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0900311/10/1975CHATELLERAULT

LES ONZE CADRES LIBÉRÉS SANS HEURTS HIER À 1 H. 30

• La CGC porte plainte pour séquestration
• La CGT condamne cette forme d'action
La journée de jeudi : au pain et à l'eau

9 h. : Un débrayage général se produit pour une revalorisation salariale refusée encore la veille par la direction.
10 h. : Onze cadres commerciaux et techniciens se réunissent dans une salle contigüe au local syndical pour mettre au point la présentation du matériel au prochain salon de la manutention.
10 h. 15 : Les ouvriers ferment la porte du local. Les délégués CGT et CFDT déclarent : « Vous resterez là jusqu'à ce que nous obtenions satisfaction ! ».
12 h. : La réunion de travail des cadres se termine. Ils ne peuvent toujours pas sortir.
13 h. : Les négociations n'avancent pas. Les cadres sont tenus informés par la direction grâce à un « bip-bip » que porte l'un d'eux (sorte de talkie-walkie mais sans possibilité d'émission).
18 h. : La séquestration se poursuit. Les séquestrés ont faim. Certains sont venus de Versailles. Départ 5 heures du matin et n'ont pas mangé depuis.
18 h. 15 : Les ouvriers leur passent trois pains et de l'eau.
21 h. : Nouveau ravitaillement, quelques sandwiches et des pommes.

A Châtellerault : 6 ministres viennent apporter leur soutien à M. Abelin. Il ne sera pas question du conflit.

Et vendredi :
1 h. 30 : Les forces de l'ordre prennent place.

Le colonel Hauron parlemente. Ils restent une trentaine d'ouvriers. Ils acceptent l'ouverture des portes.

1 h. 45 : Les onze cadres sont libérés.

Photo : Rapidement une R16 s'éloigne… c'est la fin de l'épreuve pour les « séquestrés »

Comme nous l'indiquions en dernière minute dans notre précédente édition, un peloton de gendarmes mobiles avait pris place hier, vers 1 h. 30, devant les portes de l'usine Bléreau à Cenon, où depuis jeudi matin 10 h, onze cadres de l'entreprise étaient séquestrés par les ouvriers en grève. Un quart d'heure plus tard, après un bref dialogue avec les ouvriers le colonel de gendarmerie Hauron, pénétrait dans l'usine et ouvrait la porte aux séquestrés sans qu'aucun incident ne vienne ternir cette « action syndicale » qui a entraîné de vives réactions dès hier matin de la part de la Confédération générale des cadres mais aussi de l'Union départementale de la CGT qui « condamne toutes les séquestrations ».

A l'usine Bléreau la reprise du travail s'est faite hier tout à fait normalement dans le courant de la matinée, à l'exception des cadres qui participèrent au rassemblement salle de la Redoute à Châtellerault organisé par la section Métallurgie de la CGC de la Vienne qui recevait M. Paul Marchelli, président de la Fédération de la Métallurgie CGC.

Cette Fédération avait en effet, appelé les cadres à un débrayage de deux heures. Débrayage particulièrement bien suivi dans la métallurgie châtelleraudaise puisque près de 150 cadres prirent part au rassemblement. M. Marchelli devait devant eux prononcer « une mise en garde solennelle » contre ces pratiques de séquestrations plus proches des « méthodes de gangstérisme » que de « pratiques syndicales ».

Pour M. Marchelli, c'est une nouvelle escalade dans la montée de la violence au sein des entreprises, que la Fédération de la Métallurgie CGC (60.000 adhérents en France) ne peut admettre. « Les cadres sont des salariés comme les autres. Il est inconcevable qu'au nom de la lutte des classes, on prenne en otages des salariés, par là ce ne sont pas les cadres qui sont en danger, mais notre société tout entière » déclarait M. Marchelli.

Plaintes pour séquestration

Estimant que la liberté individuelle et la liberté du travail avaient été bafouées, les cadres de Bléreau vont porter plainte contre la CGT et la CFDT pour séquestration et la Fédération nationale de la Métallurgie CGC se constituera partie civile.

S'expliquant ensuite sur l'action syndicale telle que la comprend la CGC, M. Marchelli déclarait : « Nous ne sommes pas les valets du patronat. Nous ne voulons pas servir d'otages à qui que ce soit. Et nous regrettons que cette libération ait dû se faire par une intervention de la force publique ».

M. Marchelli parla alors des démarches sans succès qu'il a menées jeudi ainsi que celles des responsables locaux de la CGC pour aboutir a une solution amiable avec les organisations syndicales ouvrières. « J'accuse solennellement la CGT et la CFDT d'avoir provoqué la venue des forces de police dans l'espoir d'un incident qui aurait permis de mettre les cadres et la police sur la sellette » ajouta-t-il.

Et le président de la Fédération de la Métallurgie CGC concluait que si des cas nouveaux se produisaient, « nous ne resterons pas les bras croisés. Hier soir, nous avions pris des dispositions pour sortir nos camarades sans faire appel à la force publique. Nous représentons une force vive de la nation et nous entendons nous faire respecter en tant que citoyen dans nos vies mais aussi dans nos entreprises ».

Jeudi soir, du côté de la CGC, on pensa sérieusement aux possibilités qu'offrait la présence de six ministres à Châtellerault pour servir de monnaie d'échanges de onze cadres...

C'est dire si l'émotion était grande chez les cadres, qu'ils soient techniciens, agents de maîtrise ou administratifs.

La position de l'Union départementale CGT

L'Union départementale CGT nous remettait hier la déclaration suivante dans le cadre du conflit Bléreau :

« Sur le fond du conflit il faut y voir le mécontentement et le « ras le bol » provoqués par la réduction de salaire que subissent les travailleurs du fait du chômage partiel. Malgré les augmentations de salaire arrachées à la direction, les ouvriers gagnent moins cette année que l'année dernière. Or, ils subissent comme tous les autres travailleurs la hausse des prix.

La colère est grande et en face d'eux ils ne trouvent personne pour discuter. De nombreux directeurs dans cette entreprise sont chargés de faire produire toujours plus, mais un seul PDG de Fenwick a le pouvoir de décisions et se trouve toujours dans un pays étranger lorsque des conflits éclatent.

« Une telle situation ne peut que provoquer et augmenter la colère du personnel.

« Mais si l'Union départementale considère que les travailleurs ont toutes les raisons de mener des luttes actives pour obliger la direction à discuter avec eux, elle ne peut que condamner la forme qui a été employée ce jeudi 9 octobre. Les cadres et les techniciens ne sont pas responsables du conflit et si leur position n'est pas toujours celle que les travailleurs désireraient, ils sont aussi des exploités sous d'autres formes.

« L'Union départementale condamne donc les séquestrations de cadres et demande aux travailleurs et à leur syndicat de discuter fraternellement de leurs revendications et des moyens d'actions les meilleurs pour les faire aboutir en rejetant toutes formes qui ressemblent à de la provocation et qui, de ce fait, divisent les travailleurs et retardent l'aboutissement de leurs revendications ».

le 18/03/2023 à 10:10

Source : Centre Presse

métallurgie, grève, occupation, séquestration, cadres

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