0934313/09/1976POITIERS
Disparaissent avec les bâtiments de la SFIL
C'est à l’imprimerie que l’humanité doit la plus grande partie de son savoir et, curieusement on connait assez mal l’histoire exacte de ses débuts. Tous les manuels vous diront que c’est à Gutenberg que nous devons l’art de la typographie et on estime généralement que c’est vers 1435 que furent réalisés les premiers essais. Il faut en réalité, attendre le mois d’août 1456 pour voir la sortie de « La Bible à quarante deux lignes ».
Curieusement, il en est de même à Poitiers, ville qui fut la troisième de France à posséder une imprimerie, après Paris et Lyon. Mais on reste assez imprécis sur les dates exactes : environ 25 ans après le premier ouvrage de Gutenberg.
Poitiers, ville d’imprimeurs, vient de voir disparaître les bâtiments de la plus ancienne imprimerie de la ville, celle même qui fut fondée dans cette seconde moitié du XVIe siècle, qui n’avait jamais quitté le plateau et qui se trouve aujourd’hui sur la zone de La République, au Centre de Gros : la SFIL.
La démolition des bâtiments de la rue Henri-Oudin, c’est donc une page d’histoire que l’on tourne à Poitiers, puisque, à quelques centaines de mètres près l’imprimerie a toujours été là.
Elle fut en effet installée un temps à la Maison des Deux-Clés, place Notre-Dame et aussi rue du Marché, mais le quartier a été si bouleversé à travers les siècles, que l’on peut dire qu’il y a continuité de lieu.
Nous devons à M. Jean Oudin, une partie de la documentation qui va suivre. Cet arrière petit-fils de Henri-Oudin, c’est un hasard de l'histoire, a repris la direction de l'entreprise, en 1975, juste un siècle après la mort de son aïeul, mais sa famille avait toujours conservé des actions dans l’affaire. On peut donc dire qu’il n’y a jamais eu interruption dans l’entreprise. Déjà, M. Léo Couturaud, un ancien de la profession, avait voici dix ans, écrit cette histoire qui permet de dire que l’on retrouve cinq siècles de continuité d’une même famille dans la même maison.
De Jean de Gradi...
D’après A. Claudin (L'Intermédiaire de l’Ouest, 1893), l’histoire de l'imprimerie à Poitiers débute en 1473. Léo Couturaud est plus précis : le 14 août 1472, quarante ans seulement après la fondation de l’université qui était déjà florissante. Souvenons-nous qu’elle était l’université préférée de Charles VII, lequel avait eu pour les frasques de ses étudiants, des indulgences très larges.
Très vite dit Léo Couturaud, Poitiers eut ses moulins à papier, ses copistes de manuscrits, ses libraires et une nombreuse clientèle d’étudiants, de professeurs, de médecins, de juristes, de religieux, ainsi qu’une importante société bourgeoise avide de savoir.
En 1483, nous trouvons l’atelier de Jean de Gradi, repris par Sauveteau, puis par Jean Bouyer et enfin Guillaume Bouchet. On peut dire que jusqu’à nos jours, la filiation s’est poursuivie.
Certes, ce fut parfois à la faveur de mariages survenus un certain temps après une cession comme pour Henri Oudin qui racheta en 1842. Pour la première fois depuis la création de l’imprimerie, celle-ci allait passer entre les mains d'un « étranger ». Mais l’histoire veillait à la continuité et trois ans plus tard, Henri Oudin épousa Léonie Chauveau, arrière petite-fille de Félix Faulcon. Avec elle on remontait jusqu'à Guillaume Bouchet et le cercle était refermé, la famille revenait dans l’imprimerie.
Alors, il faudrait citer des noms, beaucoup de noms. Nous en retrouvons d’ailleurs un certain nombre qui sont passés à la postérité grâce au baptême de rues poitevines comme les Bouchet ou les Blanchet, car souvent c’est un gendre qui devait poursuivre l’œuvre familiale.
A une certaine époque, on avait même atteint les sommets de la qualité comme du temps de Jean-Baptiste Faulcon, qui était imprimeur du roi Louis XV, privilège qu’eut avant lui un autre Faulcon, Félix, en 1673.
… à Henri Oudin
Mais finalement tout l’essor a été donné par Henri Oudin de 1842 à 1875. Il a pris un atelier avec 7 ouvriers. Il y en avait 150 à sa mort et c’est lui le premier qui introduisit le personnel féminin dans les ateliers de composition : il employait 60 femmes. Ce fils de médecin, né à Vouvray, fut conquis par l’imprimerie au contact de la célèbre maison Mame, de Tours.
Une rue porte le nom de Henri Oudin, celle où se trouvait l’imprimerie poitevine, cinq fois centenaire et qui a émigré sur une zone industrielle. Ainsi va l’histoire mais la rue demeure.
Notons pour situer l’importance de la profession à Poitiers, ville demeurée fidèle aux traditions, que près de 700 salariés sont employés dans les imprimeries poitevines ou périphériques.
Y. Bourdonneau
le 16/04/2023 à 15:03
Source : Centre Presse
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