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0879818/02/1975POITIERS

LES OUVREUSES DE CINÉMA, UN MÉTIER QUI N’EN FINI PAS DE MOURIR

Elles ont guidé dans les ténèbres des salles de projection, des milliers de spectateurs. Toujours « tirées à quatre épingles », toujours souriantes, vêtues de vert, de grenat ou en robes multicolores, les ouvreuses du Théâtre, du Studio, du Berry et du Castille, ont le sentiment de vivre les dernières années d’un métier qui n’en finit pas de mourir.

« A votre bon cœur, monsieur »

A Poitiers, elles sont une dizaine, réparties dans les différentes salles de cinéma. Contrairement aux autres catégories de travailleurs, les ouvreuses de cinéma n’ont pas de statut au sein de leur profession : « Nous n’avons presqu’aucun moyen de défense, et, à la suite d’un article paru vendredi dans les colonnes de « Centre-Presse », sous la rubrique courrier, nous avons appris avec stupéfaction, que les ouvreuses dans les salles de théâtre, étaient payées au SMIC (autour de 1.000 F par mois), et que nous pouvions tripler ce chiffre dans les salles où passe un film à succès. C’est absolument faux. Nous souhaiterions que ces affirmations se vérifient, mais hélas, ce n’est pas le cas. Nous voudrions ne plus avoir à tendre la main, en ayant l’air de répéter « à votre bon cœur, monsieur ». Ce que nous voulons faire savoir c’est que nous ne touchons pour tout salaire, que nos pourboires, ainsi que 10 pour cent des produits de la vente des bonbons et des chocolats glacés », nous a déclaré sans aucune agressivité une des ouvreuses. Certaines d’entre elles exercent cette profession depuis de nombreuses années et avec dans la voix, quelque chose de nostalgique l’une d’elle a raconté : « En 20 ans la vie a changé et les gens également. Quand on nous donnait 1 F. il y a dix ans, cela représentait quelque chose. Aujourd’hui, on nous donne 25 centimes, ou 1 F. Mais la clientèle, qui, bien souvent est très jeune, ne donne rien. Ils n’ont même pas besoin de nous pour aller s’asseoir. On ne leur en veut pas, on les comprend. Une place à 11 ou 12 F., c'est déjà beaucoup pour les jeunes. Dans un ou deux ans, il n’y aura plus d’ouvreuses ».

Le rideau de la scène se fermera définitivement sur la carrière de ces femmes qui, durant de nombreuses années, avaient choisi de vivre dans l’ombre d’un public qui ne les reconnait plus.

L’avis d’un directeur de salle sur la situation des ouvreuses : une constatation sans solution

Un directeur d’une salle de cinéma a bien voulu nous confirmer les propos qui avaient été tenus par les ouvreuses.

« Oui, c’est vrai, à Poitiers, les ouvreuses ne sont pas rémunérées par un salaire. Elles dépendent entièrement du public et ne perçoivent que le montant des pourboires. C’est un métier qui ne peut être qu’un tremplin, une sorte de bouche-trou. Ce n’est pas une profession d’avenir. Je crois aussi que le public manque d'information Bien souvent les clients des salles de cinéma ne savent pas que les ouvreuses ne sont pas payées. Dans les cafés, les bars, on sait si les garçons doivent ou ne doivent pas percevoir un pourboire « service compris ou service non compris ». Dans les cinémas, le public ne sait pas. Puis, parlant de la possibilité d’une législation de la profession, notre interlocuteur devait poursuivre : « Si un jour, une loi exige des directeurs de cinéma le paiement au SMIC des ouvreuses, il faudra que vous trouvions une autre solution ».

 

 

le 03/03/2023 à 16:17

Source : Centre Presse

activité, cinéma, femmes

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