leur droit à bénéficier de l’expansion économique ; sur la nécessité d’un statut spécifique, par amendements aux conventions collectives ; sur le vœu de participer à la gestion des entreprises et d’avoir sur cette question une meilleure information. Mais a précisé M. Menu « si nous sommes d’accord sur ces grandes lignes, il ne faudrait pas croire qu’il y ait un quelconque glissement de doctrine. Nous sommes simplement deux organisations réalistes ».
Actuellement les négociations se déroulent entre la CGC et l’UGICT, le syndicat des Cadres CGT. Or, pour la CGC, il faudra à la déclaration commune, avec la signature de l’UGICT « l’aval de la CGT, elle-même en tant que centrale ».
Lors du dernier congrès des cadres cégétistes qui se déroulait en pleine période de tractations, on avait lancé de la tribune des formules qui tendaient à faire penser que l’accord était chose faite. Beaucoup d’adhérents de la CGC croyant qu’on avait réalisé cela à leur insu, en ont été irrités, Or, la déclaration commune en est toujours au stade de projet, et la CGC a renoncé à ce que soient fixées des dates et des échéances dans les négociations. Tout porte à croire qu’elles seront encore assez longues.
Y. MONIE.
le 23/01/2023 à 17:54
Source : Centre Presse
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