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0905421/11/1975POITIERS

ATMOSPHÈRE HOULEUSE AU PROCÈS DES QUATRE SYNDICALISTES DE CHEZ BLÉREAU

Impliqués dans une séquestration de cadres

« Vous pouvez apporter des médicaments à votre mari si vous payez un coup de rouge ». C’est ce qu’on a dit à Mme Panhaleux, lorsque son époux était séquestré avec dix autres cadres par les grévistes de l’entreprise Bléreau, Au procès des quatre syndicalistes CGT et CFDT qui ont dirigé la lutte revendicative ayant débouchée sur cette séquestration. M. Jean Panhaleux a évoqué cet incident au milieu de murmures, ricanements et mouvements divers. En fait, les cadres séquestrés, leur dirigeant syndical (CGC) et les avocats de la partie civile ont dû forcer la voix pour se faire entendre.

Dans la salle bondée d’amis des quatre prévenus, l’atmosphère était au chahut. Il n’y a que les témoins cités par la défense et les deux avocats, des syndicalistes qui ont eu droit au silence ordinairement de rigueur dans une enceinte de justice.

Ravitaillés « en douce »

Le procès de MM. Alain Bourguignon, Didier Oble, Marcel Faucheux et Jean-Claude Foucret s’est ouvert, dès le début, dans une ambiance de manifestation.

Aux abords du palais, et jusque sur les marches, des centaines de manifestants ayant répondu à l’appel de la CGT et de la CFDT brandissaient des banderoles. Et dans la salle, il y avait la masse des camarades des prévenus qui ne se privaient pas d’émettre leurs réactions au fil des débats. On a donc entendu les cadres séquestrés quinze heures chez Bléreau le 9 octobre avant d’être délivrés par les forces de l'ordre : MM. Panhaleux, Garaud, Parouty. Bula, Merlaud Teillet Conte, Brettine, Becue et Faure. M. Henry était absent.

Ils ont tous donné une même version des faits : il y avait une réunion de travail avec des cadres venus de Versailles. Ils se sont retrouvés bloqués dans une pièce, avec impossibilité d’en sortir. Les syndicalistes, à l’insu de leurs camarades grévistes - « en douce, diront-ils - leur ont apporté de l’eau, des cigarettes, et du pain. Et même, en fin de compte, les médicaments de M. Panhaleux.

Puis, on a vu à la barre, M. Jean-Louis Auger, délégué syndical CGC de la métallurgie, chez Bléreau. Il a dit que, le 9 octobre, lui n’a pas été séquestré. Il a télégraphié aux instances départementales de la CGT et de la CFDT, ainsi qu’à la direction de Bléreau. Il a tenté de négocier, mais en vain.

A la barre, on a vu ensuite M. Vaux, chef du personnel. Il a précisé que pour un effectif de 585 salariés, il y avait très exactement 196 grévistes. Il a précisé aussi que les cadres séquestrés ne pouvaient aucunement donner satisfaction aux revendications des grévistes.

Le public applaudit

Permanent syndical CFDT, M. Jean-Pierre Mauricet a eu droit aux applaudissements de la salle lors de sa comparution en qualité de témoin. A une question du président Mestivier relative à la notion de liberté individuelle, il a esquivé l’embûche en disant : « Je vois bien ce que l’on veut me faire dire ». Il a ajouté que la CFDT ne cautionnait ni ne désavouait ces séquestrations.

Par contre, il a soutenu qu’à son avis, il n’aurait pas fallu inculper quatre syndicalistes, mais tous les grévistes engagés ce jour-là dans l'action. M. André Laumont, leader départemental de la CGT a succédé à la barre des témoins à M. Mauricet. Pour lui, « si on en est arrivé à ce point là, c’est parce que la misère est grande dans les familles des travailleurs ».

Et puis M. Laumont a ajouté : « Il y avait des travailleurs en grève. Et on a tenu une réunion de cadres dans le local du Comité d’entreprise, tout à côté du local syndical. Je me pose des questions… On aurait voulu, on n’aurait pas mieux fait ! ».

Après ces deux témoignages le président a interrogé MM. Bourguignon, Oble, Faucheux et Foucret. « Nous avons dit aux cadres qu’ils resteraient dans le local tant que la direction n’aurait pas donné de réponse à nos revendications. Or, on devait nous répondre avant midi », ont-ils déclaré.

L’un, répondant à une question du président Mestivier a eu cette formule : « Je suis délégué syndical, je n’ai pas à avoir d’opinion personnelle ». Répartie très applaudie, au point de faire dire au procureur Poirier : « Si ces applaudissements se renouvellent, je serai obligé de demander que l’on fasse évacuer la salle ». Les quatre syndicalistes n’ont pas voulu s’expliquer sur le but de la séquestration en elle-même : « Ce n’est pas à nous qu’il faut poser cette question, mais aux 350 autres ». Et de lancer au président : « Il faut être gentil ! » (sic).

« Choix politique »

C’étaient ensuite les plaidoiries. Celle de Me Lebrette de Paris (assisté de Me Grasseau) d’abord, pour la partie civile. Parlant de la séquestration il a expliqué que c’était « une opération soigneusement organisée ». Il a poursuivi : « Il n’y a pas de séquestration bon enfant. Il y aurait pu y avoir un cardiaque parmi les onze séquestrés ». Il a demandé que l’entreprise soit déclarée civilement responsable des agissements des quatre syndicalistes.

Dans son réquisitoire très modéré mais ferme, M. Poirier a demandé des peines d’emprisonnement assorties du sursis à l’encontre des quatre syndicalistes.

Premier avocat de la défense, Me Rivaillon s’en est pris violemment à la CGC, la taxant de « bras du patronat dans la répression syndicale ». Il a conclu que le tribunal devait relaxer les quatre prévenus, ajoutant que, quel que soit le jugement, « ce sera un choix politique ». Avec des accents lyriques, Me Roulotte qui s’enorgueillit d’avoir « été à LIP » a dédramatisé les faits. Il a lu Topaze et cité M. Pleven à l’appui de son habile argumentation.

Le tribunal rendra son jugement le 5 décembre. A cette date on reverra peut-être ce nombreux public qui a quitté la salle en scandant « Liberté syndicale ! ». Les cadres CGC de la métallurgie, pour leur part, rappellent qu’ils sont « des salariés comme les autres et qu’ils n’accepteront pas de jouer le rôle de bouc émissaire ».

Yves Monier

Photo : Les manifestants et leurs banderoles devant les marches du Palais de justice ont soutenu leurs camarades

 

 

le 19/03/2023 à 14:03

Source : Centre Presse

justice, procès, cadres, séquestration

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