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0008905/05/1899POITIERS

Protestation patronale contre la loi sur les accidents du travail

 

LA LOI SUR LES ACCIDENTS

Les industriels et commerçants de Poitiers étaient invités à se réunir mercredi soir, en une salle de l’Hôtel de ville, pour protester contre les difficultés que crée à l’industrie l’application de la loi du 9 avril 1898 surs les accidents.

Un très grand nombre des intéressés s’étaient rendus à cette invitation.

A 8h. 30 ; M. Garnier, président du bureau provisoire qui avait organisé cette réunion, donne lecture de l’invitation qui a été adressée aux commerçants et aussi à MM. Les Sénateurs et Députés du département dont il transmet les excuses.

Puis l’assemblée nomme le bureau suivant :

Président, M. Hambis ; 1er assesseur, M. Servan, 2e assesseur, M. Garnier ; secrétaire, M. Lemoine.

M. Hambis remercie l’assemblée de l’honneur quelle vient de lui faire en le nommant président puis il dit :

« Vous connaissez, Messieurs, l’objet de cette réunion.

«  J’aurai voulu avoir ici, pour vous les présenter et les discuter avec vous, quelques documents concernant cette loi qui, je n’hésite pas à le dire, intéresse à la fois les patrons et les ouvriers et leur causera aux uns comme aux autres de graves dommages, si elle est maintenue.

« Mais je ne m’attendais pas à l’honneur que vous venez de me faire et je n’ai rien préparé touchant cette question.

« Si quelqu’un a quelque observation à présenter, je serai heureux que celui-là prit la parole, nous aurions de la sorte une base de discussion.

M. Métayer demande à soumettre à l’assemblée un travail qui a été élaboré il y a 3 ans et qui a été soumis par la Chambre syndicale des entrepreneurs publics de France à MM. les sénateurs et députés, pour qu’ils puissent, avant le vote du texte de la loi, y introduire les amendements destinés à empêcher les articles qui semblaient défectueux et contre lesquels tout le monde proteste aujourd’hui.

M. le secrétaire dit que le texte étant un peu long, il n’insistera que sur les articles principaux.

.../…

On ne peut dire d’ailleurs qu’elle crée une situation meilleure à l’ouvrier, car c’est en cas de mort que le sort de ses enfants deviendrait meilleur qu’il n’était pendant sa vie.

C’est dire la moralité de cette loi et combien peu elle invite les ouvriers à prendre les précautions qui doivent leur assurer la santé et, partant, le bien être.

Après une lecture qui n’aurait pu que gagner à être moins rapide, M. Garnier dit que les commerçants ont été convoqués pour protester contre cette loi qui a le double tort de n’assurer aucun avantage aux ouvriers et d’être, pour les patrons, une menace de ruine.

Il propose donc à l’assemblée d’adoption d’un vœu qui serait transmis à la Chambre.

M Servant, prenant ensuite la parole, remercie le bureau provisoire d’avoir provoqué cette réunion dont l’utilité est prouvée par l’affluence des intéressés qui s’y sont rendus.

La loi, dit-il, cause un dommage incontestable aux ouvriers aussi qu’aux industriels et aux commerçants, c’est-à-dire aux forces productives de la fortune de la France.

Il n’est pas douteux que la loi qui a de tels résultats a été votée sans avoir été soumise à un examen approfondi.

Et, M. Servant prouve ce qu’il avance par le fait qu’à la dernière session du Conseil général de la Vienne, lorsqu’il crut bon de proposer un vœu tendant à la révision de la nouvelle loi, il eût l’avantage de ranger à son avis tous les conseillers généraux, y compris les députés qui avaient voté la loi.

Il y a donc lieu d’espérer que, mieux informés, les députés n’hésiteront pas à modifier cette loi qui touche de près aux intérêts de tous, du patron comme de l’ouvrier.

Tous deux en effet, doivent marcher ensemble, la main dans la main, au mieux des intérêts du pays et, comme le dit l’orateur dans une phrase très applaudie, on ne peut que blâmer énergiquement ceux qui cherchent à les séparer.

Les députés sont donc décidés à la révision, il faut que des vœux émis partout leur indiquent que cette loi soit modifiée dans des conditions meilleures pour les ouvriers et les patrons.

Le discours de M. Servant est fort applaudi, plus personne ne demandant la parole, M. Lemoine donne lecture de l’ordre du jour suivant :

« Attendu que l’industrie française déjà grevée d’impôts excessifs porte, avec le commerce, la plus lourde part des charges fiscales ;

« Qu’à l’heure actuelle, notre production nationale lutte avec peine contre la concurrence étrangère, et qu’il importe de ne pas augmenter le poids des impôts sous lequel elle se débat ;

« Qu’il n’est pas pratique, à la veille d’une exposition universelle, de troubler le marché français par des essais que l’on sait devoir produire des effets désastreux ;

« Que la loi sur les accidents de travail a été faite dans le but de protéger les ouvriers et qu’il n’a pu entrer dans l’idée du législateur d’obtenir ce résultat en ruinant les employeurs.

« Considérant :

« Que les chefs d’entreprise reculeront devant la hausse des frais nécessités par l’assurance d’employés chefs de famille nombreuse ;

« Que la concurrence étrangère mettra les patrons dans l’obligation de n’employer que des célibataires, ou de baisser le salaire des ouvriers mariés, proportionnellement à la hausse de leur police d’assurances ;

« Qu’ainsi envisagée, cette loi se retourne contre ceux qu’elle devrait protéger ; qu’elle est contraire aux intérêts économiques de la France, enfin qu’elle a un profond caractère d’immoralité, en ce qu’elle forcera les patrons intéressés à employer des gens vivant en concubinage plutôt que des ouvriers mariés légalement ou âgés.

« Pour ces raisons :

« Les industriels poitevins ci-dessus désignés protestent de toutes leurs forces contre l’application de la loi susdite ;

« Invitent les pouvoirs publics à surseoir à sa mise en vigueur ; et demandent que les dispositions en soient revues par les Chambres.

Le président, Hambis ; le secrétaire, Lemoine.

Cet ordre du jour est adopté à l’unanimité et M. Métayer propose qu’une copie en soit adressée à tous les sénateurs et députés du département. L’assemblée se range à cet avis.

 

 

 

 

le 01/02/2020 à 13:26

Source : L'Avenir de la Vienne

syndicat patronal, loi, accident du travail

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